Revers et luttes intestines Une décennie compliquée pour l'UDC Vaud

nt, ats

30.8.2021 - 10:24

Le 6 septembre 2011, Vaud pleurait la disparition brutale du conseiller d'Etat Jean-Claude Mermoud. L'UDC a depuis échoué à quatre reprises à réintégrer le gouvernement cantonal. Faiblesse dans les villes, guerres de pouvoir, problèmes de relève et entente de droite en berne expliquent ces revers.

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«Sans la ville de Lausanne lors des élections de 2017, nous avions un conseiller d'Etat», calcule Kevin Grangier, président de l'UDC Vaud.
«Sans la ville de Lausanne lors des élections de 2017, nous avions un conseiller d'Etat», calcule Kevin Grangier, président de l'UDC Vaud.
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Pour le professeur en sciences politiques à l'Université de Lausanne (UNIL) Oscar Mazzoleni, l'UDC n'a pas réussi à trouver l'équilibre entre sa tradition agrarienne modérée et le courant blochérien. «Elle a des personnalités qui se trouvent soit d'un côté, soit de l'autre. Il est difficile de combiner les deux facettes de manière crédible», note-t-il.

«Ce qui ressort du résultat des élections cantonales, c'est un parti assez fort dans les campagnes et qui a de la peine dans les villes», poursuit-il. Un constat qui peut d'ailleurs être étendu à toute la Suisse romande.

Kevin Grangier, président de l'UDC Vaud, ne dit pas autre chose: «Sans la ville de Lausanne lors des élections de 2017, nous avions un conseiller d'Etat», calcule-t-il. «Il nous a manqué 6500 voix dans l’ensemble du canton, et nous en avons perdu 6’900 dans la capitale».

Guerres de pouvoir

En outre, les affaires Voiblet et Despot ont marqué durablement le parti et l'ont obligé à mettre en place une relève importante. Celle-ci n'offre cependant pas de garantie en terme d'expérience, estime M.Mazzoleni.

Kevin Grangier ajoute: «Indépendamment des crises, la réalité, c'est que nous avons eu un problème de renouvellement. Jean-Claude Mermoud est décédé subitement six mois avant les élections cantonales. Il avait cependant déjà annoncé qu'il ne se représenterait plus au Conseil d'Etat et qu'il visait le Conseil des Etats.

«Déjà à l'époque, le parti n'avait pas pu générer une relève naturelle, comme elle peut exister dans d'autres partis (PLR, PS). Cela a engendré une querelle de succession», reconnaît M.Grangier.

Trouver la voie

Le parti a également changé très souvent de présidence: un reflet des incertitudes, des conflits internes, des difficultés à trouver sa voie, selon le politologue. La ligne politique choisie en subit les conséquences.

À l'interne même de la formation, le consensus est difficile à trouver. Et de citer en exemple la candidature pour l'élection complémentaire au Conseil d'Etat de 2019: le choix entre le député Philippe Jobin et le préfet du Gros-de-Vaud Pascal Dessauges a été compliqué. «Lorsque 30 à 40% d'un parti ne se rallie pas à un candidat, les effets se font sentir à l'extérieur», observe le professeur.

Suffisamment connu

Par ailleurs, pour gagner un siège au gouvernement, il faut une personnalité suffisamment charismatique et connue. «Claude-Alain Voiblet l'était, bien que 'hors sol'. Il était capable de faire la une. Ces personnalités, il n'en existe pas beaucoup», note M.Mazzoleni.

Candidat en 2012, Claude-Alain Voiblet a en effet été le plus proche d'un siège au Conseil d'Etat, souligne Kevin Grangier. «Pierre-Yves Rapaz, Pascal Dessauges, Jacques Nicolet viennent du secteur primaire. Ils n'ont pas été suffisamment en mesure de capter les voix citadines», estime-t-il.

Selon le politologue à l'UNIL René Knüsel, «Jean-Claude Mermoud était «le dernier à faire l'unanimité. Venant de la campagne, il avait des pratiques rassembleuses». Pendant treize ans, il a d'ailleurs été le seul représentant de l'UDC dans un exécutif romand.

Alliance qui s'étiole

Enfin, l'alliance avec le cousin PLR s'est effilochée. L'UDC est davantage une concurrente qu'une amie pour le PLR. Ce dernier dispose d'un électorat plus fort et souvent réticent à voter UDC ou exigeant des candidats «PLR compatibles». «Jouer l'opposition ferme tout en étant proche du PLR, c'est la quadrature du cercle», observe M. Knüsel.

Kevin Grangier en revient à l'histoire. «L'UDC avait aligné depuis 1962 un demi-siècle de présence au Conseil d'Etat dans le cadre de l'Entente vaudoise, qui réunissait alors l'UDC, le Parti libéral et le Parti radical. L'alliance faisait du sens quand on avait une majorité gouvernementale. Aujourd'hui, le PLR est devenu un allié objectif du PS au Conseil d'Etat», déplore-t-il.

La prochaine fois la bonne

«Ce qui change, c'est que la nouvelle génération à l'UDC est décomplexée. Elle ne se sent plus bloquée par un jeu d’alliance qui ne repose plus sur une majorité», affirme M.Grangier. L'UDC partira d'ailleurs probablement seule au premier tour des élections du Conseil d'Etat en 2022.

«Le socle de base du parti qui pesait 16% lors des dernières élections cantonales est solide. Notre label est bien positionné, cela reste notre atout», estime le président de la section cantonale.

«Ce qui a manqué, ce sont des personnalités suffisamment reconnues tant dans les villes que dans les campagnes», résume Kevin Grangier. Il se dit persuadé que le conseiller national Michaël Buffat, qui s'est lancé dans la course au Conseil d'Etat, est cet homme.