Ukraine Premier débat autour de la réexportation d'armes sous la Coupole

gd, ats

6.3.2023 - 19:41

Les sénateurs ont croisé lundi une première fois le fer sur la réexportation d'armes. Le Conseil des Etats renonce toutefois pour le moment à assouplir les règles.

Le Conseil des Etats retoque une motion visant à assouplir les réexportations d'armes (archives).
Le Conseil des Etats retoque une motion visant à assouplir les réexportations d'armes (archives).
ATS

Keystone-SDA, gd, ats

La pression internationale augmente chaque jour pour que la Suisse autorise les réexportations d'armes. Pléthores de motions et d'initiatives ont été déposées sur le sujet dans les deux Chambres. Les parlementaires ne parviennent toutefois pas à s'entendre sur le sujet, s'écharpant notamment sur la définition de la neutralité.

Irritation des pays voisins

Lundi, les sénateurs ont retoqué par 23 voix contre 18 et deux abstentions une motion de Thierry Burkart (PLR/AG). L'Argovien voulait introduire la possibilité de renoncer aux déclarations de non-réexportation pour les pays qui partagent les valeurs de la Suisse et disposent d’un régime de contrôle des exportations comparable.

«La situation actuelle entraîne une grande irritation chez nos partenaires. Ils respectent notre neutralité et le refus de livrer directement du matériel de guerre à l'Ukraine. Ils ne comprennent en revanche pas pourquoi la réexportation est bloquée», a plaidé le libéral-radical. Et de se demander si en empêchant une partie de recevoir des armes, on ne favorise pas l'autre côté.

Une réflexion partagée par Charles Juillard (Centre/JU). «Notre position n'est plus comprise par nos amis.» Pour le Jurassien, la passivité du Conseil fédéral est difficile à saisir. Il se réfugie derrière une notion étroite et ancestrale de la neutralité, jugeant avoir été mis dans cette position par le Parlement. «Donnons-lui l'opportunité de sortir de cette situation.»

Rejeter ce texte, c'est cimenter le débat actuel, a relevé Benedikt Würth (Centre/SG). La motion est formulée de manière ouverte, de telle sorte que le Conseil fédéral aura suffisamment de marge de manoeuvre, ont encore pointé plusieurs sénateurs.

Entraîner plus de morts

C'est justement ce champ trop large que d'autres ont critiqué. Faudra-t-il autoriser la réexportation d'armes pour tous les conflits et toutes les violations du droit international? «Les armes suisses ne vont pas permettre de mettre fin à la guerre plus rapidement. Elles ne provoqueront que plus de morts, un renforcement et une escalade du conflit», a estimé Peter Hegglin (Centre/ZG).

Et le Zougois d'appeler à ne pas jeter «nos valeurs» par-dessus bord. «Nous ne devons pas nous laisser entraîner dans une guerre, ni aujourd'hui ni dans le futur», a abondé Heidi Z’graggen (Centre/UR). «L'objectif de la Suisse est de ne soutenir activement aucune partie en guerre», a rappelé le ministre de l'économie Guy Parmelin. «En autorisant les réexportations vers l'Ukraine, on soutient une partie et on enfreint la loi.»

«La neutralité n'est pas seulement pour les temps de paix, mais aussi de guerre. Elle est parfois désagréable, mais nous devons nous y tenir», a rappelé Daniel Jositsch (PS/ZH). Elle n'est pas définie par les parlementaires suisses, mais par les parties du conflit.

Avec la reprise des sanctions, la Suisse n'est déjà plus considérée comme neutre par la Russie, a ajouté Thomas Minder (Ind./SH). Il ne faut pas remettre encore plus en cause la neutralité. Pour terminer un conflit, il faut un troisième Etat neutre, a-t-il encore rappelé.

Maintenir l'industrie

Mathias Zopfi (Vert-e-s/GL) s'est de son côté insurgé contre une «lex industrie de l'armement». «Voulons-nous être ceux qui ne pensent qu'aux affaires en temps de guerre?» Pour le Glaronnais, la Hongrie ne partage pas les valeurs de la Suisse. Elle pourrait pourtant réexporter des armes avec la révision proposée.

Carlo Sommaruga (PS/GE) s'est aussi dit choqué de vouloir instrumentaliser la souffrance du peuple ukrainien pour promouvoir l'armement. «Les victimes méritent bien plus que ça.» A ses yeux, les critiques envers la Suisse peuvent être renversées. Il faudrait notamment plus s'engager en matière humanitaire.

Pour Josef Dittli (PLR/UR), il s'agit plutôt d'une «lex pour une base industrielle et technologique intacte pour notre économie d'armement». «Nous avons besoin d'une base solide pour garantir notre autonomie.» Ses arguments économiques n'ont pas convaincu.