Justice GE Un cadre d'Exit jugé à Genève

ATS

14.10.2019 - 15:56

Pierre Beck, le vice-président d'Exit Suisse romande, estime n'avoir commis aucune infraction en aidant une octogénaire à s'en aller rejoindre son mari dans la mort.
Pierre Beck, le vice-président d'Exit Suisse romande, estime n'avoir commis aucune infraction en aidant une octogénaire à s'en aller rejoindre son mari dans la mort.
Source: KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI

La question du suicide assisté a occupé lundi le Tribunal de police de Genève. Le vice-président d'Exit Suisse romande Pierre Beck se trouvait sur le banc des accusés. En avril 2017, il avait aidé une octogénaire en pleine santé à mourir. Le verdict sera rendu jeudi.

La vieille dame de 86 ans voulait quitter ce monde en même temps que son mari, gravement malade. Le couple avait fait appel à Exit. Pierre Beck, médecin à la retraite de 74 ans, avait accédé au voeu de l'octogénaire de rejoindre son mari dans la mort. Il lui a prescrit du pentobarbital de sodium, qu'elle a absorbé.

Pour cet acte, Pierre Beck a été reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (LPTh) par le Ministère public genevois et condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende. M.Beck s'est opposé à cette ordonnance de condamnation, ce qui a amené l'affaire devant le Tribunal de police.

Un choix longuement pensé

Cette dame était très déterminée, très carrée, a expliqué Pierre Beck devant le tribunal. Elle avait fait le choix de mourir avec son mari. Elle ne supportait pas l'idée de vivre sans lui. Plusieurs fois, elle a souligné qu'elle se suiciderait de toute façon, si on ne lui permettait pas de mourir en même temps que son conjoint.

«Dans cette affaire, j'ai un peu outrepassé les critères de l'assistance au suicide fixés par Exit», a admis le prévenu. Le cas a fait l'objet de débats au sein de l'association d'aide au suicide et les avis étaient partagés. «J'ai finalement reçu un blâme», a souligné l'ancien médecin.

Le prévenu ne regrette cependant rien. Il n'a pas exclu que, placé dans une situation analogue, il reprendrait la même décision. «Je suis convaincu que cette dame souffrait intensément» et qu'elle allait passer à l'acte en se suicidant violemment une fois son mari disparu, a précisé Pierre Beck.

Le procureur Frédéric Scheidegger a, de son côté, demandé au tribunal de confirmer l'ordonnance de condamnation émise par le Ministère public. Aux yeux du magistrat, l'aide au suicide pour des raisons existentielles n'entre pas dans le cadre de ce que prévoit la législation suisse.

Le procureur estime en effet difficile de fixer des limites. Peut-on assister un adolescent en proie au spleen, faut-il avoir soixante ans ou plus pour obtenir l'aide au suicide, s'est-il interrogé. A ses yeux, dans ce domaine, les frontières ne peuvent pas être fixées selon la conscience de chacun.

Yves Grandjean, l'avocat de Pierre Beck, a rappelé plusieurs cas de suicide assisté où les personnes n'étaient pas mourantes et où nul n'a été inquiété, ni condamné. L'objectif est de proposer une fin digne aux gens qui le souhaitent. Le corps médical a encore peine à admettre que des personnes souhaitent mourir, a-t-il rappelé.

Atteinte à la paix des morts

Pour M.Grandjean, qui réclame l'acquittement de son client, prononcer une condamnation dans cette affaire relèverait d'une atteinte à la paix des morts. Selon lui, Pierre Beck n'a fait qu'agir en faveur «d'une décision mûrement réfléchie». Et l'avocat de rappeler que la souffrance psychique existe.

A l'issue des débats, le prévenu a lu des extraits d'une lettre que la défunte octogénaire lui avait écrite avant de mourir et qu'il a reçue le lendemain de son suicide. «Nous sommes partis pour un long voyage», raconte la vieille dame. Elle demande aussi aux gens qui pensent aujourd'hui à elle et son mari de sourire.

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