Harcèlement sexuel «Omerta intolérable» à la police de Lausanne

sj, ats

1.7.2022 - 13:11

La police de Lausanne veut lutter contre le harcèlement sexuel au travail. Un sondage auprès de ses quelque 700 membres révèle que plus de la moitié du personnel a déjà été confronté à un problème de harcèlement sexuel. Un plan d'action est mis en place à l'interne sur deux ans, axé sur des modules de sensibilisation et de formation ainsi qu'une campagne de prévention.

Le municipal lausannois en charge de la sécurité Pierre-Antoine Hildbrand (à droite) et le commandant du Corps de police de Lausanne Olivier Botteron (à gauche) s'engagent à lutter contre le harcèlement sexuel au travail (archives).
Le municipal lausannois en charge de la sécurité Pierre-Antoine Hildbrand (à droite) et le commandant du Corps de police de Lausanne Olivier Botteron (à gauche) s'engagent à lutter contre le harcèlement sexuel au travail (archives).
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Vendredi dans les locaux de la police, le municipal en charge de la sécurité Pierre-Antoine Hildbrand et le commandant du Corps de police de Lausanne Olivier Botteron n'ont pas mâché leurs mots: «sujet grave», «situations dramatiques et inadmissibles», «omerta intolérable et inacceptable» ou encore «on n'a pas fait tout juste».

Le temps était donc à la «prise de conscience», selon eux, notamment depuis le témoignage de deux collaboratrices, victimes de harcèlement sexuel, qui avaient donné leur démission. «On n'a pas pu, pas su, les protéger à temps», a reconnu M. Botteron. C'est finalement sur la base d'un sondage, anonyme, que la Ville et le Corps de police déploient leurs nouvelles mesures.

Questionnaire en ligne

Un questionnaire en ligne a été envoyé à 694 employées et employés. Le taux de participation, jugé «excellent», est de 69%, soit 484 réponses reçues, dont 255 dans les 48 heures après l'envoi. Il en ressort que 53% des personnes interrogées ont dit avoir été confrontées à des situations de harcèlement sexuel au travail durant les 12 derniers mois (59% parmi les femmes et 51% parmi les hommes).

«C'est un chiffre inquiétant sans être alarmiste», a commenté M. Botteron. Les situations les plus rapportées ont trait à des aspects de communication et de langage (environ 85%): remarques ou plaisanteries dégradantes, commentaires désobligeants ou dégradants, discussions à contenu sexuel imposées, appels ou messages non souhaités. Les gestes obscènes et insinuations sexuelles sont aussi régulièrement signalés (29%).

Attouchements et baisers plus rares

Les cas incluant une composante de gestes ou de contact physique sont globalement moins rapportés. Quelques cas de propositions à connotation sexuelle et contact corporel indésirable sont toutefois cités. Nettement plus rares: les promesses et avances sexuelles, les attouchements et baisers contre son gré ainsi que les contraintes sexuelles.

Le sondage mentionne encore plusieurs cas dans la catégorie «sifflé, dévisagé et déshabillé du regard» ainsi que dans la catégorie «images pornographiques et corps nus».

Jusqu'ici, aucune plainte n'a été déposée ou maintenue jusqu'au bout par une victime, selon le commandant du Corps de police de Lausanne. Et une seule mise en demeure – acte avant un licenciement – a été signifiée à un membre de la police municipale à la suite de deux enquêtes administratives à l'interne, complète-t-il.

Il ressort aussi de commentaires libres au questionnaire trois attentes des employées et employés: agir contre la banalisation (relativisation par l'humour, minimisation et déni du phénomène), anticiper et prévenir ainsi que sensibiliser à cette problématique.

Cours de sensibilisation et de formation

Ville de Lausanne et Corps de police tiennent aussi à souligner que l'enquête montre par ailleurs que plus de 85% des personnes sondées jugent l'ambiance de travail agréable ou très agréable (90% quand il s'agit des relations entre collègues, 88% au sein du poste, d'une brigade ou entité, et 82% avec les supérieurs hiérarchiques).

C'est ensemble que les deux parties mettent en place un plan d'action pour s'engager contre le harcèlement sexuel au travail. Il s'articule autour de trois axes. Premièrement avec des modules de sensibilisation de 3h par groupes de 40 à 60 personnes à l'ensemble du personnel. Deuxièmement avec une formation spécifique d'une journée par groupes de 12 participants pour les cadres.

Enfin, une campagne de prévention «Ça va?» sera lancée à l'interne par le biais d'actions de communication en ligne et dans les locaux de la police afin «d'oser en parler et d'agir» et de s'orienter vers les bonnes personnes. Toutes ces mesures entreront en vigueur dès la rentrée estivale et s'étaleront par étapes jusqu'à l'horizon 2023 et 2024, où un bilan sera établi, pour être pérennisées.