«Aussi malléable qu'un chewing-gum»La neutralité évolue dans le temps, selon un historien
wk, ats
1.5.2022 - 09:18
La définition de la neutralité helvétique doit évoluer en même temps que la situation internationale change, selon l'historien bâlois émérite Georg Kreis. Cela ne signifie toutefois pas que la Suisse doive renoncer à sa neutralité.
Keystone-SDA, wk, ats
01.05.2022, 09:18
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Elle doit plutôt montrer une plus grande flexibilité à cet égard, a estimé M. Kreis dans une interview accordée à la NZZ am Sonntag. Il faut que tout change, pour que rien ne change, a-t-il dit, citant l'écrivain italien Giuseppe Tomasi di Lampedusa.
Une distinction doit être faite entre le droit de la neutralité et la politique de neutralité. Cette dernière a toujours été appliquée de manière flexible, mais il y a souvent un fossé entre le principe et la pratique. On peut l'interpréter de manière dogmatique ou l'utiliser en fonction des nécessités de la realpolitik.
Aussi malléable qu'un chewing-gum
Quand Christoph Blocher était ministre de la justice, la Suisse a collaboré étroitement avec les Etats-Unis dans le contexte de la guerre contre le terrorisme. Or personne dans son camp n'y a vu un problème avec la neutralité. «On voit là une constante historique: on chante le dimanche les grands principes de la neutralité, mais le lendemain, la réalité nous attend», a déclaré Georg Kreis.
La neutralité helvétique a toujours été aussi élastique et malléable qu'un chewing-gum, a pour sa part avancé l'historien émérite Hans-Ulrich Jost dans une interview publiée dans la SonntagsZeitung. D'une part, un mythe s'est créé autour de cette notion et, d'autre part, celle-ci reste abstraite.
Sceptique, il estime qu'il existe d'innombrables exemples d'une politique ambiguë en matière de neutralité. Donner une grande importance à la neutralité, comme c'est le cas en Suisse, pour ensuite constamment l'affaiblir, c'est malhonnête, a pointé M. Jost.
Attitude schizophrène
La Suisse a une attitude schizophrène vis-à-vis de la neutralité, a-t-il poursuivi, citant l'historien suisse Jean Rudolf von Salis. Il faut mesurer les déclarations d'une personne à ses actes. Cela vaut également pour un pays.
Les livraisons d'armes ne sont pas possibles sans violer la neutralité. Selon lui, le président du Centre Gerhard Pfister doit honnêtement regarder cette affirmation en face en demandant une telle mesure.
La Confédération a déjà connu cette situation lors de la Première Guerre mondiale, lorsque la Suisse a livré des armes à la France et à la Grande-Bretagne.