Alternative aux «boîtes à bébé» Les accouchements confidentiels, une pratique qui gagne du terrain

beke, ats

4.2.2023 - 10:58

De plus en plus d'hôpitaux en Suisse offrent la possibilité aux femmes enceintes d'accoucher de manière confidentielle. La pratique, qui représente une alternative encadrée aux «boîtes à bébé», reste toutefois rarissime.

Les femmes enceintes peuvent donner naissance sans que leur entourage en soit informé, tout en bénéficiant de soins médicaux. 
Les femmes enceintes peuvent donner naissance sans que leur entourage en soit informé, tout en bénéficiant de soins médicaux. 
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Keystone-SDA, beke, ats

Début janvier 2020, l'abandon d'un nouveau-né dans une déchèterie à Därstetten, dans l'Oberland bernois, avait choqué l'opinion. La fillette avait échappé de justesse à la mort. La mère avait accouché seule. Elle avait voulu cacher à son compagnon une grossesse née d'une liaison avec un autre homme.

C'est pour éviter ce genre de drames qu'existent les accouchements confidentiels. Les femmes enceintes peuvent donner naissance sans que leur entourage en soit informé, tout en bénéficiant de soins médicaux. Les informations personnelles sont tenues secrètes par l'hôpital et les factures de soins ne sont pas envoyées à domicile. Seuls l'Etat civil et les autorités de protection de l'enfance et de l'adulte sont informés de la naissance.

Au CHUV, une personne qui appelle la maternité ou demande à voir la maman se verra répondre que celle-ci n'est pas hospitalisée ou connue, informe le service de presse. Quant aux visites en chambre, elles se font avec l'autorisation de la patiente.

Les jeunes mères ont six semaines pour décider si elles veulent faire adopter l'enfant, comme le prévoit le Code civil suisse. Elles bénéficient de six semaines supplémentaires pour revenir sur leur choix. A sa majorité, l'enfant peut s'enquérir de l'identité de sa mère biologique. Ce droit à connaître ses origines, garanti par la Constitution, n'est pas respecté avec les «boîtes à bébé», dans lesquelles les nourrissons sont abandonnés anonymement.

Les choses «changent»

Santé sexuelle suisse (SSCH) s'efforce depuis plusieurs années de promouvoir les accouchements confidentiels auprès du public et des professionnels de la santé. En 2020, la faîtière des centres de santé sexuelle helvétiques avait publié un rapport sur cette pratique, restée jusque-là dans l'ombre. A en croire Christine Sieber, responsable Accès, Savoir et Migration chez SSCH, l'étude a eu un écho retentissant.

«Depuis notre rapport, les choses ont vraiment commencé à changer», dit Christine Sieber. Un peu partout, de nouveaux hôpitaux proposent cette option, qui existe aujourd'hui dans vingt cantons, contre dix-huit en 2020, selon un décompte de SSCH. «Les médias se sont intéressés à la thématique. C'est un sujet qui touche, qui concerne les personnes les plus vulnérables de la société.»

Il s'agit pour l'essentiel de femmes qui ne savaient pas qu'elles étaient enceintes et qui ne peuvent plus interrompre leur grossesse, selon Christine Sieber. «Ce sont plutôt des jeunes, souvent issues de l'immigration, mais pas toujours», poursuit-elle. «Le fait d'être enceinte peut les mettre en danger, par exemple parce qu'il leur est interdit d'avoir des rapports sexuels avant le mariage.» La plupart confient leur bébé à des parents adoptifs.

Pas de statistiques

Il n'existe pas de statistiques sur les accouchements confidentiels. Christine Sieber estime leur nombre entre «20 et 30» par an dans le pays, soit bien davantage que pour les boîtes à bébé (deux cas par an en moyenne, selon elle). Dans le canton de Vaud, la quasi-totalité des hôpitaux en a déjà organisé, selon des recherches effectuées par Keystone-ATS.

L'Hôpital Riviera-Chablais rapporte trois cas en cinq ans, l'Ensemble hospitalier de La Côte un par an et l'Hôpital intercantonal de la Broye un tous les deux ans. Le CHUV parle de situations «extrêmement rares». Aux Etablissements hospitaliers du Nord vaudois, cinq à six patientes par an bénéficient d'une confidentialité durant leur séjour, pour diverses raisons, dont la grossesse. Le Groupement hospitalier de l'Ouest lémanique ne signale aucun cas.

Renforcer les lois et l'information

SSCH milite pour que le droit à l'accouchement confidentiel soit ancré dans la loi. Les cantons de Thurgovie et de Berne ont franchi ce pas. D'autres comme Bâle-Campagne, Soleure ou le Valais ont des directives cantonales ou internes aux hôpitaux. Dans le canton de Vaud, les procédures sont gérées au sein des hôpitaux, selon le Département de la santé et de l'action sociale (DSAS).

«Il existe un protocole de collaboration inter-institutionnel vaudois entre le Service de curatelles, le CHUV et la fondation Profa, qui aborde spécifiquement la prise en charge des femmes avec un projet de don en adoption pendant la grossesse ou à la naissance de leur enfant», explique Cathy Gornik, chargée des relations médias au DSAS.

SSCH plaide aussi pour une information et une sensibilisation accrues. «Sur les sites internet des hôpitaux, on ne trouve aucun renseignement sur les accouchements confidentiels», déplore Christine Sieber. De nouvelles campagnes sont déjà planifiées par SSCH, notamment auprès des hôpitaux. Afin qu'aucune femme enceinte en détresse ne passe à côté de cette possibilité et ne soit contrainte à accoucher seule. Comme à Därstetten.