Non contraignante, vague, peu ambitieuse: la stratégie du Conseil fédéral pour mettre en oeuvre l'Agenda 2030 de l'ONU sur le développement durable, en consultation jusqu'à jeudi, a suscité une pluie de critiques.
Le réseau «Sustainable Development Solutions Switzerland» (SDSN) le résume sans ambages: ce projet du gouvernement ne permettra pas à la Suisse d'atteindre les 17 objectifs fixés par l'Agenda 2030.
Pour les membres de ce réseau, plus de 60 organisations en pointe dans les sciences, l’économie, la société civile, la politique et la culture, il lui manque des solutions concrètes pour éviter la crise écologique et sociale qui s'annonce.
Des objectifs plus ambitieux, un plan financier et l'implication d'acteurs clés de la science, de l’économie et de la société civile sont notamment indispensables, ainsi qu'un système de contrôle. Des exigences reprises par l'ensemble des ONG qui se sont exprimées et plusieurs partis, dont les Verts.
«Evaluation sérieuse impossible»
«Ni la mise en oeuvre des objectifs ni leur vérifiabilité ni le volet financement ne sont définis» dans ce plan, «ce qui rend impossible une évaluation sérieuse», constate le PLR, à l'instar de l'Union suisse des arts et métiers (USAM).
Cette dernière rejette malgré tout la stratégie présentée, qui discrimine selon elle «ouvertement divers secteurs de l'économie, tels que la mobilité ou certains services».
L'UDC la refuse également. Motif: certaines exigences font actuellement l'objet d'une consultation en Suisse. Le gouvernement ne peut pas intervenir dans ce processus démocratique par le biais d'une «campagne contrôlée de manière centralisée, sous le couvert de la durabilité, avec toutes sortes de demandes politiques très controversées».
Pour les Vert'libéraux, il manque fondamentalement au plan proposé «une vision claire et l'intention de mettre en route une transformation».
La Suisse, mauvaise élève
Or, la Suisse doit avoir un rôle de meneur dans la mise en oeuvre de l'Agenda 2030, estiment notamment le SDSN, les Verts et l'Entraide Protestante Suisse (EPER).
Elle a en effet un fort impact négatif sur la mise en oeuvre des objectifs mondiaux de développement durable. Cela en raison «de son implication dans des flux financiers globaux préjudiciables», et à travers l’importation de biens, en provoquant de la pollution et de la perte de biodiversité dans les pays d’origine de ces produits.
Pour les Verts, l'objectif d'un développement durable ne pourra pas être atteint tant que l'accroissement de la prospérité ne sera pas découplé de la croissance purement économique.
Objectifs contradictoires
Les priorités fixées par le Conseil fédéral – biodiversité, climat et modes de consommation – sont certes les bonnes, admet Pro Natura. Mais le projet ne dit par exemple pas comment concilier des objectifs potentiellement contradictoires, comme garantir suffisamment d'espace pour la biodiversité en Suisse tout en couvrant les besoins en logements.
Fondamentalement, ce plan ne contribue pas à réduire l'empreinte écologique de la Suisse, toujours trois fois trop élevée. Il y manque notamment la mise en place d'un cadre législatif qui favorise des comportements plus durables.
Emissions de la place financière
Une lacune aussi pointée par les Verts et Alliance Sud. Celle-ci réclame «un mélange subtil d'incitations et de réglementations contraignantes, en particulier pour réduire les émissions de CO2 de la place financière et promouvoir des entreprises responsables.»
«Pauvreté trop peu réduite, perte des sols jusqu’à mi-siècle, investissements poursuivis dans les énergies fossiles: ce n’est pas une vraie stratégie de développement durable qui est en consultation», fustige pour sa part la Plateforme Agenda 2030.
Le projet du Conseil fédéral expose le plus souvent des décisions déjà prises, relève aussi ce Réseau suisse de plus de 50 fédérations et organisations de la société civile, à l'instar des Verts, des Vert'libéraux, de l'EPER, mais aussi de l'UDC.
La durabilité doit être partout
Au niveau national, la plateforme estime indispensable une stratégie de durabilité qui implique tous les départements et offices fédéraux. Les Vert'libéraux y ajoutent les cantons et les communes, et considèrent essentiel d'intégrer systématiquement le développement durable dans toutes les politiques sectorielles de la Confédération.
Pour rompre avec une planification cloisonnée, qui inquiète aussi le PLR, les Verts proposent de former un comité pour le développement durable.
Adopté en 2015, l'Agenda 2030 de l'ONU n’est pas contraignant juridiquement, mais pose un cadre de référence. La stratégie du Conseil fédéral, conçue pour dix ans, définit des priorités dans les secteurs où il juge nécessaire d'agir.
Trois thèmes prioritaires ont été retenus: consommation et production durables, climat, énergie, biodiversité et égalité des chances. Le Conseil fédéral adoptera encore, après la consultation, un plan d’action afin de préciser les objectifs et axes stratégiques pour les années 2021 à 2023.
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