Michael Lauber veut rester procureur général de la Confédération. L'ouverture d'une enquête disciplinaire à son encontre n'a pas entamé sa détermination à briguer un nouveau mandat. Il s'est longuement défendu vendredi devant la presse.
L'Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (MPC) venait d'annoncer l'enquête. Le but est d'éclaircir si le procureur a commis d'éventuelles violations de ses devoirs de fonction dans le cadre des procédures sur la FIFA. L'ouverture ne préjuge en rien du résultat, avait précisé l'autorité.
La décision tombe à un très mauvais moment pour le procureur général car le Parlement doit décider en juin s'il le reconduit dans ses fonctions pour la période 2020-2023. La commission judiciaire des Chambres fédérales donnera mercredi soir sa recommandation. Mais M.Lauber devra encore répondre lundi aux questions des commissions de gestion du Parlement.
Visiblement tendu, le procureur général s'est dit ébranlé par l'ouverture de l'enquête disciplinaire si près de la date de renouvellement de mandat. Déçu du manque de confiance à son égard de l'autorité de surveillance, il a précisé qu'il n'avait rien contre la procédure elle-même qui lui permettrait de se défendre.
Théories du complot
Les spéculations publiques, voire les théories du complot qui circulent depuis cinq semaines autour de l'affaire ont toutefois généré un climat absurde de «crise institutionnelle», selon M. Lauber. C'est cela qui l'a poussé à sortir du bois car il y voit une «attaque frontale contre l'indépendance de la justice et le travail du Ministère public de la Confédération».
Tout a un effet sur les grandes enquêtes, a reconnu le procureur général. Mais il ne faut pas mélanger les faits qui lui sont reprochés avec le bilan de huit ans d'activité à la tête du MPC. Passé sur le gril d'une sous-commission des commissions de gestion juste avant la conférence de presse, M. Lauber estime avait pu y faire valoir son point de vue. A la fin, le Parlement tranchera et «j'ai confiance dans les institutions suisses».
Troisième rencontre secrète
Au coeur de la tourmente, des rencontres informelles avec le président de la FIFA Gianni Infantino. Servant à discuter de la suite de la procédure, de telles séances ne sont pas problématiques en tant que telles. Mais le procureur aurait dû les documenter, et l'autorité de surveillance lui a recommandé de le faire l'an dernier.
Elément crucial pour l'ouverture de l'enquête disciplinaire, M.Lauber a tu une troisième entrevue secrète. En novembre 2018, il avait déclaré qu'il n'y en avait eu que deux (en 2016). Aucun des participants supposés à la troisième rencontre en 2017 ne s'en rappelle.
Dans une interview donnée fin avril, le procureur avait expliqué que de telles rencontres faisaient partie du courant normal pour faire avancer une procédure complexe et souligné que M. Infantino n'était pas prévenu dans les affaires concernant la FIFA sur lesquelles le MPC enquêtait.
«Je n'ai pas menti»
«Je n'ai jamais dit que je n'avais pas fait de faute, mais je n'ai pas menti», a répété M.Lauber vendredi. Depuis les nouvelles révélations de la presse sur des affaires de corruption dans le monde du football en 2018, il y a eu 4000 entrées dans l'agenda, a-t-il expliqué pour justifier sa non-mention de la rencontre.
Il faut notamment améliorer la tenue de l'agenda, mais c'est «absurde d'en faire une crise institutionnelle». Comme l'autorité de surveillance, le procureur s'est bien gardé de donner des détails sur le contenu de l'enquête afin que les éléments ne puissent pas être utilisés contre lui dans la procédure.
La première réunion informelle a été souhaitée par M.Infantino. Ami d'enfance du nouveau patron valaisan du football, Rinaldo Arnold a contacté le porte-parole du MPC André Marty et participé ensuite avec lui à la rencontre. Premier procureur du Haut-Valais, M.Arnold n'était toutefois pas là à titre professionnel. Si M.Lauber a évoqué des détails de l'enquête devant lui, il pourrait avoir violé le secret professionnel.
Expert externe
L'enquête disciplinaire sera confiée à un expert externe. Son nom sera communiqué séparément au public. M. Lauber risque un avertissement, un blâme ou une réduction de salaire de 10% pendant un an au plus.
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