Renvois forcésIntérêts des enfants pas assez pris en compte
cc, ats
9.7.2024 - 11:06
L’intérêt supérieur de l’enfant est parfois négligé pendant les renvois sous contrainte, constate mardi la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) dans son rapport annuel. Certaines pratiques posent particulièrement problème.
cc, ats
09.07.2024, 11:06
09.07.2024, 11:51
ATS
La CNPT a porté une attention spéciale à la situation des familles avec enfants durant ce type d’opération.
Bien que les autorités d'exécution s'efforcent de pourvoir au bien-être des enfants, notamment en bas âge, le risque subsiste que les intérêts des mineurs «soient négligés, voire complètement oubliés durant la planification et l'exécution des renvois sous contrainte», pointe la commission.
Celle-ci juge en particulier que les mesures de contrainte appliquées à des enfants dont elle a été témoin sont «potentiellement traumatisantes» et portent atteinte dans certains cas à l'intérêt supérieur de l'enfant. De même, le recours à la contrainte à l'égard de femmes enceintes ou allaitantes est jugé dégradant et contraire aux droits humains.
Autres pratiques critiquées
La commission critique également d'autres pratiques observées, comme l'immobilisation des parents devant leurs enfants, les renvois échelonnés des membres d'une même famille et la séparation de familles pendant le renvoi. Elle fustige aussi la prise en charge de familles la nuit et l'utilisation des enfants comme interprètes par les autorités d'exécution.
Pour la Commission, il est nécessaire de former les membres des escortes policières aux droits et aux besoins spécifiques des familles et des enfants dans le contexte des renvois sous contrainte.
Menottes, sangles, ceintures
Bien que le traitement des personnes à renvoyer ait été globalement respectueux, la Commission trouve disproportionné le recours récurrent à des mesures de contrainte préventives, comme des menottes ou des sangles aux chevilles, ou une ceinture de contention, en particulier pendant le transfert à l'aéroport et l'attente avant l'embarquement.
Pour la CNPT, l'usage de moyens d'immobilisation doit être réservé aux situations dans lesquelles la personne présente un danger pour elle-même ou autrui. Elle a par ailleurs de nouveau observé diverses pratiques qu'elle avait déjà réprouvées ou jugées inappropriées par le passé.
Pour ce qui est de la transmission des informations pertinentes entre les différents acteurs - CNPT, Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), polices cantonales, services cantonaux compétents en matière de migrations et société Oseara AG, chargée de la prise en charge médicale des personnes à renvoyer -, elle peut être qualifiée de bonne, écrit la commission.
Personnes sous traitement psychiatrique
La CNPT a observé la prise en charge de plusieurs personnes suivant un traitement psychiatrique dans une institution, et indique avoir été témoin dans ce cadre du recours à des immobilisations préventives motivées par le seul diagnostic de troubles psychiatriques des personnes concernées.
En plus d'une prise en charge dans un service d'urgences, la commission a aussi observé plusieurs transferts à l'aéroport sous escorte policière à partir de cliniques psychiatriques.
Proportionnalité pas respectée
«Au vu des risques pour la santé des intéressés», la Commission considère que la prise en charge de personnes en traitement dans une institution ne respecte pas le principe de proportionnalité. Elle juge enfin que des mesures de contrainte qui sont justifiées exclusivement par un diagnostic psychiatrique de la personne sont «dégradantes».
De janvier à décembre 2023, la CNPT a observé 49 renvois sous contrainte par voie aérienne de niveau 4 (vols spéciaux) et 38 transferts à l'aéroport pour des renvois sous contrainte des niveaux 2 et 3. Au total, elle a accompagné le renvoi forcé de 45 familles avec 105 enfants, dont 99 étaient mineurs.