Versements importantsL’industrie pharmaceutique «traite» les médecins avec beaucoup d’argent
uri
12.4.2019
L’industrie pharmaceutique affecte beaucoup d’argent à des hôpitaux et des organisations. Mais des sommes élevées sont aussi versées à des médecins sous forme d’honoraires et de sponsoring.
On a appris récemment que les autorités allemandes avaient procédé à des perquisitions dans les locaux du laboratoire pharmaceutique Roche à Grenzach, en Allemagne. Comme le rapporte le «Tages-Anzeiger», le parquet a soupçonné un médecin allemand d’avoir prescrit des médicaments de Roche et d’autres sociétés pharmaceutiques et d’avoir reçu pour cela des fonds de parrainage pour une organisation proche de lui.
En Suisse également, il est d’usage que l’industrie pharmaceutique gratifie des médecins, des hôpitaux et des pharmacies de donations, d’honoraires et de sponsoring, comme le rapporte le «Blick» après une analyse conjointe réalisée avec le «Beobachter», la «Handelszeitung» et «Le Temps». Selon l’analyse publiée sur www.pharmagelder.ch, 162,6 millions de francs ont été versés par les sociétés pharmaceutiques aux «médecins et compagnie» pour la seule année 2017, soit 16% de plus que deux ans plus tôt.
L’augmentation concerne surtout le remboursement des frais de congrès et les budgets de sponsoring. Ainsi, un médecin s’est par exemple vu rembourser 1721 francs de frais de congrès, tandis que l’association des pharmaciens de Zurich a reçu 20 000 francs dans le cadre d’un sponsoring.
Près de 100 000 francs d’honoraires
Les montants les plus élevés ont cependant été versés à des «leaders d’opinion» – des médecins ou des organisations jouissant d’une grande réputation et d’une forte influence. Par exemple, les hôpitaux universitaires de Bâle, Lausanne et Zurich et Inselgruppe, qui comprend également l’hôpital universitaire de Berne, auraient reçu chacun une somme considérable de plus de deux millions de francs en 2017. Alors que l’organisme de formation médicale Excemed aurait reçu au total 4,7 millions de francs, la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO), basée à Viganello, dans le canton du Tessin, aurait même touché 10,3 millions de francs.
Des sommes élevées ont également été versées à des individus. Par exemple, l’oncologue renommé Rolf Stahel, responsable du centre de cancérologie de l’hôpital universitaire de Zurich (CCCZ), aurait ainsi touché 98 900 francs d’honoraires de la part de diverses sociétés pharmaceutiques en 2017. Son adjoint à au CCCZ, Michael Weller, aurait perçu environ 58 300 francs tandis que Jan Steffel, directeur adjoint de clinique au Centre universitaire de cardiologie de Zurich, aurait empoché 67 100 francs d’honoraires.
Les médecins ont en partie invoqué le fait qu’ils avaient déclaré les prestations pécuniaires et qu’ils se conformaient aux règles des hôpitaux correspondants. Les sociétés pharmaceutiques ont pour leur part brandi le Code de coopération pharmaceutique (CCP) de leur organisation faîtière, Scienceindustries, qui stipule que les versements «ne doivent pas être [vus] comme une incitation à recommander, prescrire, se procurer, livrer, vendre ou administrer certains médicaments de la médecine humaine». Elles soutiennent que leurs versements ont servi au partage de connaissances et à la collaboration avec des médecins et sont «essentiels pour la recherche et le développement de nouvelles thérapies».
Une indépendance menacée
Et pourtant, les versements semblent poser problème. Des études montrent en effet que même les petites attentions accordées aux médecins, par exemple sous la forme d’une invitation à un dîner, ont un effet sur les médicaments qu’ils prescrivent. Dans le cas de médecins américains qui perçoivent même plus de 5000 dollars (environ 5020 francs), selon l’étude, une augmentation moyenne de 19% de la fréquence de prescription des médicaments correspondants a été observée.
Thomas Cerny, président de Recherche suisse contre le cancer, met donc en garde contre des conflits d’intérêts. Il a déclaré au «Blick» qu’il ne pouvait pas défendre «le fait que des employés d’hôpitaux publics reçoivent de la part de sociétés pharmaceutiques des prestations pécuniaires d’un montant total à cinq ou six chiffres». Selon lui, plus un individu est faiseur d’opinion, plus celui-ci «doit défendre l’indépendance» et ce, «avec la distance nécessaire vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique».
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Epidémie d’overdoses: un clan de milliardaires devant les tribunaux
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Prescrits comme antalgiques par les médecins, les opioïdes sont responsables d’une forte dépendance. Trop souvent, les consommateurs américains continuent d’absorber par la suite de l’héroïne et du fentanyl.
Photo: dpa
Les chiffres sont dramatiques: au cours des dernières années aux Etats-Unis, selon les données du National Institute on Drug Abuse (NIDA), 115 personnes par jour sont décédées des suites d’une overdose d’opioïdes, dont des analgésiques, de l’héroïne et du fentanyl synthétique. «C’est beaucoup plus fort que l’héroïne, parfois 500 fois plus fort. Cela signifie qu’on n’a besoin que de très petites quantités et que celles-ci peuvent être envoyées par voie postale aux Etats-Unis», a déclaré Volkow.
Photo: AP Photo/Jacquelyn Martin
Le président américain Donald Trump a déjà érigé en «urgence sanitaire» l’épidémie d’overdoses aux opioïdes qui ravage le pays. Pour lutter contre ce fléau, il souhaite employer une méthode dure, selon de hauts responsables du gouvernement: certains trafiquants de drogue pourraient à l’avenir être condamnés à mort selon la volonté du président.
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Sur le terrain, des citoyens manifestent contre la politique américaine en matière de lutte contre les stupéfiants.
Photo: dpa
Une bénévole collecte des seringues usagées dans un camp de sans-abris abandonné à Everett, dans l’Etat de Washington. Aux Etats-Unis, 70% des personnes qui développent une dépendance à l’héroïne ont commencé à en consommer par le biais d’analgésiques opioïdes prescrits.
Photo: AP Photo/Ted S. Warren
Les traitements médicaux existants, tels que la méthadone, produit de substitution administré ici à un patient, ne seraient utilisés que dans dix pour cent des cas. Ceci serait dû entre autres à un manque de ressources et d’offres de traitement ainsi qu’à une «terrible stigmatisation».
Photo: Keystone
Dans le Tennessee, un panneau fait la promotion d’une clinique de désintoxication. Aux Etats-Unis, deux millions de personnes sont considérées comme dépendantes aux opioïdes.
Photo: Keystone
Jeff McCoy (à droite) a reçu sur prescription de la Vicodin, un opioïde, il y a plusieurs années après une opération du dos. Au bout d’un an, ce chauffeur routier, qui a dû renoncer à son emploi en raison de problèmes de dos, avait développé une dépendance.
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