Pas tout à fait Un vaccin et la question est réglée? Pas tout à fait

de Gil Bieler

14.1.2021

Beaucoup espèrent que la vaccination contre le coronavirus permettra enfin un retour à la vie d’avant la pandémie. La recherche nous montre que cette approche est quelque peu réductrice – mais qu’il y a néanmoins des raisons d’être optimiste.

Pouvoir se détendre face à la pandémie: tel est le souhait de beaucoup d’entre nous.
Pouvoir se détendre face à la pandémie: tel est le souhait de beaucoup d’entre nous.
Keystone

Ceux qui ont guéri d’une infection au coronavirus entendent souvent leur entourage leur dire des phrases comme «Au moins, c’est derrière toi maintenant» ou encore «Au moins, maintenant, tu n’as plus à faire autant attention».

L’idée derrière cela est qu’après avoir été contaminé, on est immunisé contre le virus et on peut aborder les mesures d’hygiène et de protection avec plus de légèreté. De nombreuses personnes qui se font désormais vacciner contre le virus nourrissent probablement le même espoir: deux piqûres dans le haut du bras et c’est enfin le retour à une vie normale.

Est-ce vraiment aussi simple que cela? En effet, en ce qui concerne l’immunité au coronavirus – que ce soit après avoir été contaminé ou vacciné –, de nombreuses questions restent sans réponse malgré tous les travaux de recherche, même sur des aspects très fondamentaux.

La solidarité plutôt que la responsabilité individuelle

Tout d’abord, on peut bien sûr se demander pourquoi il faut continuer de respecter les mesures de protection après avoir guéri d’une infection ou s’être fait vacciner. La réponse est simple: pour le bien de ses semblables. En effet, même lorsque l’on est soi-même assez bien protégé contre le virus après avoir été vacciné ou contaminé, il se pourrait que l’on soit encore à même de le propager.

A l’heure actuelle, on ne sait pas si la vaccination empêche également la transmission du virus, comme le confirme Daniel Speiser, immunologiste à l’université de Lausanne et membre du groupe de travail COVID-19 de la Confédération, interrogé par «blue News».



Il faut également rappeler que tout le monde ne peut pas être protégé par la vaccination. Celle-ci est par exemple déconseillée aux femmes enceintes pour le moment, car les risques pour la santé n’ont pas encore fait l’objet de recherches. La vaccination n’est pas non plus envisageable pour les personnes dont le système immunitaire est affaibli ou qui souffrent de certaines allergies, ni pour les enfants de moins de 16 ans. La notion très répandue de «responsabilité individuelle» peut nous faire oublier que la solidarité entre également en ligne de compte, affirme Daniel Speiser. «Nous devons surmonter cette pandémie ensemble.»

Il est également possible d’être contaminé plusieurs fois

Bien entendu, l’intérêt personnel entre également en jeu: en effet, il est possible de contracter le coronavirus plusieurs fois. Néanmoins, on ne sait toujours pas à quelle fréquence cela se produit et si une deuxième contamination entraîne une forme plus grave, comme l’a indiqué Maria Van Kerkhove, l’une des principales expertes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de COVID-19, dans un podcast diffusé en fin d’année. «Nous essayons d’en savoir plus sur chaque cas de réinfection et sur la réaction des anticorps de l’organisme lors de la première infection et de la deuxième.»

La fréquence de ces réinfections n’est pas connue. Mais selon l’immunologiste Daniel Speiser, il est probable qu’elles soient relativement courantes: «Si l’on présente à nouveau des symptômes après avoir été infecté une première fois, il s’agit vraisemblablement d’une réinfection.» Cependant, étant donné la complexité de la vérification par l’analyse des séquences de virus, celle-ci n’est effectuée que dans de très rares cas.

Interrogé par «blue News», l’OFSP indique avoir connaissance de cas présentant plusieurs tests positifs. «Toutefois, cela ne confirme pas qu’il s’agit d’une réinfection. Des études détaillées, comme le séquençage du virus, devraient être effectuées dans cette optique», affirme Daniel Dauwalder, porte-parole de l’OFSP, qui précise que ces cas ne font pas l’objet d’un suivi statistique.

Maria Van Kerkhove, experte à l’OMS, aborde des questions liées à l’immunité au coronavirus (en anglais uniquement).

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Il est également possible qu’une personne soit infectée plusieurs fois par un seul et même agent pathogène. Sehaam Khan et Saurabh Sinha, de l’université de Johannesbourg, décrivent ce processus comme suit: le coronavirus pénètre dans l’organisme et déclenche l’apparition de la maladie, mais au bout d’un certain temps, il devient inactif – jusqu’à ce qu’il déclenche plus tard une réapparition de la maladie. Ce sursaut pourrait s’expliquer par le fait que le système immunitaire n’est capable de se défendre contre le virus que pendant un certain laps de temps. Ce qui nous amène à la question suivante: combien de temps dure réellement l’immunité?

