Votations Le réflexe identitaire pourrait l'emporter le 7 mars

vf, ats

14.1.2021 - 13:51

La Suisse pourrait à son tour bannir le voile intégral. Les auteurs de l'initiative anti-burqa en font un combat pour la civilisation occidentale, alors que les opposants considèrent le problème comme marginal. Le réflexe identitaire pourrait être décisif le 7 mars.

Le comité d'Egerkingen a lancé la campagne pour son initiative «Oui à l'interdiction de se dissimuler le visage», qui vise notamment les femmes portant la burqa (image symbolique).
Le comité d'Egerkingen a lancé la campagne pour son initiative «Oui à l'interdiction de se dissimuler le visage», qui vise notamment les femmes portant la burqa (image symbolique).
KEYSTONE/GIAN EHRENZELLER

Le débat n'est pas nouveau: de nombreux pays européens ont adopté dans la foulée de la France des dispositions interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, certains visant la burqa et le niqab. En Suisse, plusieurs initiatives cantonales ont été débattues, mais seuls le Tessin et St-Gall ont franchi le pas.

Avec son initiative «Oui à l'interdiction de se dissimuler le visage», le comité d'Egerkingen porte le débat à l'échelon national. Le texte vise autant le voile intégral que les cagoules de casseurs ou de hooligans. Il s'appliquerait dans tous les lieux accessibles au public, comme dans la rue, les transports, les magasins ou en pleine nature.

Sauver la civilisation et les femmes

«Dans notre culture, il est de coutume de montrer son visage dans l'espace public», a souligné le conseiller national Walter Wobmann (UDC/SO) lors du lancement de la campagne. Dissimuler son visage contrevient à l'ordre social.

Pour les initiants, la burqa et le niqab sont les signes extérieurs d'un islam fondamentaliste qui ne correspondent pas aux valeurs de la démocratie. Jean-Luc Addor (UDC/VS) invoque carrément une «guerre des civilisations». Dans le même esprit, le comité considère ce vêtement comme un symbole de l'oppression des femmes.

20 à 30 résidentes en Suisse

Le Conseil fédéral et le Parlement rejettent l'initiative. La Suisse ne connaît pas de problème avec la dissimulation du visage, a rappelé la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter. Selon une étude de l'Université de Lucerne, seules 20 à 30 femmes portent le voile intégral en Suisse. La plupart le font de leur propre gré, souvent contre l'avis de leur mari ou de leur père.

Quant au risque de radicalisation lié au port de la burqa ou du niqab en Suisse, le gouvernement n'y croit pas. L'islam radical s'exprime par d'autres canaux. Et le Parlement vient de durcir le droit pénal et les mesures de police pour combattre le terrorisme.

Souveraineté cantonale

Le Conseil fédéral rappelle enfin que du point de vue institutionnel, la réglementation de l'espace public relève de la compétence des cantons. Le Tessin et St-Gall ont ainsi déjà légiféré sur le voile intégral. Quinze autres ont adopté des règles pour les manifestations ou événements sportifs.

Pour le gouvernement, cette approche fédéraliste est la bonne car les cantons connaissent le mieux les attentes de leur population. Et certains, qui accueillent de riches familles du Golfe pourraient ne pas voir d'un bon oeil une interdiction généralisée, qui ne fait pas d'exception pour les touristes.

Convictions féministes

Reste que la portée symbolique du voile intégral pourrait emporter les faveurs populaires, au même titre que lors de la votation sur l'interdiction des minarets en 2009. Certaines femmes comme l'ancienne conseillère aux Etats Géraldine Savary (PS/VD) ou la conseillère nationale Marianne Binder (PDC/AG) ne cachent pas leur aversion pour cet accessoire.

Selon elles, la burqa et le niqab sont l'expression d'une oppression des femmes. Ces politiciennes qui pourraient convaincre une large frange de citoyennes ne visent pas la religion, mais mettent en avant les principes d'égalité et de droits fondamentaux. Dans les premiers sondages qui donnent le oui largement en tête, la gauche n'est pas en reste.

Contre-projet prêt à l'emploi

Pour contrecarrer l'initiative, le Conseil fédéral a fixé des règles pour les personnes se dissimulant le visage dans un contre-projet indirect. Ce texte a été adopté par le Parlement mais il n'entrera en vigueur que si l'initiative est rejetée.

Il prévoit que toute personne est obligée de montrer son visage aux autorités lorsque c’est nécessaire pour son identification. Cela vaut par exemple dans un service administratif ou dans les transports publics. Il inclut des dispositions en faveur de l’égalité entre les sexes et de l'intégration.

Interrogée sur un éventuel dégât d'image pour la Suisse en cas de oui, Karin Keller-Sutter n'a aucune crainte: «Cela ne changerait ni le destin de la Suisse, ni celui du monde».

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