Les théories du complot antisémite se renforcent, selon la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI). Cette évolution inquiétante est perceptible en Suisse comme à l'international. La lutte contre la propagation de ces idées est plus urgente que jamais.
C'est ce qui ressort du rapport annuel 2019 de la FSCI et de la Fondation contre le racisme et l'antisémitisme (GRA) ainsi que de celui de la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD) publiés conjointement mardi. Ils constatent une hausse des théories du complot qui font des juifs des instigateurs ou des profiteurs.
Ces théories circulent presqu'exclusivement sur la Toile. Selon la statistique établie en Suisse alémanique, elles représentent plus d'un tiers des 523 incidents antisémites recensés en ligne.
Le grand remplacement
La plus populaire actuellement est la «théorie du grand remplacement» («Replacement Theory»). Elle consiste à faire croire que les Juifs tout-puissants veulent remplacer la population blanche européenne par des migrants arabes et africains pour créer une race métissée moins intelligente qu'ils pourraient manipuler.
L'attentat de Hanau (D) la semaine dernière qui a fait neuf morts illustre la dangerosité de ces théories. Il est le dernier d'une longue liste: Pittsburgh en octobre 2018 (USA, 11 morts), Christchurch en mars 2019 (NZ, 51 morts) ou Halle en octobre 2019 (D, 2 morts). Tous les auteurs de ces attentats d'extrême-droite ont revendiqué cette vision du monde pour justifier leurs actes.
«De nombreux membres de la scène d'extrême-droite violente en Suisse croient à cette théorie du grand remplacement et la propagent activement sur les réseaux sociaux», indique le rapport. Il y a donc aussi un risque d'attaque en Suisse. Inquiète, la FSCI demande que la société civile, la politique et l'éducation s'opposent avec détermination à la propagation de ce genre de théories.
Plus d'agressions en Suisse romande
Dans leur première synthèse nationale des incidents antisémites en Suisse, les organisations de lutte contre l'antisémitisme constatent des différences dans le pays. La Suisse romande a connu une augmentation des actes violents contre des personnes. Et plusieurs synagogues ont été la cible de vandalisme.
En Suisse alémanique, le nombre d'incidents hors Internet tels que violence, agressions verbales, vandalisme ou graffitis est stable. Il n’y a pas eu d'agressions physiques recensées contre des juifs ou de vandalisme contre des institutions juives. La plupart des incidents antisémites en Suisse proviennent du Web, en particulier des réseaux sociaux.
Le nombre de cas litigieux y est légèrement inférieur à 2018. C'est dû notamment à l'absence d’«éléments déclencheurs» significatifs tels que le conflit au Proche-Orient, notent la FSCI et la CICAD. De plus, l'effort des médias en termes de modération des commentaires en ligne a porté ses fruits.
Chiffres trompeurs
En Suisse romande,114 actes antisémites ont été enregistrés en 2019 contre 174 un an auparavant, selon le rapport de la CICAD. Six étaient graves (2 en 2018). Le 29 mai par exemple, un homme profère depuis sa voiture des menaces de mort contre des enfants se rendant à l'école. Il mime de la main un pistolet dans leur direction. En ligne, les actes recensés ont passé de 168 à 100.
En Suisse alémanique, la FSCI et le GRA font état de 38 incidents antisémites, soit quatre de moins que l'année précédente. En ligne, 485 incidents et 105 propos limites ont été enregistrés. Ils ont été proférés pour 90% sur les réseaux sociaux comme Twitter et Facebook. Le reste apparaît dans des commentaires de journaux.
Tous ces chiffres sont cependant bien en deçà de la réalité, précise le FSCI. Globalement, l'antisémitisme reste à un niveau stable en Suisse, rappelle la FSCI. La part de la population hostile aux juifs a oscillé entre 8 et 10% de 2010 à 2018, selon une enquête sur le vivre ensemble en Suisse publiée l'an dernier.
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