Confédération L'argent public est mal dépensé, estime le CDF

gg, ats

8.4.2024 - 19:47

Près de 60% des dépenses de la Confédération sont des subventions versées aux cantons, aux communes, aux entreprises et aux ménages privés. Selon le Contrôle fédéral des finances (CDF), ces aides financières ne remplissent de loin pas toutes leurs objectifs de manière économique et efficace.

Pascal Stirnimann est l'actuel directeur du Contrôle fédéral des finances (archives).
Pascal Stirnimann est l'actuel directeur du Contrôle fédéral des finances (archives).
KEYSTONE

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En 2022, la Confédération a dépensé 48,5 milliards de francs en subventions, soit 59,7% de ses dépenses totales, précise le CDF dans son rapport sur le sujet publié lundi soir. Par le biais de ces aides, la Confédération encourage des activités extérieures à l'administration fédérale qui contribuent à la réalisation d'un objectif social ou politique et qui ne seraient que difficilement réalisables sans ce soutien.

Dans son rapport, le CDF a identifié des domaines qui comportent le plus grand potentiel d'optimisation. Pour ce faire, l'organe chargé d'examiner l'efficacité des subventions octroyées par les différents départements a analysé 36 de ses propres rapports de contrôle portant sur les années 2018 à 2022.

Rentabilité et impact

Le CDF indique voir un grand potentiel d'amélioration, tant dans la conception de ces aides financières que dans leur mise en oeuvre et leur impact. Les conditions fixées par la loi sur les subventions ne sont pas «suffisamment remplies dans la pratique», avertit l'organe de contrôle.

Il a notamment constaté à plusieurs reprises que les offices chargés d'allouer des subventions ne prêtaient pas assez d'attention à la participation financière qu'ils pouvaient exiger de la part des bénéficiaires. De plus, il estime que certaines activités subventionnées avec de l'argent public seraient aussi réalisées sans un tel soutien, les bénéficiaires profitant simplement de l'existence de subventions pour financer leurs projets.

Fort de ces constats, les contrôleurs financiers recommandent à l'Administration fédérale des finances (AFF) d'adapter son guide relatif à l'octroi des subventions, notamment pour prévenir les effets d'aubaine et s'assurer que le bénéficiaire est mis à contribution à la hauteur de ses moyens.

Définir des indicateurs

Un autre problème souligné par le CDF est que les objectifs des subventions ne sont souvent pas définis – ou pas assez clairement – pour pouvoir s'assurer de leur impact. Selon l'organe de contrôle, la situation est tout aussi problématique quand les tâches subventionnées ne sont pas assez clairement dissociées des autres prestations non subventionnées.

Le CDF recommande aussi aux offices allouant des subventions d'améliorer la surveillance, en commençant par tenir des comptabilités détaillées contenant les critères précis relatifs aux subventions versées. De plus, les bénéficiaires doivent aussi être contrôlés en lien avec les risques inhérents à leurs activités.

Ici, le CDF cite en exemple le cas de certaines ONG subventionnées par la Direction du développement et de la coopération (DDC) qui n'ont pas été suffisamment surveillées bien qu'elles présentaient des facteurs de risques importants. Parmi ceux-ci figurent les intérêts peu clairs des membres de l'organe de direction, l'absence d'audit interne, des contrôles insuffisants des partenaires locaux et des problèmes de stratégie.

Critique du Parlement

Dans son dernier rapport de 2008 portant sur l’ensemble des subventions, le CDF avait estimé le potentiel d'économies à plus de 100 millions de francs. Il regrette toutefois qu'"en raison du manque de volonté politique au Parlement, les économies escomptées n'ont toutefois pu être réalisées que pour à peine un cinquième des subventions».

L'AFF a indiqué dans une prise de position avoir pris acte des constats et recommandations du rapport de l'organe de surveillance. Elle mettra en œuvre les mesures nécessaires dans les meilleurs délais, écrit-elle encore, par exemple en renforçant la prise de conscience au sein des offices de subventions concernant la rentabilité des aides.

La peur des coupes

Augmenter l'efficacité des subventions est une mesure qui prend toute son importance dans le contexte d'un budget fédéral tendu. Pour la deuxième année consécutive, en 2023, la Confédération n'avait pas respecté le frein à l'endettement. Afin d'éviter de nouveaux déficits structurels, toutes les dépenses et subventions doivent être réexaminées à moyen terme. Le Conseil fédéral a récemment mis en place un groupe d'experts à cet effet.

De nombreux secteurs ont exprimé leur réticence face à cet examen des subventions fédérales. Les organisations agricoles et d'aide au développement ont fait savoir qu'elles s'opposeront «par tous les moyens» à des réductions.