Placements forcésTollé en Argovie sur le placement de pauvres
ATS
3.9.2019 - 17:25
Un nouvel article d'ordonnance légale suscite la polémique en Argovie. Une association craint que cette disposition n'amène à placer de force des personnes pauvres. Le Conseil d'Etat se défend et assure qu'il n'en est rien.
A l'appel de l'organisation d'aide alémanique UFS, spécialisée dans le droit relatif à l'aide sociale, une action de protestation s'est déroulée mardi matin devant le bâtiment du parlement argovien. Trois députés du PS, du PDC et du PEV l'ont soutenue.
Les manifestants exigent que le gouvernement cantonal supprime dans l'ordonnance l'article «choquant» et «problématique sur le plan légal». Il est inacceptable et ouvre la porte à l'arbitraire, ont-ils protesté.
«Privés de leurs droits»
A travers cet article, l'exécutif donne la possibilité aux communes de placer des personnes dans des homes uniquement en raison de leur pauvreté, dénonce l'organisation UFS. Au lieu de les aider, l'Etat «met sous tutelle, stigmatise, exclut et prive de leurs droits» ces personnes, selon elle. Les opposants ont lancé une pétition en ligne exigeant la suppression de l'article.
Le passage incriminé dans l'ordonnance sur la loi cantonale sur l'aide et la prévention sociale est le suivant: «Des personnes qui ont besoin d'aide dans plusieurs domaines de leur vie peuvent être placées dans un logement pour y mettre en oeuvre des mesures de prise en charge et d'intégration correspondantes.»
L'article est entré en vigueur en mars. Le Conseil d'Etat l'a mis sous toit en janvier.
Ancienne victime en colère
Placée de force dès son enfance en Argovie, Gabriella Merlini-Pereira se bat contre le nouvel article. Elle a lu sa lettre ouverte au gouvernement lors de l'action matinale de protestation. «Peut-être ne sont-ils pas conscients du potentiel arbitraire qui se cache derrière cet article», a-t-elle déclaré. «On discrimine ainsi des personnes fragiles.»
L'article crée les conditions pour «de nouvelles atteintes massives» à la liberté personnelle» et «pour la levée de la liberté d'établissement», ajoute Mme Merlini-Pereira. «En 1965, alors que j'avais 18 mois, notre famille, alors domiciliée à Wohlen (AG), a été déchirée sur la base de telles lois arbitraires», écrit-elle dans sa lettre ouverte aux autorités.
Sombre record en Argovie
Selon l'organisation UFS, l'article d'ordonnance constitue un «retour à une période sombre». Au XXe siècle, l'Argovie détenait le triste record du nombre de homes où les personnes pauvres étaient placées de force. Ces pratiques ont perduré jusqu'en 1981. La Confédération a fait la lumière sur ce chapitre de l'histoire et le Conseil fédéral s'est excusé auprès des personnes placées de force.
L'Autorité de protection de l'adulte et de l'enfant (APEA) est aujourd'hui en charge des placements préventifs. Mais les principaux intéressés ont le droit de s'y opposer à travers des recours, rappelle l'UFS.
Ordonnance modifiée pour les réfugiés
Le Département cantonal de la santé et de l'action sociale a relativisé les critiques dans une prise de position. Le gouvernement a créé la base juridique nécessaire dans le but de pouvoir fournir l'aide sociale sous la forme d'un logement dans certaines circonstances, a-t-il indiqué.
A l'origine, l'ordonnance a été adaptée afin de pouvoir loger des réfugiés dans des centres cantonaux d'hébergement dans le cadre de la procédure d'asile accélérée. Mais la nouvelle règle peut aussi s'appliquer à d'autres bénéficiaires de l'aide sociale ayant besoin de soutien «dans plusieurs domaines de leur vie», souligne le département concerné, sans préciser lesquels exactement.
La distribution de l'aide sociale «en nature» sous forme de logement constitue pour le Conseil d'Etat une limitation «indirecte» du libre choix de résidence. Dans tous les cas, une telle décision doit être d'intérêt public et proportionnée. L'objectif n'est en aucun cas de placer des personnes en institution. De telles mesures ne sont pas de la compétence du canton, mais de celle de la Confédération, à travers l'APEA.
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