Initiatives antipesticides Deux «projets extrêmes» et néfastes ?

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9.3.2021 - 11:16

Keystone-SDA, cc, ats

«Moins de production indigène, plus d’importations, une alimentation plus chère, plus de gaspillage et moins d’emplois»: tels sont les fléaux qui s'abattraient sur la Suisse en cas de oui aux initiatives contre les pesticides, selon le comité qui les combat.

Le comité national contre les initiatives «Pour une eau potable propre» et «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse» a fustigé mardi à Berne «deux projets extrêmes». Les deux textes seront soumis au peuple le 13 juin.

«L’initiative eau potable n’a rien à voir avec l’eau potable», a affirmé Markus Ritter, président de l’Union suisse des paysans, à propos du premier objet, selon le communiqué du comité. «Elle veut coupler l’octroi des paiements directs à deux revendications peu pertinentes: seules les exploitations qui renoncent à tout produit phytosanitaire et produisent elles-mêmes l’intégralité du fourrage pour leurs animaux pourront encore en toucher.»

«De ce fait, l’initiative concerne aussi les exploitations bio et les prestations écologiques requises (PER), qui constituent aujourd’hui la base pour recevoir des paiements directs», a-t-il relevé. Le second texte veut lui «interdire globalement l’utilisation des pesticides de synthèse dans le secteur agricole et alimentaire, et vise aussi les importations.»

Marco Chiesa, président de l’UDC, refuse une agriculture "dont les produits deviendraient hors de portée de la plupart des bourses".
Marco Chiesa, président de l’UDC, refuse une agriculture "dont les produits deviendraient hors de portée de la plupart des bourses".
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Aussi utilisés en agriculture bio

Plus de la moitié des produits vendus sont aussi autorisés en agriculture biologique, pointe Anne Challandes, paysanne bio et présidente de l’Union suisse des paysannes et des femmes rurales.

Selon le comité, les ventes de produits phytosanitaires ont diminué de plus de 40% ces dix dernières années. Le secteur serait également parvenu à réduire de moitié les antibiotiques administrés aux animaux de rente.

Pour Anne Challandes, ce sont aussi précisément les prestations écologiques requises, parmi lesquelles un «usage ciblé» des produits phytosanitaires, qui garantissent que l’agriculture suisse se démarque de manière favorable de l’étranger.

«Une meilleure solution»

«Les deux initiatives ratent leurs objectifs», renchérit Gerhard Pfister, président du Centre. «Il était toutefois important pour nous (...) de présenter une autre solution», raison pour laquelle l'initiative parlementaire «Réduire le risque de l’utilisation de pesticides», actuellement devant les Chambres, a été lancée.

Pour M. Pfister, celle-ci permet une «réduction ciblée» de l’utilisation de ces produits sans qu’il soit nécessaire de procéder à beaucoup plus d’importations. Marco Chiesa, président de l’UDC, refuse une agriculture «dont les produits deviendraient hors de portée de la plupart des bourses».

Menace pour les emplois

Pour le comité «contre les initiatives phytos extrêmes», les deux textes menacent également les emplois. «Le secteur agricole et alimentaire représente plus de 300'000 emplois, dont environ 160'000 dépendent directement de la production indigène», a dit Fabio Regazzi, président de l’Union des arts et métiers.

Des exigences élevées limitées à la Suisse ne feraient que favoriser l’essor du tourisme d’achat et affaiblir entreprises de transformation et de commerce indigènes.

«L’industrie du chocolat et du café ne serait pas en mesure de répondre aux exigences et devrait délocaliser sa production à l’étranger», a affirmé Isabelle Moret, présidente de la Fédération des Industries Alimentaires Suisses. Selon elle, les pesticides se révèlent en outre «indispensables au niveau hygiénique pour assurer une qualité irréprochable des aliments», et éviter le gaspillage.

Quitter l'OMC?

Pour Damian Müller, conseiller aux Etats (PLR/LU), les conditions posées par l’initiative sur les pesticides de synthèse «violent nos obligations dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).»

«Soit la Suisse quitte l’OMC et fait le choix d’une offre en magasin dictée par l’Etat ainsi que du tourisme d’achat. Ou elle opte pour une mise en œuvre unilatérale du texte, limitée à la production suisse, avec pour conséquence l’éviction du marché des matières premières et des exploitations agricoles indigènes, et un accroissement de notre empreinte écologique à l’étranger.» «Cela revient à choisir entre la peste et le choléra».

En tant que président de l’Association suisse des fabricants d’aliments fourragers, il a aussi fustigé la «revendication absurde» concernant l’affouragement: rares sont les éleveurs de volailles et de porcs qui disposent de terres suffisantes pour produire l’alimentation de leurs animaux, a-t-il dit.

Aucun avantage pour l’environnement

L’initiative sur l'eau potable «ne profitera pas à l’eau potable, bien au contraire», estime Colette Basler, députée socialiste au Grand Conseil argovien, à la tête de sa propre exploitation agricole.

Elle y serait même néfaste: «75% de l’empreinte écologique liée à notre consommation est d’ores et déjà générée à l’étranger. Si l’initiative était acceptée, nous aurions encore davantage de produits agricoles étrangers et, partant, de pesticides dans nos assiettes.»

Enfin, pour les opposants aux deux initiatives, celles-ci compromettent «les bons développements» en cours dans l'agriculture.