Politique et argent Politique: les millions des grandes entreprises aux partis

pab

11.10.2019

Tous les regards sont tournés vers le Palais fédéral.
Tous les regards sont tournés vers le Palais fédéral.
KEYSTONE Peter Klaunzer / archives

Selon une enquête de la RTS, publiée cette semaine, les plus grandes entreprises suisses distribuent chaque année plus de cinq millions de francs aux partis politiques. Les assurances, les banques et les entreprises pharmaceutiques sont les plus généreuses.

Le plus gros donateur du pays, Crédit Suisse distribue aux partis jusqu'à un million de francs par année, selon les chiffres de la RTS. Suivent, avec au moins 500 000 francs, Novartis, UBS ainsi que les assureurs Zurich, Swiss Re et Swiss Life.

Ces six entreprises donnent à elles seules près de 3,6 millions de francs par an, soit deux tiers des dons déclarés par la vingtaine de sociétés qui ont affirmé apporter un soutien financier au monde politique. Onze d’entre elles n’ont pas voulu fournir de chiffres, les autres parmi les 140 firmes interrogées ont déclaré ne pas verser de soutien financier aux partis ou aux politiciens.

Le monde de la finance le plus actif

Le secteur financier se montre généreux avec le monde politique. 13 des 15 assureurs interrogés (86%) par la RTS ont indiqué soutenir financièrement des partis ou des candidats. Viennent ensuite les banques, qui comptent les plus gros contributeurs: 28% des établissements sondés ont indiqué alimenter les caisses des partis.

Neuf des 100 autres entreprises, qui n’appartiennent pas au monde de la finance, ont indiqué faire des dons à des partis ou des candidats. Il s'agit des groupes pharmaceutiques (Novartis, Roche, Galenica), de l'industrie des machines (Liebherr, Georg Fischer, Bucher Industries) et d'entreprises très ancrées en Suisse à l'image de Nestlé, Alpiq et Swiss.

Quelques explications

Les branches qui dépensent le plus - banques, assurances et pharmaceutiques - sont aussi celles qui dépendent fortement des régulations décidées par le monde politique.

Certains l’affirment assez clairement à la RTS: «L'industrie pharmaceutique opère dans un environnement réglementaire et législatif complexe qui évolue rapidement», explique ainsi un porte-parole de Novartis. Le géant bâlois cherche donc à obtenir «des conditions-cadres favorables, essentielles pour une industrie basée sur la recherche». Pour Novartis, cela passe par le dialogue avec le monde politique. Et des dons.

Le discours de plusieurs banques et assurances est plus réservé. Leurs dons visent surtout à maintenir le système en place. Le million de Crédit Suisse est proposé aux partis «à titre de soutien politique neutre». La banque souhaite ainsi renforcer «le système de milice et promouvoir la coopération politique».

Manque de transparence problématique

Les branches les plus entreprenantes auprès du monde politique n'étonnent pas Anke Tresch, chercheuse de l'Université de Lausanne, interrogée par la RTS: «Les banques, assurances et pharmas, ce sont de gros lobbies en Suisse, ils ont les moyens. Ils défendent leurs acquis», constate-t-elle.

Pour elle, le principal problème reste le manque de transparence: «Le système suisse avec son Parlement de milice fait qu'il y a une imbrication du monde politique et du monde du travail, mais on doit savoir qui défend quels intérêts, auprès de qui, et avec quels moyens.»

La gauche et des petits partis du centre espèrent éclaircir la situation avec leur initiative populaire visant la transparence des dons politiques supérieurs à 10 000 francs.

Qui reçoit combien? Mystère

Sur les cinq millions déclarés, la très grande part du gâteau va aux partis nationaux. Hormis quelques exceptions, les réponses des entreprises sur cet aspect restent vagues.

Les dons d'UBS sont par exemple destinés aux «partis nationaux engagés en faveur de l'économie de marché, de la concurrence et de la place financière suisse». Le Groupe Mutuel contribue aux formations «qui s'engagent pour un système de santé libéral». Plus direct, Swiss Life indique soutenir «les partis bourgeois».

Cinq entreprises communiquent des règles de financement plus neutres. Raiffeisen, Axa, La Mobilière, Helvetia et la Banque cantonale de Lucerne proposent des dons selon la taille des partis. Mais seule Raiffeisen a indiqué les montants attribués à chaque parti.

La banque répartit 246 000 francs en fonction du nombre de sièges au Conseil national (615 francs par siège) et au Conseil des Etats (2674 francs par siège). Les dons proposés vont ainsi de 615 francs aux petits partis, jusqu'à 57 918 francs au PS.

Le flou autour des dons aux candidats

Qu'en est-il des dons aux candidats? Quelques grandes entreprises assurent ne jamais en faire, comme UBS, Zurich Assurance, Nestlé ou Swiss. Pour le reste, le flou règne, constate encore la RTS. Aucun groupe n'a accepté de révéler les montants et l'identité des personnes bénéficiaires.

Certaines firmes contribuent à la campagne de leurs collaborateurs ou de quelques candidats sélectionnés au compte-gouttes, à hauteur de quelques milliers de francs. Le Groupe Mutuel et Axa se montrent un peu plus précis. Le premier soutient une quinzaine de candidats aux élections fédérales, avec un maximum de 2000 francs par personne. Axa déclare pour sa part donner 3000 francs à cinq politiciens qui se présentent le 20 octobre.

Les deux assureurs refusent de dévoiler les bénéficiaires. «Il appartient aux partis et aux candidats de jouer la carte de la transparence sur les dons que nous leur accordons», explique Axa. Le flou sur les campagnes est entretenu par le monde politique et les entreprises, qui se renvoient la balle.

Aucune loi fédérale n'oblige les partis à dévoiler leurs comptes, ni les entreprises ou les organisations à déclarer leurs dons politiques, rappelle enfin la RTS. Il n'est ainsi pas possible de vérifier les déclarations des entreprises et des organisations.

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