Les signaux prometteurs de la recherche

Commençons par l’immunité acquise après avoir guéri du COVID-19: selon l’OMS, la durée et la force de cette immunité n’ont pas encore été clarifiées de manière concluante. Ainsi, on ne sait pas s’il existe une différence selon qu’une personne infectée développe une forme grave, légère ou asymptomatique. Une bonne nouvelle est toutefois communiquée par l’OMS: «Même les personnes asymptomatiques semblent développer une réponse immunitaire.»

L’OFSP emploie également une formulation prudente: «Si vous avez été infecté par le nouveau coronavirus et avez développé des anticorps, vous êtes probablement protégé contre une nouvelle infection.» Néanmoins, la durée de cette protection reste à déterminer.

Et qu’en est-il de l’immunité après la vaccination? Ici aussi, ni la Confédération, ni les fabricants ne sont en mesure d’indiquer à ce stade combien de temps exactement l’effet protecteur durera. Il en va de même pour le vaccin Pfizer/BioNTech sur lequel mise la Suisse. L’OFSP n’exclut donc pas la possibilité qu’une vaccination annuelle contre le coronavirus – comme dans le cas de la grippe – soit nécessaire pour les groupes à risque.

Pour Daniel Speiser de l’université de Lausanne, «Il ne faut pas s’alarmer de telles incertitudes». Il a déjà été démontré que les défenses du système immunitaire durent plusieurs mois après une infection, précise-t-il. Par ailleurs, affirme-t-il, «l’effet de la vaccination est probablement encore meilleur». En outre, ajoute l’immunologiste, l’effet protecteur est étroitement surveillé, de sorte que tout déclin puisse être détecté à temps et qu’une réponse rapide puisse être apportée – très probablement par des vaccinations supplémentaires.



La recherche est parvenue dernièrement à d’autres conclusions positives: une étude réalisée par une équipe de scientifiques américains a permis de découvrir des signes indiquant que le système immunitaire peut se souvenir du virus jusqu’à huit mois après une infection. C’est ce que rapporte une équipe de l’Institut d’immunologie de La Jolla, en Californie, dirigée par Jennifer Dan, dans la revue scientifique «Science».

Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont examiné les échantillons de sang de 188 sujets qui avaient contracté le coronavirus; 43 des participants à l’étude ont été suivis pendant six mois ou plus. Les anticorps importants ont été trouvés dans 90% des échantillons, même après au moins six mois. Des écarts considérables ont toutefois été observés entre les différentes personnes testées – certaines valeurs pouvant être jusqu’à 200 fois plus élevées chez certains patients que chez d’autres. Des études complémentaires doivent permettre de déterminer ce que cela implique en matière d’immunité.

Tout le monde attend l’été

Même si de nombreuses incertitudes subsistent, Daniel Speiser estime qu’«il ne fait aucun doute qu’il faut vacciner le plus grand nombre de personnes possible». Selon les experts, la vaccination prévient le risque de contracter une forme grave de la maladie – et peut sauver des vies: bien que la maladie se manifeste généralement sous une forme légère, plus de 7500 personnes sont mortes en Suisse des suites du coronavirus. La vaccination contribue ainsi à alléger la charge du système de santé.

Par ailleurs, l’OFSP soutient que la vaccination aide à «limiter les effets négatifs de la pandémie de coronavirus sur les plans sanitaire, psychique, social et économique». Le retour à la normale tant attendu a donc peu de chances de se produire sans vaccination.

En Suisse, les espoirs sont désormais tournés vers l’été: d’ici là, tous ceux qui le souhaitent devraient avoir été vaccinés, selon la stratégie de vaccination de la Confédération. L’évolution future de la pandémie indiquera le niveau de normalité qui sera alors envisageable, indique Daniel Speiser.

Il décrit le meilleur scénario comme suit: 60 à 70% de la population serait vaccinée et le vaccin se révélerait efficace en empêchant la propagation du virus. «On pourrait alors de nouveau se détendre pour beaucoup de choses.»

Selon l’expert, la campagne de vaccination suisse a pris un bon départ, même si des améliorations sont encore possibles sur le plan logistique. En outre, le vaccin Moderna, qui pourra également être administré par les médecins généralistes, devrait bientôt être disponible comme deuxième vaccin. Contrairement au vaccin Pfizer/BioNTech, le vaccin Moderna n’a pas besoin d’être conservé à -70 °C. Tout cela devrait entraîner une réduction du nombre de cas graves et de décès dans un avenir prévisible, estime Daniel Speiser, pour qui «il y a des raisons d’être optimiste».

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