Diplomatie scientifique Les effets de la course mondiale au quantique s'anticipent à Genève

sn, ats

11.5.2023 - 10:26

L'ordinateur quantique pourrait arriver d'ici une vingtaine d'années dans certains pays (archives).
L'ordinateur quantique pourrait arriver d'ici une vingtaine d'années dans certains pays (archives).
ATS

Des dizaines de scientifiques et politiques sont réunis à Genève pour anticiper une utilisation équitable des technologies. Parmi celles-ci, l'ordinateur quantique pourrait devenir réalité d'ici 20 ans. Il ressemble à une course à l'arme nucléaire du 21e siècle.

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Pendant cinq jours cette semaine à l'invitation de l'Anticipateur de Genève pour la diplomatie scientifique (GESDA), des profils très différents se retrouvent autour de la table. Scientifiques mais aussi politologues et responsables politiques confrontent leur approche parfois très différente.

Selon le directeur exécutif du Centre sur les sciences et l'ingénierie quantique de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) Philippe Caroff, les scientifiques commencent à faire un pas vers la communauté diplomatique. «Il faut penser aux conséquences que les recherches peuvent avoir» pour la société, affirme-t-il à Keystone-ATS. «Le changement climatique nous a fait prendre conscience qu'il faut un développement raisonnable».

Parmi les nouvelles technologies à attendre, l'ordinateur quantique provoque entre stimulation et inquiétude. Avec son énorme puissance de calcul, «il pourrait constituer une menace pour la sécurisation des données au niveau mondial», estime aussi M. Caroff.

Avant d'ajouter qu'une entreprise genevoise travaille déjà depuis 20 ans à une solution. Mais il faudra attendre de voir un ordinateur quantique utile au quotidien pour les citoyens avant de savoir si celle-ci fonctionne. «Pas entièrement impossible d'ici 20 ans», estime le responsable de l'EPFL.

Etats-Unis et Chine en manoeuvre

D'autres, comme la spécialiste de la géopolitique des technologies Alice Pannier, estiment même qu'un délai de dix ans n'est pas à exclure. Pour le moment, seules des entités américaines et chinoises ont montré, par des expérimentations, la «suprématie quantique». «Il y a un jeu de course de vitesse», fait remarquer la chercheuse à l'Institut français de relations internationales (IFRI).

Elle n'hésite pas à faire le parallèle avec l'arme nucléaire. «La première nation qui aura un ordinateur quantique à grande échelle sera capable de déchiffrer toutes les données». Mais la chercheuse ajoute qu'avant de le revendiquer, ce pays restera sans doute discret pour exploiter au maximum son avantage.

De quoi provoquer l'inquiétude chez certains et un appel aux citoyens à se pencher sur ces questions. Des effets positifs pour la médecine ou sur les engrais sont à attendre. Mais cette technologie pourrait aussi être utilisée, par exemple, pour lancer de nouvelles armes chimiques.

D'où, comme pour le nucléaire, l'importance d'établir un cadre réglementaire commun, ajoute Mme Pannier. Or, les discussions à Genève entre Etats sur les usages militaires de l'intelligence artificielle (IA) ces dernières années n'ont pas abouti à de réelles avancées.

Selon Mme Pannier, le contexte politique décidera de ce que deviendra la technologie quantique. «Les tensions actuelles accélèrent encore la course» à ces recherches. Au total, si les montants investis par les grandes entreprises restent largement secrets, le gouvernement américain a injecté près d'un milliard de dollars sur plusieurs années. Les chiffres pour la Chine sont eux difficiles à vérifier.

Prochain acteur à Genève

Pour éviter une augmentation des inégalités et garantir une utilisation qui honore les Objectifs de développement durable (ODD), le GESDA en a fait lui aussi l'un de ses principaux chantiers. Il veut lancer, peut-être dès l'année prochaine, un Open Quantum Institute (OQI) pour faire en sorte que ces technologies, le moment venu, soient accessibles aussi aux pays les plus pauvres.

«L'institut va faire en sorte que les recherches soient utiles pour l'humanité. Ce n'est pas toujours la première indication à laquelle pensent les scientifiques», admet M. Caroff. Seul problème, certains ne voient peut-être pas l'utilité à court terme, dit-il.

Certaines responsables politiques ont appelé à faire une pause dans l'exploitation de certaines technologies tant leurs effets pour les citoyens doivent être redoutés. «La puissance publique est dépassée» tant celles-ci progressent rapidement, affirme Mme Pannier. Si elle ne pense pas que les innovations peuvent être empêchées, elle appelle à évaluer les effets pour la société, avant de les rendre largement accessibles.

Selon elle, le GESDA ne règlera pas ces problèmes à lui seul mais peut permettre de mieux saisir les défis. Cet acteur cher à la Suisse organisera dans quelques mois son troisième sommet à Genève.