«Nouvelle guerre froide»Pour la presse suisse, Poutine a franchi une ligne rouge
ats
23.2.2022 - 07:29
Au lendemain de la reconnaissance de deux régions séparatistes ukrainiennes par la Russie, la presse suisse dénonce mercredi la décision russe. Elle appelle à des mesures fortes et fermes de la part des autres Etats, notamment de la Suisse.
Keystone-SDA, ats
23.02.2022, 07:29
23.02.2022, 08:53
ATS
«Comme il y a huit ans presque jour pour jour, dans le sillage des JO de Sotchi, quand il a annexé la Crimée», le président russe Vladimir Poutine a retiré lundi, «d'un trait de plume», deux régions séparatistes de l'Ukraine, «une nation indépendante et souveraine, avant d'envoyer ses chars acter sur le terrain cette décision unilatérale», dénonce La Liberté. Voulant «réécrire l'histoire», le maître du Kremlin «crée un glacis autour de la Russie qui pourrait s'étendre à toute l'Ukraine, si les Occidentaux ne recourent pas rapidement à des 'armes' de dissuasion massive et non de mesurettes. La ligne rose qu'ils ont tracée jusqu'ici n'a fait qu'enhardir le maître du jeu. Emporté par son élan, Poutine risque encore de tester ces prochains jours les réactions d'un bloc occidental impuissant», constate le journal fribourgeois.
Et ce manque de solidarité risque fort de coûter cher aux Ukrainiens, note Le Temps. «La solidarité [...] dans les rapports de forces entre Etats [...] se juge aux actes et à la capacité de chacun à riposter aux menaces, lorsqu'elles sont formulées, et aux agressions, lorsqu'elles deviennent réalité. Dans le cas de l'Ukraine, cette solidarité, il faut bien l'admettre, ne sera jamais à un niveau susceptible de faire reculer Vladimir Poutine», relève le quotidien genevois. «Quelles qu'elles soient, les sanctions économiques et financières déployées contre la Russie n'apporteront jamais aux autorités de Kiev ce qu'elles seraient en droit d'attendre si l'Ukraine était membre de l'OTAN», ajoute-t-il, en concluant sous forme d'épitaphe: «Désolés, nous ne sommes pas tous des Ukrainiens».
Défaites de Poutine
Mais en ayant recours à une stratégie déjà utilisée en Géorgie, «le tsar du Kremlin a joué son va-tout: incapable d'arracher l'Ukraine à la zone d'influence occidentale et, à terme, à l'OTAN, il a posé sur la table la carte de la sécession. Affaiblir l'adversaire – à défaut de le réduire», assure Le Courrier. «L'opération ne devrait pourtant pas masquer une défaite géopolitique: à moins d'une peu vraisemblable extension du conflit vers l'ouest de l’Ukraine, le rattachement de fait des deux microrépubliques à la Russie se solde par la sortie de près de 40 millions d'Ukrainiens de sa zone d'influence et ce même si les séparatistes parvenaient à arracher l'entier du Donbass», poursuit le journal genevois. «A cette perte d'influence s'ajoutera la facture sans doute salée que le bloc occidental présentera à Moscou sous forme de sanctions économiques».
Mais «l'Occident pourra-t-il arrêter Poutine avec des sanctions économiques sévères?», s'interroge la Neue Zuercher Zeitung. «L'expérience montre que c'est peu probable». Pourtant, ajoute le journal zurichois, «en reconnaissant les territoires sécessionnistes du Donbass comme des Etats souverains et en y envoyant officiellement ses troupes», le président russe a franchi une «ligne rouge [...] Il n'existe plus de modèle pour une solution pacifique du conflit dans le Donbass».
La Suisse attend
Dans tous les cas, le chef du Kremlin a mis un terme à une époque d'espoir, en actant la fin de la période post-soviétique, juge le Tages-Anzeiger. «Celle-ci est terminée depuis que Poutine a dénié à l'Ukraine, membre souverain de l'ONU, le droit d'exister. En reconnaissant les deux régions séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine, il a craché sur le droit international public [...] Mais Poutine ne s'intéresse pas seulement à l'Ukraine, mais bien plus à l'OTAN avec les Etats-Unis à sa tête. L'alliance est son ennemie préférée, qu'il utilise depuis des années comme prétexte pour sa politique étrangère agressive», ajoute le journal. Le président russe «veut ouvrir une nouvelle ère: celle d'une nouvelle guerre froide».
Face à cette grave violation du droit international, la Suisse, forte «de sa grande expérience sur la neutralité», a une fois de plus détourné le regard, remarque l'Aargauer Zeitung. «Elle l'a encore montré hier. Alors que de Washington à Bruxelles en passant par Berlin, des sanctions sévères ont été annoncées contre le régime russe, Berne veut pour l'instant attendre [...] Les sanctions sont le minimum que le monde doit opposer à l'aspirant tsar de Moscou», lâche le journal argovien. «Le rideau de fer n'existe plus. Mais si la guillotine de Poutine s'abat sur les aspirations démocratiques ukrainiennes, une vague de solidarité est nécessaire – notamment de la part de la Suisse».