Des chercheurs genevois, avec des confrères suédois, démontrent que pour résister aux espèces plus fortes, les espèces animales et végétales rares se regroupent en ghettos pour s’entraider. Une stratégie qui permet de maintenir la biodiversité.
«Les communautés animales et végétales sont organisées en quartiers ethniques, comme on peut parfois en trouver dans certaines grandes villes», déclare Joaquin Calatayud, chercheur à l’Université d’Umeå, en Suède, qui a dirigé la recherche.
Cette organisation pourrait expliquer la persistance des espèces rares dans le temps, car elle les aiderait à échapper à la pression de concurrents, soit par la coopération entre espèces rares, soit par l’utilisation de différents micro-habitats, ajoute le chercheur, cité mardi dans un communiqué de l'Université de Genève (UNIGE).
Les scientifiques ont analysé plus de 300 communautés de mousses, plantes, insectes ou coraux dans diverses régions du monde. En combinant théorie des réseaux et simulations numériques, ils ont détecté des ghettos et exploré les mécanismes derrière ces distributions.
Résistance accrue
Leurs résultats, publiés dans la revue Nature Ecology & Evolution, démontrent que le regroupement spatial des espèces à faible abondance augmente leur persistance.
«Par exemple, les récifs coralliens de l’île de Tykus (Indonésie) montrent le schéma général observé dans 90% des communautés biologiques analysées dans cet article», explique Jaime Madrigal-Gonzalez, chercheur à l’Institut Forel de l'UNIGE.
Sur cette île, Montipora digitata, un corail du groupe des cnidaires, représente l’espèce la plus dominante et la plus abondante du récif corallien. Elle est accompagnée d’espèces rares, comme le corail de feu ramifié ou le corail-champignon bouclier.
Pour ne pas être éliminées par l’espèce dominante, ces coraux rares forment de petites associations et ont tendance à pousser l’un à côté de l’autre.
Une biodiversité qui contre Darwin
«Selon la théorie de Darwin, les espèces rares devraient être exclues par des espèces plus efficaces dans des environnements hautement compétitifs», explique Markus Stoffel, professeur au Département F.-A. Forel des sciences de l’environnement et de l’eau de l’UNIGE. Pourtant, force est de constater que les communautés écologiques sont formées par de multiples espèces rares.
Cette étude offre ainsi une première explication à même de résoudre ce noeud gordien majeur des sciences écologiques actuelles. Ses résultats peuvent également avoir de profondes répercussions sur notre compréhension de la constitution des communautés écologiques.
Parmi ses multiples applications, les experts mettent en avant les stratégies de conservation ou encore l’étude des maladies humaines liées aux microbiotes intestinaux, où la coexistence des espèces est cruciale.
«Néanmoins, les mécanismes spécifiques conduisant à des groupes d’espèces rares restent inconnus, il nous faut encore creuser», conclut Markus Stoffel.
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