Médias Les aides à la presse suisse «ne doivent pas trop tarder»

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10.1.2024 - 13:08

Les éditeurs alémaniques se sont montrés préoccupés mercredi par les coupes annoncées par les groupes de presse ces derniers mois. Ils ont appelé à l'adoption rapide de mesures en faveur des médias. Ces derniers doivent aussi réagir au «tsunami» provoqué par les outils d'intelligence artificielle (IA).

Andrea Masüger, le président des éditeurs alémaniques, s'est montré mercredi préoccupé par les suppressions d'emplois annoncées ces derniers mois par les groupes de presse suisses.
Andrea Masüger, le président des éditeurs alémaniques, s'est montré mercredi préoccupé par les suppressions d'emplois annoncées ces derniers mois par les groupes de presse suisses.
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Keystone-SDA, fb, ats

«Cette situation montre que le temps presse», a déclaré le président de l'association des éditeurs alémaniques Schweizer Medien (VSM), Andrea Masüger, lors de la traditionnelle réunion de l'Epiphanie à Zurich. Il faisait référence aux suppressions de plus de 200 postes annoncées ces derniers mois par les grands groupes de presse en Suisse.

Il a salué l'avancement des mesures de soutien discutées actuellement au Parlement après le refus d'un paquet d'aide en votation populaire en février 2022. Mais ces nouveaux coups de pouce ne doivent pas trop tarder, a souligné Andrea Masüger.

«Recadrer la SSR»

Relevant que les coupes n'épargnent pas les régions, le président du VSM a remarqué que pratiquement tous les cantons sont «passés à côté» d'une aide à la presse. «Des membres de gouvernements et de parlements cantonaux inquiets se manifestent soudain», a-t-il dit.

Le président du VSM a aussi appelé à l'introduction rapide d'un droit voisin, une norme comparable au droit d'auteur qui permettrait aux éditeurs de réclamer des dédommagements aux plateformes comme Google ou Facebook pour l'utilisation de leurs contenus. Un projet du Conseil fédéral a fait l'objet d'une procédure de consultation.

Andrea Masüger s'est par ailleurs félicité de la volonté du Conseil fédéral de «recadrer» la SSR, en particulier en ce qui concerne les plateformes d'information en ligne. Ces dernières représentent, pour les éditeurs, une concurrence déloyale à l'égard des médias privés.

«La redéfinition du mandat de la SSR est cependant encore trop vague et dure trop longtemps. Le Conseil fédéral aurait dû se montrer un peu plus offensif», a jugé Andrea Masüger, en référence aux propositions du conseiller fédéral Albert Rösti pour contrer l'initiative visant à réduire de moitié les moyens alloués au service public.

«Une alliance européenne»

Le président des éditeurs a par ailleurs évoqué le «tsunami» qui a atteint la presse dans le domaine de l'IA. Il a estimé que ces outils représentaient à la fois une chance et un danger pour les médias.

Il a averti que le VSM ou les groupes de presse devront éventuellement se défendre par voie juridique contre l'érosion de leur modèle commercial. Il a cité la récente plainte introduite par le New York Times contre les sociétés Open AI, créatrice de ChatGPT, et Microsoft, qui exploitent les contenus journalistiques pour alimenter les outils d'IA.

Dans ce contexte, le patron de l'agence de presse autrichienne APA, Clemens Pig, actionnaire principal de Keystone-ATS, a appelé de ses voeux les «médias libres» à former une «alliance technologique européenne pour entraîner les outils d'IA». Il s'est en particulier montré totalement opposé à la vente «à bon marché» des «précieuses archives» des médias aux géants de l'IA.

Les jeunes et les médias

Les éditeurs suisses se soucient aussi de la hausse de la part des personnes qui ne consultent pratiquement plus les médias. Ils pointent par ailleurs que de nombreux adolescents ont désormais de grandes difficultés, selon des études, à comprendre les textes qu'ils lisent.

Les éditeurs veulent ici «prendre le taureau par les cornes». Ils souhaitent développer, en coordination avec les écoles, les compétences médiatiques des jeunes. Le VSM est prêt à prendre la tête d'une alliance nationale dans ce domaine. «Nous voulons aider les enseignants à préparer les jeunes à la jungle médiatique», a dit Andrea Masüger.

«Pansements pas suffisants»

Le conseiller national Jon Pult (PS/GR), membre de la commission des télécommunications, a également abordé la crise actuelle de la presse, mais aussi les campagnes de désinformation menées par des Etats comme la Russie ou encore les attaques contre la liberté de la presse, y compris au sein du Parlement suisse.

Pour le vice-président du Parti socialiste, il est essentiel que l'Etat crée de bonnes conditions-cadres pour le journalisme. Ce dernier doit bénéficier d'un financement solide, et non pas de simples mesures de soutien, ainsi que d'une liberté totale.

Les interventions pendantes aux Chambres fédérales sont des «pansements nécessaires mais pas suffisants», a insisté le récent candidat malheureux au Conseil fédéral.

Il a par ailleurs balayé l'initiative contre la SSR. «Face à la crise du financement du journalisme et à la menace de désinformation, un affaiblissement du service public sous l'impulsion de la politique est une erreur politique», a affirmé Jon Pult.