ProcèsSept ans et demi de prison pour l'ex-boursier de Belfaux
lp, ats
30.3.2021 - 20:24
Keystone-SDA, lp, ats
30.03.2021, 20:24
31.03.2021, 09:17
ATS
Le Tribunal pénal économique du canton de Fribourg a condamné mardi l'ex-boursier de Belfaux (FR) à sept ans et demi de prison. Ce Fribourgeois de 52 ans était accusé d'avoir «piqué» dans le trésor communal près de 6 millions de francs en l'espace de quatorze ans.
Le tribunal, par la voix de son président Alain Gautschi, a reconnu l'ex-boursier coupable d'abus de confiance qualifié et de faux dans les titres. Celui qui avait la haute main sur la caisse communale, et qui a admis les faits, a été aussi condamné à rembourser les 5,85 millions de francs subtilisés à la commune de Belfaux.
En détention préventive depuis le 26 août 2019, l'ex-boursier, qui se dit aujourd'hui ruiné, a mené grand train de vie avec l'argent détourné. Il verra la totalité de ses propriétés immobilières en Suisse, en Espagne et au Brésil mises en vente, une perspective toutefois insuffisante pour rembourser la commune.
Pas d'escroquerie par métier
Les juges n'ont toutefois pas retenu la qualification d'escroquerie par métier, requise par le Ministère public. Selon eux, il n'y a pas eu de tromperie astucieuse dans la mesure où le stratagème utilisé par l'ex-boursier s'est appuyé sur le défaut de surveillance du Conseil communal, notamment de trois syndics successifs.
Le président du tribunal a tapé sur les doigts des responsables belfagiens pour leur manque de vigilance quant à la valeur patrimoniale de la commune. «L'esprit critique a fait défaut». Les manoeuvres de l'ex-boursier auraient dû être démasquées bien plus tôt. Et les contribuables n'ont pas été oubliés dans le jugement.
«L'ex-boursier a puisé dans les deniers publics au détriment de ceux-ci, alors qu'ils se serrent la ceinture pour payer leurs impôts», a détaillé Alain Gautschi. «Il tenait la bourse et il a bafoué la confiance placée en lui de manière crasse, tout en déployant une grande énergie criminelle», a-t-il ajouté.
Ne pas faire illusion
Lors des réquisitoires, la procureure générale adjointe Alessia Chocomeli-Lisibach avait demandé huit ans de prison pour escroquerie par métier, abus de confiance, gestion déloyale, faux dans les titres et blanchiment d'argent. Selon elle, le discours d'un ex-boursier «froid et sans scrupules» ne doit pas faire illusion.
En effet, ce dernier s'est montré évasif lors des deux jours de son procès. «J'ai été indélicat. J'ai fait une seule erreur dans ma vie, et je la regrette énormément», a-t-il dit pour résumer les plus de 250 prélèvements indus, camouflés par des artifices comptables, qu'il a effectués dans la caisse pour 5,85 millions de francs.
«Je me suis toujours comporté comme un citoyen normal et un bon père de famille», a noté le prévenu, en s'excusant auprès des autorités et de ses proches. En détention préventive depuis l'éclatement de l'affaire, il a demandé plusieurs fois sa libération pour travailler et rembourser sa dette. Le risque de fuite était et reste trop élevé.
Accélération de cadence
L'individu a gagné la confiance des responsables communaux et des trois syndics sous l'autorité desquels il a œuvré depuis 2001. Employé de commerce, il est devenu boursier en 2004, année où il a déjà prélevé dans le trésor communal. Il a surtout accéléré la cadence dès 2013 pour ponctionner 1,5 million de francs en 2017.
L'ex-boursier persuadait les syndics de signer des ordres de virement prétendument destinés à rétrocéder à la paroisse les sommes encaissées par la commune à titre d'acomptes d'impôts paroissiaux. Pour des raisons de prescription, il ne devait toutefois répondre que des faits postérieurs à mars 2006.
Au premier jour du procès, la procureure générale adjointe avait comparé l'accusé à un «petit roi tirant les ficelles dans l'ombre», au sein d'une commune de 3300 habitants.
«D'une simplicité déroutante»
La défense a pour sa part plaidé l'abandon de l'accusation d'escroquerie par métier et une peine maximale de quatre ans et demi. Elle a contesté la thèse selon laquelle son client avait fait preuve d'une rouerie particulière dans ses détournements. Ces derniers étaient d'une «simplicité déroutante».
«Un minimum de curiosité aurait permis de le démasquer rapidement», ont estimé ses avocats. Selon la défense, les autorités, et autres experts et réviseurs de comptes, «n'ont pas assumé leur rôle et accompli leur travail». Ainsi, à leurs yeux, l'ex-boursier n'aurait pas dû être seul à s'asseoir sur le banc des accusés.
L'avocat de la commune a réclamé que le produit des séquestres opérés par la justice revienne à la commune. Mais selon lui, une partie de l'argent, à savoir environ 2,5 millions de francs dont la trace a été perdue par les enquêteurs, profitera malgré tout à l'ex-boursier à sa sortie de prison.