Choc et interrogations Fusion des trois rédactions romandes de Tamedia

mabr, ats

17.9.2024 - 19:49

L'éditeur zurichois Tamedia a dévoilé mardi sa nouvelle stratégie éditoriale, consistant, côté romand, à fusionner les rédactions des journaux 24 Heures, la Tribune de Genève et le Matin Dimanche, et à faire passer le magazine Femina à une fréquence mensuelle. Les intéressés ont dénoncé des mesures «indignes d'un éditeur de cette taille».

Le Conseil administratif de la Ville de Genève a fait part dans un communiqué de «son profond désaccord avec la stratégie de Tamedia» (archives).
Le Conseil administratif de la Ville de Genève a fait part dans un communiqué de «son profond désaccord avec la stratégie de Tamedia» (archives).
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Keystone-SDA, mabr, ats

Quelque 55 équivalents plein temps (EPT) seront supprimés, dont 25 en Suisse romande, a fait savoir Tamedia mardi dans un communiqué. A l'origine, lors de l'annonce de la restructuration le 27 août dernier, l'éditeur avait évoqué la suppression de 90 EPT. Il avait également annoncé la fermeture des imprimeries de Bussigny et Zurich, impliquant la destruction de 200 autres emplois.

«Avec la nouvelle organisation, nous réduisons la complexité dans les rédactions et modifions les processus et les structures dans les newsrooms afin de nous positionner de manière plus efficace et plus agile dans le monde des médias qui évolue de manière très dynamique», a déclaré Simon Bärtschi, directeur éditorial chez Tamedia, cité dans le communiqué.

Ainsi, le premier éditeur du pays compte «à l'avenir» fonctionner avec quatre rédactions pour les quotidiens et les titres dominicaux à Zurich, Berne, Bâle et en Suisse romande. En août, il avait indiqué qu'il allait miser sur «quatre marques fortes du futur» pour «réaliser sa croissance digitale», à savoir 24 Heures, Tages-Anzeiger, BZ Berner Zeitung et Basler Zeitung. Ces «quatre équipes» seront tenues de planifier et réaliser leurs sujets «en collaborant de manière plus étroite», a-t-il souligné mardi.

Mesures «inouïes»

«La Tribune de Genève, en tant que marque importante, continuera à avoir sa propre présence digitale et à paraître en tant que journal», poursuit Tamedia, précisant que Femina paraîtrait sous forme de supplément également dans la Tribune de Genève et 24 Heures. Le rédacteur en chef du quotidien vaudois Claude Ansermoz prendra la tête de la nouvelle rédaction romande.

«C'est inouï, inadmissible, c'est la première fois qu'un éditeur ose fusionner des rédactions historiques plus que centenaires et ancrées dans leur territoire» a réagi Erwan Le Bec, président de la société des collaborateurs (SDC) de 24 Heures auprès de Keystone-ATS. «Ces mesures sont indignes d'un éditeur de cette taille», a-t-il ajouté.

Dans un communiqué, Syndicom dénonce une fusion qui menace l'existence des journaux régionaux et locaux et détruit la diversité médiatique au sein de l'entreprise. «Tamedia, qui s'est développé grâce à une expansion agressive, se transforme en monoculture et affaiblit ainsi durablement le paysage médiatique suisse», dénonce le syndicat.

Choc et interrogations

Une assemblée générale des rédactions romandes de Tamedia s'est tenue dans l'après-midi. «Il y a un grand choc au niveau des rédactions. L'évolution des chiffres annoncés il y a trois semaines a pour effet de rendre la communication du groupe floue et perturbante», a déclaré Chloé Din, journaliste chez 24 Heures et membre de la SDC à Keystone-ATS.

«Pour l'heure, on se concentre sur les coupes annoncées qui sont énormes. La suppression de 25 ETP correspond à 40 personnes touchées», ajoute-t-elle. Comme les rédactions concernées comptent 210 personnes, près d'un employé sur 5 est donc touché."On se demande comment on va faire pour couvrir l'actualité romande à l'avenir si ces chiffres sont appliqués.»

«Desks» transversaux

Les mesures de concentration des rédactions touchent également la Suisse alémanique. Ainsi, la rédaction des journaux régionaux zurichois (Landbote, Zürichsee-Zeitung, Zürcher Unterländer) sera intégrée à la rédaction de Zurich, dirigée par Raphaela Birrer, rédactrice en chef du Tages Anzeiger. L’équipe de la SonntagsZeitung y sera également intégrée.

La rédaction des titres de l'Oberland bernois (Thuner Tagblatt, Berner Oberländer) sera dirigée par Wolf Röcken, rédacteur en chef de la Berner Zeitung. Enfin, Marcel Rohr, rédacteur en chef de la Basler Zeitung, prendra la tête de la rédaction de Tamedia à Bâle. Les rédactions de Bilan, Schweizer Familie et Finanz und Wirtschaft demeurent quant à elles inchangées.

Tamedia a également annoncé la création d'un «Digital Desk» et d'un «Print Desk» transversaux. Le premier, doté d'équipes des deux côtés de la Sarine sera «responsable de la diffusion des contenus de manière transversale». Aucune précision n'a été donnée sur la mission du second.

Nombreuses réactions

Le syndicat des journalistes suisses Impressum a demandé «des mesures d'accompagnement à la hauteur du séisme» pour les personnes touchées. Il a exigé que Tamedia s'engage dans le futur à «mettre fin aux réorganisations successives qui se font au détriment du personnel et de la diversité de la presse».

Le Conseil d'Etat vaudois a dit sa «vive inquiétude» pour la diversité et la pluralité de la presse en Suisse romande et déploré dans un communiqué le fait que ce côté-ci de la Sarine soit «particulièrement impacté» par les suppressions de postes. Il a ajouté qu'il veillerait à ce que la procédure de consultation «se déroule conformément aux dispositions légales».

Quant au Conseil administratif de la Ville de Genève, il a fait part dans un communiqué de «son profond désaccord avec la stratégie de Tamedia». Inquiet de constater que «la survie du plus ancien quotidien genevois est bel et bien menacée», il a tenu à rappeler aux dirigeants zurichois que «les médias locaux sont bien davantage qu’un élément de branding».

Tamedia s'est dite «consciente de la gravité» des mesures annoncées et a promis des plans sociaux, comprenant notamment des retraites anticipées.