Le don d'organes devrait être facilité en Suisse. Le National est entré en matière mercredi, par 154 voix contre 30, sur le contre-projet à l'initiative populaire visant à introduire le consentement présumé du donneur dans la loi.
La question sensible du don d'organes a largement fait débat au sein de la Chambre du peuple. La notion de consentement a divisé les députés au-delà de leur couleur politique.
L'initiative populaire «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» veut que toute personne majeure soit considérée comme un donneur potentiel, sauf si elle s'y est opposée de son vivant. Actuellement, c'est le contraire qui prévaut: le don d'organes est envisagé si la personne décédée y a consenti avant sa mort.
Le contre-projet indirect du Conseil fédéral envisage ce consentement présumé dans un sens plus large en prévoyant l'implication des proches dans la décision. En l'absence de document attestant de la volonté de la personne décédée, ils pourront s'opposer au prélèvement si cela respecte la volonté présumée du défunt, a expliqué Philippe Nantermod (PLR/VS) au nom de la commission.
Ces deux projets découlent d'un constat: la Suisse connaît une pénurie de dons d'organes. Une cinquantaine de personnes, des enfants pour la plupart, meurent chaque année faute d'organes à disposition, a donné en exemple le Valaisan.
Et la situation ne devrait pas s'améliorer. Swisstransplant prévoit une augmentation de 50% du taux de mortalité.
Soulager les proches
Si l'ensemble des députés veut favoriser le don d'organes, les avis divergent sur la procédure. Pour la gauche, le PLR et les Vert'libéraux, le consentement présumé du donneur est essentiel.
Ce système permettrait de soulager les proches de la lourde responsabilité de décider, a déclaré Pierre-Yves Maillard (PS/VD). Alors qu'environ 80% de la population se dit en faveur du don d'organes, très peu s'inscrivent comme donneurs. Et les proches renoncent majoritairement à valider un tel acte parce qu'ils ne savent pas ce qu'aurait voulu le défunt.
Le consentement présumé permettra d'augmenter le nombre de dons, qui reste faible par rapport à l'Europe, où cette procédure est déjà largement appliquée, a précisé Christophe Clivaz (Verts/VS).
La marge de manoeuvre de la population reste large, a abondé Isabelle Moret (PLR/VD). Les personnes peuvent toujours, de leur vivant, choisir de refuser ou de ne pas se décider sur le don d'organes. Elles peuvent aussi confier cette décision à un individu tiers.
Les libéraux-radicaux veulent par ailleurs encourager la population à s'exprimer davantage sur ce thème en intégrant cette question lors de la création des documents d'identité ou d'assurances.
Pour une déclaration
Une partie de l'UDC et du Centre s'oppose elle au concept de consentement présumé, jugé non éthique. Il restreint trop l'autodétermination des personnes concernées. «L'absence d'objection ne peut pas être assimilée à un consentement», a martelé Céline Amaudruz (UDC/GE). De plus, il n'est pas clairement prouvé qu'un tel système permet une augmentation du don d'organes, a abondé Marianne Streiff (Centre/BE).
Les deux partis veulent privilégier un modèle proche de la situation actuelle en incluant une déclaration dans le projet du Conseil fédéral. La population serait, dans ce cas, encouragée de manière active à s'exprimer de son vivant sur sa volonté ou non de faire don d'organes.
Le contre-projet contient plusieurs gardes-fou qui permettent d'éviter toute dérive, a de son côté avancé le ministre de la santé Alain Berset. L'implication des proches et la possibilité d'exprimer son refus dans un registre comptent parmi les mesures prévues en ce sens.
Les débats se poursuivent. Ils devraient se concentrer sur la nécessité ou non d'introduire un système de déclaration ainsi que sur les limites à donner à l'implication des proches. Les députés voteront sur l'initiative populaire en fin de débat.