L'initiative contre le commerce de matériel de guerre serait coûteuse et injuste pour de nombreuses PME suisses, estiment ses opposants. Des parlementaires PLR, PDC, UDC et PVL se sont mobilisés lundi contre le texte soumis au peuple le 29 novembre.
L'initiative veut interdire le financement des producteurs de matériel de guerre dans le monde. La Banque nationale suisse (BNS), ainsi que les fondations, l'AVS et l'AI et les institutions de prévoyance ne pourraient plus financer les entreprises réalisant plus de 5% de leur chiffre d’affaires annuel avec ce matériel.
L'octroi de crédits, de prêts et de donations, la prise de participation et l'acquisition de titres figureraient parmi les types de financements interdits. Le texte, lancé par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) et les Jeunes Verts, demande par ailleurs que la Confédération s’engage afin que les banques et les assurances soient soumises à des conditions analogues.
Prévoyance vieillesse menacée
Avec ce projet, les possibilités d'investissement des fonds de prévoyance sociale deviendront plus coûteuses et les risques liés aux activités de placement augmenteront, a argumenté le comité interpartis contre l'initiative. L'AVS et les caisses de pension devront soit limiter leurs investissements à quelques entreprises ou contrôler chaque année les volumes de ventes de milliers d'entreprises.
«En définitive, ce seraient les revenus des caisses de pension qui fondraient comme neige au soleil», a expliqué le Vert'libéral François Pointet. Il ne faut pas surcharger la barque alors que le système de prévoyance sociale suisse est confronté à des problèmes urgents, a relevé le conseiller national vaudois.
Financement réduit
Par ailleurs, la définition très large de producteurs de matériel de guerre comprend toutes les entreprises qui réalisent plus de 5% de leur chiffre d'affaires annuel avec la production d'équipements destinés à la défense. L'initiative ne vise ainsi pas seulement les grandes entreprises internationales comme RUAG, Airbus ou Boeing, a ajouté le conseiller national Fabio Regazzi (PDC/TI).
Elle touchera aussi des PME qui produisent des pièces détachées et d’éléments d’assemblage entrant dans la fabrication de biens d’équipement militaires. Ne recevant plus de prêts des banques suisses, elles ne pourraient plus investir dans le développement de leurs produits et de leurs sites, selon le parlementaire démocrate-chrétien.
En tarissant les sources de financement des producteurs d’armes suisses et de leurs fournisseurs, le GSsA compromet une fois de plus l'armée et la sécurité militaire de la Suisse, a poursuivi le conseiller aux Etats Werner Salzmann (UDC/BE).
BNS menacée
L'initiative met aussi en danger l'indépendance de la Banque nationale suisse, a poursuivi la conseillère nationale Maja Riniker (PLR/AG). Pour assurer sa mission, qui vise la stabilité du franc, la BNS ne peut pas solliciter ou accepter des instructions du Conseil fédéral. Sa capacité d'agir doit rester intacte, surtout dans le contexte de crise sanitaire et économique.
L’industrie de l’armement suisse crée des emplois et du travail pour les PME. Elle est déjà étroitement surveillée et ses exportations sont régies par la loi sur le matériel de guerre. L’initiative n’y changerait rien, a ajouté François Pointet.
Tradition à préserver
Pour le GSsA et et les Jeunes Verts, les investissements dans les producteurs de matériel de guerre sont contraires à la tradition humanitaire et la neutralité de la Suisse. Ils doivent être exclus des portefeuilles.
Pour eux, l'initiative peut être mise en oeuvre facilement. Toujours plus d'investisseurs et de caisses de pension ont introduit des critères sans perdre au niveau des rendements. Le volume de l'industrie d'armement ne représente en outre qu'à peine 1% du marché mondial et les investissements durables ne cessent de progresser.
Le texte a été déposé en juin 2018. Une majorité bourgeoise s'y est opposée au Parlement. Seule la gauche et le PEV soutiennent le texte. En 2009, le GSsA a largement échoué avec une initiative semblable, qui voulait interdire les exportations de matériel de guerre.
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