Voirie de Zurich Scandale de la voirie de Zurich documenté

ATS

10.4.2019 - 17:29

Face aux médias et au côté de la maire Corine Mauch, le directeur actuel du dicastère des travaux publics et de l'élimination des déchets, Richard Wolff, a évoqué une confiance «aveugle» accordée pendant des années à l'ex-chef de la voirie, par les autorités de la ville.
Face aux médias et au côté de la maire Corine Mauch, le directeur actuel du dicastère des travaux publics et de l'élimination des déchets, Richard Wolff, a évoqué une confiance «aveugle» accordée pendant des années à l'ex-chef de la voirie, par les autorités de la ville.
Source: KEYSTONE/ENNIO LEANZA

Caisses noires, banquets coûteux, anciens véhicules de fonction cédés aux employés: le rapport externe publié par la ville de Zurich tire un portrait accablant du train de vie de la voirie municipale durant des décennies. Ce service était devenu un «monde parallèle».

Le scandale a éclaté en 2015, mais l'affaire entourant l'ex-directeur de la voirie Urs Pauli n'a abouti à une plainte pénale qu'en mai 2017. Son licenciement prononcé aussitôt est entré en force en novembre dernier, après le rejet d'un recours du principal intéressé.

Mercredi, la municipalité a présenté le rapport de 300 pages qu'a établi le professeur de droit mandaté Tomas Poledna sur les pratiques douteuses du service ERZ (Elimination et Recyclage Zurich) durant les 20 dernières années. Le juriste s'est notamment entretenu avec une septantaine de personnes dont des anciens membres de l'exécutif de la ville.

Pas de concept de gouvernance

Son rapport montre que la voirie constituait un «monde parallèle» qui avait réussi à s'affranchir des règles et usages régissant le reste de l'administration. Selon l'auteur du rapport, la municipalité a favorisé cet affranchissement en n'établissant aucun concept de gouvernance et de contrôle de l'ERZ durant des décennies.

Au sein du dicastère de tutelle (travaux et déchets), aucune personnalité n'a pu tenir tête au chef de la voirie, ses compétences professionnelles étant supérieures dans son domaine. Au contraire, l'exécutif lui a accordé son entière confiance, l'ERZ étant alors considéré comme un élève modèle parmi les services de la ville.

Ce sont ces failles dans le contrôle qui ont permis à la voirie de s'émanciper progressivement du cadre préétabli dans l'administration. Cette émancipation a été tolérée par l'exécutif et par le législatif, pour autant que les deux pouvoirs en aient été au courant, indique le rapport.

Extras sur le dos des contribuables

Tout a commencé avec une voiture de fonction d'une valeur de 130'000 francs, qu'exigeait Urs Pauli. Le traitement de faveur s'est poursuivi avec un parc entier de véhicules pour l'ensemble des membres de la direction de l'ERZ. Puis, la voirie s'est même offert un musée de véhicules historiques de ramassage des déchets, ainsi qu'un espace de baignade dans un ancien bassin d'épuration.

Les employés de la voirie disposaient de leur propre salle de fitness. Leurs repas de Noël étaient particulièrement coûteux. L'ERZ disposait en outre d'un espace destiné à des émeus et des oiseaux sauvages, entretenus par des employés. Ces frais peu orthodoxes ont été reportés à la charge de la ville.

Argent détourné

Pire, les véhicules arrivés en bout de course étaient revendus à l'interne. Les recettes ainsi réalisées n'étaient pas versées à la ville, mais alimentaient trois caisses noires. L'une des caisses était destinée à l'équipe des grillades internes. De l'argent public a ainsi été détourné, déplore l'auteur du rapport. Un coffre-fort contenant 215'000 francs en liquide a été découvert dans un bâtiment administratif de l'ERZ.

L'absence de transparence était de mise au sein de l'ERZ, «jusqu'au mensonge», écrit le professeur de droit. En l'absence de contrôle, l'exécutif de la ville s'est laissé aveugler et tromper par le chef de la voirie, commente le directeur actuel du dicastère des travaux et de l'élimination des déchets Richard Wolff (gauche alternative) aux médias réunis en conférence de presse.

Retour progressif à la normale

Depuis l'éclatement du scandale, la ville de Zurich a pris différentes mesures pour récupérer le plein contrôle de sa voirie. La direction de l'ERZ a été remplacée, la surveillance a été réorganisée et les appels d'offres se déroulent à nouveau correctement, a souligné la maire Corine Mauch (PS).

Les caisses noires ont été dissoutes, de même que le musée interne. Des véhicules ont été vendus, mais les émeus doivent encore changer de domicile. Le retour complet à la normale devrait intervenir dans un délai de deux ans. Il n'est pas exclu, en outre, que d'autres manquements ne soient mis au jour dans le cadre des enquêtes encore en cours, a ajouté la maire.

Huit personnes sous enquête pénale

Le rapport externe n'a pas permis de se forger une image complète des pratiques en matière de caisses noires. Ceux qui en étaient les responsables potentiels n'ont pas tous accepté de répondre aux questions du professeur Poledna.

Au total, huit personnes se trouvent sous le coup d'une enquête pénale, dont l'ancien chef de l'ERZ Urs Pauli. Elles sont principalement soupçonnées de gestion déloyale et de faux dans les titres. Une commission d'enquête parlementaire est également à pied d'oeuvre. Elle n'a pas encore rendu son rapport.

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