Conseil de sécurité Le rôle possible de la Suisse au Conseil de sécurité divise

sn, ats

10.3.2022 - 10:00

Le possible rôle suisse au Conseil de sécurité de l'ONU provoque des divergences. Alors que Conseil fédéral et experts sont persuadés qu'il renforcera la politique extérieure, certains, dont d'ex-diplomates, redoutent un effet sur la neutralité et les bons offices.

L'ambassadrice suisse à l'ONU Pascale Baeriswyl et le président de la Confédération Ignazio Cassis devront porter dans les prochains mois la candidature suisse pour le Conseil de sécurité à New York avant l'élection (archives).
L'ambassadrice suisse à l'ONU Pascale Baeriswyl et le président de la Confédération Ignazio Cassis devront porter dans les prochains mois la candidature suisse pour le Conseil de sécurité à New York avant l'élection (archives).
ATS

Keystone-SDA, sn, ats

La question cristallise au point qu'elle oppose d'anciens conseillers fédéraux. Celle qui avait lancé en 2011 la candidature, Micheline Calmy-Rey, estime que la Suisse pourrait renforcer ses liens internationaux.

En 2017, Christoph Blocher, farouchement opposé, disait à Keystone-ATS que ce siège violerait la neutralité parce que la Suisse devrait voter pour ou contre des sanctions dans les situations de paix et de sécurité. C'est sans surprise qu'il a fait il y a quelques jours la même analyse sur la décision suisse sur l'Ukraine, sans que la Suisse ne fasse pourtant partie du Conseil de sécurité.

Parmi les premiers concernés, les diplomates, un siège dans l'organe exécutif de l'ONU ne fait pas non plus l'unanimité. Dans un rapport, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) avait clairement affirmé que la neutralité suisse ne serait pas violée, mentionnant plusieurs exemples dont le Costa Rica, seul pays à ne faire partie d'aucune alliance politique ni militaire comme la Suisse et à avoir siégé.

En cas de vote sur le recours à la force, la Suisse pourrait aussi s'abstenir, selon lui. Mais ce choix est déjà une position, selon certains.

Pas d'obligation sur l'envoi de troupes

Selon le chef de la division ONU au DFAE, Frank Grütter, le droit de la neutralité ne joue aucun rôle dans les décisions du Conseil de sécurité. Celui-ci n'est pas partie au conflit. «Nous n'aurons pas d'obligations, nous ne devrons pas envoyer de troupes ni renforcer les troupes de maintien de la paix», affirme M. Grütter.

Mais celui qui a été le premier représentant permanent de la Suisse comme membre à l'ONU, Jenö Staehelin, doute de la capacité à résister aux pressions de pays comme les Etats-Unis. «L'expérience au moment de la défense de la place financière m'a montré que nous n'étions pas toujours prêts» à le faire.

L'un de ses anciens collègues, Paul Widmer, multiplie les tribunes dans les médias suisses et étrangers. Selon lui, un siège non permanent au Conseil de sécurité n'est pas pertinent. Seules les cinq grandes puissances le contrôlent avec leur droit de veto.

«Maintenir une politique étrangère neutre formelle au Conseil de sécurité peut aboutir à des décisions difficiles à une période de divisions grandissantes», a admis le vice-président de l'Institut international de la paix (IPI), Adam Lupel répondant à Keystone-ATS. Mais pas incontournable.

Sur l'Ukraine par exemple, la Suisse pourrait se contenter d'une position forte sur les questions humanitaires, selon ce responsable du principal laboratoire de réflexion sur l'action de l'ONU sur la paix et la sécurité.

«Mieux positionnée» que d'autres petits pays

La neutralité peut aussi améliorer la position de négociation, selon ce responsable du principal laboratoire de réflexion sur l'action de l'ONU sur la paix et la sécurité. Certains cas récents le montrent, a dit également M. Lupel, auteur d'une étude sur les petits Etats au Conseil de sécurité. Certains pays neutres ont même été considérés comme les meilleurs non permanents dans l'instance.

Paradoxalement pour certains observateurs étrangers, la candidature suisse provoque davantage de controverses en Suisse que sur la scène internationale. D'autant plus que la Suisse est assurée d'être élue, le bloc européen n'offrant que deux candidats pour autant de sièges à reconduire.

Vu de New York, le rôle possible de la Suisse n'est pas à minimiser. Celle-ci «serait mieux positionnée que de nombreux autres Etats pour dépasser les limites» du veto des grandes puissances, estime M. Lupel. Mais il faudra être bien préparé et investir suffisamment dans le dispositif à New York. Le DFAE a prévu au total une quinzaine de postes pour cette période au Conseil de sécurité.

Attendue sur les situations humanitaires

M. Lupel voit aussi le rôle d'Etat-hôte de la Suisse avec la Genève internationale comme un avantage par rapport à d'autres petits Etats. Pour l'UDC, un siège au Conseil de sécurité pourrait affecter les bons offices, alors que le DFAE est persuadé du contraire.

Le vice-président de l'IPI est lui aussi convaincu que la période «difficile» qui s'ouvre pourrait permettre à la Suisse d'être efficace dans l'organe exécutif de l'ONU. «Cette guerre en Ukraine ne fera que détériorer» les divisions. Cette situation peut «offrir une opportunité pour un pays comme la Suisse».

Alors que des pays non permanents ont porté ces dernières années les questions humanitaires au Conseil, «la Suisse sera bien placée» et sera attendue, selon M. Lupel. «Rarement une telle voix aura été plus indispensable qu'actuellement», a ajouté ce responsable.