Crack, coke, etc... Les villes suisses s'adaptent face aux nouveaux défis de la drogue

olpe, ats

4.10.2023 - 09:10

Les villes suisses réajustent leur politique d'aide aux toxicomanes face aux nouvelles consommations, le crack en particulier, et à la formation de mini-scènes ouvertes de la drogue. L'heure est à l'action, trente ans après le traumatisme et le laisser-faire de l'époque du Platzspitz et du Letten.

Le crack est de la cocaïne diluée, qui se présente comme une pâte cristallisée et se fume (archives).
Le crack est de la cocaïne diluée, qui se présente comme une pâte cristallisée et se fume (archives).
KEYSTONE/DPA/BORIS ROESSLER

Keystone-SDA, olpe, ats

«Il faut adapter les dispositifs et remettre notre logiciel à jour», déclare à Keystone-ATS Frank Zobel, vice-directeur d'Addiction Suisse et co-auteur d'une récente étude sur le crack. Avec l'arrivée à Genève il y a deux ans de «cailloux» de crack prêts à la consommation, un modèle importé de France par des trafiquants sénégalais, la relative stabilité du paysage de la drogue et des modes de consommation a été cassée dans ce canton.

Par ailleurs aujourd'hui, un peu partout, de Genève à Zurich en passant par Bâle, Lausanne ou Coire, on voit réapparaître la consommation de drogues dans les espaces publics, liée à une très grande disponibilité de la cocaïne et à une précarisation plus générale suite notamment au Covid, explique le spécialiste.

Alerte à Coire

Les autorités et organismes de prévention revoient donc leur stratégie. La ville de Coire tient ce jeudi une conférence de presse pour annoncer de nouvelles mesures de lutte contre la drogue, face à l'établissement ces derniers mois dans la ville d'un lieu de consommation rassemblant plus d'une centaine de toxicomanes, à ciel ouvert.

«Le fédéralisme permet de trouver des solutions assez fines, adaptées aux besoins locaux», constate Frank Zobel. «Les villes remettent des moyens pour répondre aux problèmes induits par la drogue. C'est une bonne nouvelle, même s'il n'existe pas de solution magique qui puisse s'appliquer partout», dit-il.

Deux pratiques

Le crack était déjà présent en Suisse avant qu'il ne se propage récemment à Genève, mais sous une forme différente. Les consommateurs alémaniques, à Zurich ou Coire par exemple, ou vaudois ont pour habitude de fabriquer eux-mêmes cette «cocaïne à fumer», en mélangeant coke et ammoniac ou bicarbonate de soude pour faire du «freebase» ou du crack.

A Genève, le crack s'est imposé sous forme de petits «cailloux» déjà tout prêts, très accessibles car vendus dix francs ou moins, et qui font des ravages.

Faciles d'accès et bon marché, ils se fument en 20 secondes et ont un effet puissant et extrêmement addictif, explique Thomas Herquel, directeur de la structure d'accueil du Quai 9.

Dix minutes après en avoir pris, les toxicomanes ressentent déjà le besoin d'un nouveau 'flash'. Beaucoup vont faire la manche, et dès qu'ils ont à nouveau dix francs en poche, ils recommencent: c'est le cycle infernal.

Risques réduits

Le canton de Genève compte une soixantaine de travailleurs sociaux et employés pour l'aide aux toxicomanes. «La croissance exponentielle du crack a drastiquement changé le milieu, ainsi que les moyens de faire face au problème», poursuit Frank Herquel. Le mode de consommation très compulsif induit par le crack crée une urgence nécessitant un accompagnement différent de celui des héroïnomanes par exemple, qui prennent bien davantage leur temps pour consommer.

Cela dit, la Suisse reste loin du cauchemar absolu représenté par les scènes ouvertes de la drogue à Zurich dans les années 90, avec ses milliers d'héroïnomanes et de seringues au vu de tous. A l'époque, rappelle Frank Zobel, 300 à 400 toxicomanes mouraient d'overdose chaque année, un nombre de victimes qui passait à 700 en y ajoutant les morts du sida suite aux injections.

Aujourd'hui, on recense 100 à 120 toxicomanes qui décèdent chaque année directement de leur addiction, dont une grande partie sont des consommateurs âgés de 50 ou 60 ans qui avaient survécu au Platzspitz et au Letten», relève le vice-directeur d'Addiction Suisse.

Les malades que sont les «addicts» ont appris à mieux se protéger, l'accompagnement s'est renforcé et les milieux concernés (hôpitaux, travailleurs sociaux, police, médecins) ont une approche aujourd'hui plus concertée.

Mais le problème reste aigu, et l'hébergement constitue un des principaux soucis. Les toxicomanes d'aujourd'hui sont particulièrement précaires et marginalisés, sans toit ni emploi. Le stress que provoque la quête continue de leur substance crée une usure qui s'ajoute aux dégâts de la drogue elle-même. Il faudrait développer des structures comme des dortoirs ou autres lieux d'hébergement où ils pourraient se reposer et se nourrir, plaident les spécialistes.