Coronavirus Le rôle crucial des médecins de famille dans la pandémie

ATS

22.7.2020 - 11:51

Au début de la crise du coronavirus, les médecins de famille ont dû se baser sur des données hospitalières parfois inadaptées à leur pratique ambulatoire (archives/photo symbolique).
Au début de la crise du coronavirus, les médecins de famille ont dû se baser sur des données hospitalières parfois inadaptées à leur pratique ambulatoire (archives/photo symbolique).
Source: KEYSTONE/GAETAN BALLY

Les médecins généralistes jouent un rôle crucial dans la lutte contre le Covid-19, alors même qu'ils doivent parfois se baser sur des données inadaptées. C'est le constat d'une étude franco-genevoise portant sur 1500 patients ambulatoires.

Dès mars 2020, lorsque le Covid-19 s'est répandu dans toute l’Europe, les médecins généralistes ont dû, face à de potentielles infections, se baser sur des données cliniques recueillies en milieu hospitalier, les seules informations officielles disponibles.

«Cependant, d’autres informations non encore confirmées nous parvenaient de nos collègues – ou même au travers des réseaux sociaux – faisant état de tableaux cliniques très différents rencontrés par les médecins généralistes dans leurs cabinets», explique Hubert Maisonneuve, chercheur au sein du groupe dirigé par Dagmar Haller, professeure à l’Unité des internistes généralistes et pédiatres de l'Université de Genève (UNIGE).

«Comme il était extrêmement difficile de faire tester nos patients, nous avons décidé, avec quelques collègues et en collaboration avec deux laboratoires ambulatoires, de mettre sur pied des études qui nous permettraient de mieux comprendre la symptomatologie du Covid-19 dans ses formes légères et éventuellement mettre au point un outil d’évaluation clinique.«, ajoute le chercheur, cité mercredi dans un communiqué de l'UNIGE.

À cette fin, les données cliniques de plus de 1500 patients qui se sont présentés pour un test de dépistage ont été recueillies entre le 24 mars et le 7 mai: chez 16% d’entre eux, ce test s’est révélé positif.

Symptômes notablement différents

Les médecins-chercheurs ont pu établir un tableau clinique de ces patients qui s’est révélé notablement différent de celui décrit en milieu hospitalier, mais concordant avec les informations informelles récoltées précédemment.

«Très tôt, nous avons décelé la place prépondérante de la perte de goût et d’odorat parmi les symptômes les plus prédicteurs de la maladie, contrairement à la fièvre ou à la toux, trop peu spécifiques», explique Benoît Tudrej, médecin généraliste et membre du Collège universitaire de médecine générale de l’Université Claude Bernard de Lyon (F), qui a participé à ces travaux.

De plus, des symptômes plus rares que l’on pensait fortement liés au COVID-19, comme le souffle court, se sont avérés très peu corrélés à un test positif.

«Comme la population ambulatoire est différente de celle qui arrive à l’hôpital, il n’est pas surprenant que les tableaux cliniques diffèrent ainsi. Cependant, cela indique qu’on ne peut pas baser toute une politique de santé publique dans la gestion d’une épidémie sur des données uniquement hospitalières, surtout lorsqu’on manque de tests», ajoute Benoît Tudrej.

Score de prédiction peu efficace

De nombreuses équipes de recherche ont voulu mettre au point un score de prédiction clinique. «Nous avons testé le modèle publié par une équipe anglo-américaine dans Nature Medicine, se basant sur des données récoltées à l’aide d’une application», détaille Hubert Maisonneuve qui est également médecin de famille en région lyonnaise.

«Or, sur nos données, ce score ne fonctionne pas. La cause en est vraisemblablement un biais de sélection dans l’étude anglo-américaine où les répondants – majoritairement des femmes jeunes – ne présentaient pas le même profil démographique que nos patients», dit-il.

Ces études menées dans l’urgence d’une situation exceptionnelle mettent en lumière le fait que les médecins de famille restent souvent à la marge des décisions politiques, et cela au détriment d’une partie importante de la population pour qui ce praticien reste le seul interlocuteur de santé. Cela peut mener à un retard de prise en charge ou à un manque de finesse dans l’analyse de la situation.

«Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit, comme c’est le cas actuellement, d’identifier le plus rapidement possible l’apparition de nouveaux clusters afin d’endiguer la propagation du virus», soulignent les auteurs.

Ces travaux, publiés dans les revues Journal of General Internal Medicine, Family Practice et British Journal of General Practice, montrent également que la recherche en médecine de famille est encore trop peu développée alors qu’elle peut, lorsqu’elle se base sur des données probantes, prendre toute sa place dans la construction du savoir académique et médical, conclut l'UNIGE.

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