Vaches et randonneursUn agriculteur prévient du «danger de mort»
D'Anna Kappeler
3.9.2020
Des attaques de vaches allaitantes occasionnant la mort de randonneurs se produisent tous les quatre ou cinq ans. Selon un agriculteur, les panneaux d’information officiels ne suffisent pas: il avertit donc du danger avec ses propres panneaux.
La randonnée est le sport le plus populaire en Suisse. Et cette activité est en plein essor. Environ 20 000 kilomètres de sentiers de randonnée traversent les prairies et pâturages du pays. Cela a aussi ses inconvénients: pendant la saison des randonnées, des incidents répétés se produisent avec des vaches allaitantes.
C’est un sujet qui occupe également Luzi Stoffel, agriculteur à Campsut, dans les Grisons. «Comme le sentier de randonnée passe par mon pâturage, cet afflux de personnes peut causer des accidents avec mes animaux. Les vaches allaitantes défendent leurs petits.» Depuis environ cinq ans, les randonneurs sont de plus en plus nombreux et depuis la crise du coronavirus, leur nombre a encore augmenté, d’après Luzi Stoffel.
L’été dernier, par exemple, un homme de 55 ans a été attaqué par une vache allaitante près de Poschiavo et reçu de graves blessures à la tête, un accident dont son épouse est ressortie choquée. Un jugement rendu en Autriche cette même année a également suscité des discussions. Suite à la mort d’une propriétaire de chien piétinée par ses animaux, un agriculteur a dû participer au dédommagement financier.
Les sentiers de randonnée ne peuvent pas être déplacés
L’agriculteur Luzi Stoffel est également au courant de ce jugement. De son propre chef, il installe désormais des panneaux d’avertissement avec l’indication «Possible danger de mort!». «Ces panneaux sont nécessaires pour des raisons de sécurité», soutient-il. Si quelque chose arrive avec ses animaux, «si un animal attaque quelqu’un, [il est] responsable». Il explique qu’il devra répondre de ces faits et payer. «C’est un problème.»
L’agriculteur n’est pas habilité à déplacer les sentiers. «Ces itinéraires ne bougent pas.» Luzi Stoffel peut néanmoins mettre des panneaux «et donc au moins avertir les gens». Ce n’est peut-être pas une sécurité juridique pour lui, «mais c’est mieux que rien», confie-t-il.
«Le panneau d’information officiel ne dit pas grand-chose»
Mais pourquoi Luzi Stoffel ne se contente-t-il pas d’installer le panneau d’information officiel? Ce panneau élaboré par un groupe de spécialistes et approuvé par l’Office fédéral des routes (OFROU) met également en garde contre les vaches allaitantes. Cependant, l’agriculteur Luzi Stoffel a un avis tranché au sujet de ce panneau: «Il ne dit pas grand-chose. Il nous faut simplement des mots plus clairs.»
Le panneau d’information officiel a été créé par un groupe de spécialistes constitué de l’Union suisse des paysans, de Vache mère Suisse, de Suisse Rando et du Service de prévention des accidents dans l’agriculture (SPAA). Celui-ci prend ses distances «par rapport au contenu et à l’apparence» du panneau de Luzi Stoffel, comme l’indique le SPAA. «Leur installation n’a pas fait l’objet d’une concertation et leur contenu ne tient pas compte du contexte juridique actuel», affirme Heinz Feldmann du SPAA.
En principe, c’est l’éleveur qui est responsable
Il est donc temps de se pencher sur la situation juridique actuelle. En principe, la circulation sur les sentiers de randonnée doit si possible être sans danger, comme le stipule l’article 6 de la loi fédérale sur les chemins pour piétons et les chemins de randonnée pédestre. Un agriculteur doit toujours partir du principe que les utilisateurs des sentiers n’ont que peu de connaissances – voire aucune – sur le comportement à adopter avec des bovins. Il doit accorder une attention particulière aux pâturages où se trouvent des vaches allaitantes.
L’article 56 D. du Code des obligations stipule par ailleurs qu’en principe, l’éleveur est toujours responsable des dommages causés par ses animaux. S’il est en mesure de prouver qu’il a fait tout son possible pour éviter le dommage, il peut au mieux se dégager de sa responsabilité. Cela vaut également durant l’été dans les alpages: si les animaux changent d’endroit, le responsable des lieux en devient le détenteur et endosse donc la responsabilité.
Une assurance complémentaire pour les animaux étrangers
C’est précisément à cause de ce dernier point que l’agriculteur de Campsut Luzi Stoffel s’est assuré une protection supplémentaire: «En tant que propriétaire d’alpage, j’ai aussi des animaux d’autres éleveurs en été, raison pour laquelle j’ai souscrit une assurance complémentaire pour les animaux d’autres propriétaires». Il affirme n’avoir connu aucun accident jusqu’à présent. «Mais j’ai déjà vu de loin des vaches attaquer le chien d’un groupe de randonneurs.» Le chien et les randonneurs ont pu s’échapper, précise-t-il.
L’Union suisse des paysans aide les éleveurs à prendre connaissance de leurs obligations et à les assumer. Les agriculteurs savent qu’«en tant qu’éleveurs et responsables d’alpages, ils ont également le devoir de prendre des mesures de précaution pour éviter tout incident avec les randonneurs», indique Sandra Helfenstein, porte-parole de l’organisation, qui précise que c’est le cas au moins depuis le jugement rendu en Autriche.
«Un décès tous les quatre à cinq ans»
L’Union suisse des paysans affirme ne pas savoir si le nombre d’incidents impliquant des vaches allaitantes et des randonneurs connaît une augmentation. L’organisation indique n’avoir «aucunement connaissance» de statistiques nationales. Suisse Rando observe une légère augmentation des retours concernant des vaches allaitantes. Ce constat doit néanmoins être relativisé, explique Patricia Cornali, porte-parole de l’organisation. «Il y a actuellement un nombre de randonneurs supérieur à la moyenne sur le réseau de sentiers de randonnée suisse.»
Le Service de prévention des accidents dans l’agriculture (SPAA) ne dispose pas non plus de statistiques réelles, mais a compilé des cas. «Au cours des dernières années, on a rapporté chaque année un à quatre accidents ayant occasionné des blessures graves», explique Cornelia Stelzer, chargée de sécurité, qui s’occupe de ces cas de figure. Par ailleurs, «un accident mortel se produit tous les quatre à cinq ans».
Comment se comporter avec des vaches allaitantes
Rester aussi loin que possible des animaux.
Ne pas nourrir ni toucher les veaux.
Garder les chiens en laisse, ces derniers pouvant rendre les vaches nerveuses.
Si une vache se montre agressive, quitter le pâturage, de préférence lentement et à reculons.