La Suisse doit accéder jeudi pour la première fois au Conseil de sécurité de l'ONU pour un mandat en 2023 et 2024. Avec la conférence sur l'Ukraine à Lugano, cette étape constitue «un chapitre important» de la diplomatie suisse, selon le président de la Confédération.
Devant la presse mercredi soir à New York (jeudi matin en Suisse), Ignazio Cassis est resté prudent mais confiant jusqu'au bout, répétant que sauf surprise l'élection était acquise. Cinq pays sont candidats à cinq sièges de membres non permanents au Conseil.
M. Cassis et les dirigeants des quatre autres pays ont discuté mercredi de la manière dont ils pourraient collaborer au sein de l'organe exécutif onusien. Tous doivent obtenir au moins deux tiers des voix de pays votants parmi les 193 Etats de l'organisation.
«Ce n'est jamais une formalité», affirme le président de la Confédération. Il a relevé que ce mandat constituera l'accomplissement de près de 15 ans d'efforts depuis les premiers préparatifs de la candidature, officialisée il y a un peu plus de dix ans.
La Suisse va être exposée dans les prochains mois. Début juillet à Lugano (TI) en accueillant la conférence sur la reconstruction de l'Ukraine, puis dès janvier prochain pour deux ans au Conseil. «La Suisse se trouve en ce moment dans un chapitre important de son histoire en termes de politique étrangère», ajoute le président.
Pas de rencontre avec Nebenzia
L'Assemblée générale de l'ONU doit se prononcer dès 10h00 (16h00 en Suisse). La Suisse est la seule à briguer avec Malte les deux sièges du bloc d'Europe occidentale dans l'organe exécutif onusien.
Selon M. Cassis, le résultat importe peu tant qu'il dépasse le nombre de voix requises. Il ne cherche pas à atteindre le record pour un candidat d'Europe occidental. L'objectif, «c'est d'être élu», glisse-t-il. Il dit avoir «une idée» de qui pourrait ne pas voter pour la Suisse, sans nommer personne.
La crise en Ukraine et l'attitude suisse sur les sanctions contre Moscou peuvent jouer un rôle, admet-il. Mercredi, il n'a pas discuté avec l'ambassadeur russe Vassili Nebenzia, présent à la réception organisée par les cinq candidats.
Mardi, l'ambassadeur français Nicolas de Rivière avait dit à Keystone-ATS qu'il suggérait à la Suisse d'éviter une approche de la neutralité «trop littérale» au Conseil. Berne applique un droit de la neutralité «littéral» mais la politique de la neutralité n'empêche pas les sanctions ni la participation active dans l'organe onusien, lui a rétorqué M. Cassis. Même les Russes le savent, dit-il aussi.
Volonté d'oeuvrer en faiseur de compromis
Paradoxalement selon des observateurs internationaux, la lutte pour ce siège aura été plus acharnée sur le front intérieur qu'auprès des autres Etats. Depuis des années, l'UDC et son tribun Christoph Blocher ont milité contre cette participation au Conseil de sécurité, souhaitant même que cette question soit réglée devant le peuple. Le parti de droite aura tenté de s'opposer à ce scénario, en vain malgré des sessions extraordinaires dans les deux chambres du Parlement.
La Suisse veut aider à une paix durable, protéger la population civile, oeuvrer à la sécurité climatique et renforcer l'efficacité de l'organe. Depuis longtemps, elle défend une réforme du Conseil de sécurité alors que l'enceinte est bloquée par le droit de veto des cinq membres permanents, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne.
Désormais, ceux-ci doivent justifier devant l'Assemblée générale l'utilisation de celui-ci. M. Cassis souhaite que la Suisse oeuvre comme intermédiaire pour convaincre les grandes puissances de ne pas y recourir. Et d'ajouter que les autres pays attendent de Berne une attitude qui a fait sa «réputation».
La marge de manoeuvre de la Suisse ne doit pas être surestimée mais celle-ci pourra donner le ton pendant sa présidence d'un mois de l'organe onusien, en mai prochain et probablement en septembre 2024. Dans une période de tensions sur la guerre en Ukraine, un certain nombre de pays attendent un effort suisse pour tenter de déverrouiller le Conseil de sécurité.