Etude inéditeCes nouvelles pubs qui incitent les enfants à manger des sucreries
zd, ats
19.3.2021 - 10:00
Les nouvelles stratégies publicitaires sur les réseaux sociaux incitent les enfants à manger des produits industriels sucrés. Ces habitudes affecteront aussi leur vie d'adulte, prévient Promotion Santé Valais à l'origine d'une étude inédite en Suisse sur le sujet.
Keystone-SDA, zd, ats
19.03.2021, 10:00
19.03.2021, 14:04
ATS
Un nouveau concept marketing ciblant les enfants sur YouTube a pris de l’ampleur ces dernières années, explique l’organisme de référence en Valais en matière de prévention, de promotion de la santé et de thérapie pulmonaire. Ce phénomène, appelé «kids unboxing», met en scène des «kidfluencers» – de très jeunes influenceurs – qui déballent, utilisent ou présentent des produits reçus de différentes industries, dont l’industrie alimentaire.
Préoccupé par ces nouvelles stratégies publicitaires, Promotion santé Valais a mandaté la HEG Arc Neuchâtel pour mener une étude neuromarketing auprès de 90 enfants majoritairement Valaisans âgés de 4 à 13 ans. L'objectif était d'identifier les mécanismes neuronaux et les zones cérébrales utilisées ou non par les consommateurs face à une vidéo, pour en comprendre les comportements qui en découlent.
Lien affectif avec les influenceurs
Premier constat: «Ces vidéos ne sont pas perçues par les enfants comme des publicités alors qu'ils savent faire la différence lorsque ces dernières apparaissent sur des affiches ou à la télévision, soit dans des endroits balisés», indique Julien Intartaglia, doyen de l’Institut de la communication et du marketing expérientiel de l'HEG Arc et auteur de cette étude.
Les enfants développent même un lien affectif avec les influenceurs de leur âge et la marque fait alors son entrée dans l'univers des jeunes consommateurs tout en douceur. Mais pour le long terme. On estime, en effet, que «la moitié des marques que l'on consomme enfant font par la suite partie de notre vie d'adulte», relève le chercheur.
Une étude montre que «95% de notre apprentissage dans le domaine de la consommation est inconscient», explique Julien Intartaglia. L'impact de cette «publicité clandestine accueillie sans filtre ou scepticisme» est donc d'autant plus fort. Pour que les enfants conscientisent ces éléments, il recommande la mise en place de programme de sensibilisation à ce marketing d'influence beaucoup plus insidieux auprès des élèves de 1H à 10H.
Le sucre associé à la détente
Deuxième constat: le taux d'attention des plus jeunes enfants (4 à 6 ans) concernant les produits alimentaires sucrés est particulièrement élevé. «Ce que nous avons constaté en mesurant le mouvement des yeux des participants grâce à des lunettes spéciales et d'un casque qui mesure l'activité émotionnelle du cerveau», détaille Julien Intartaglia.
L’enquête révèle aussi que l'exposition à ces vidéos n'influence pas directement le choix du produit mais suscite l'envie de manger. De surcroît des aliments sucrés. L'analyse de l'activité cérébrale de l'enfant devant une vidéo de type «kids unboxing» montre que celle-ci est assimilée à une activité de détente et de plaisir.
Sachant que la mémoire se rappelle de ce ressenti agréable, «le risque serait qu'une fois adulte, le jeune se soit habitué à manger sucré quand il a faim ou qu'il cherche la détente», résume Julien Intartaglia. Il rappelle que les habitudes alimentaires se créent dès le plus jeune âge et constituent un véritable enjeu de santé publique.
Marketing de coup de pouce
«On ne change pas dix, vingt, trente ans d'habitude avec une sensibilisation d'une semaine, il faut mettre en place une stratégie permanente», réagit l'auteur de l'étude. Il appelle les autorités à faire appel à du marketing incitatif, c'est-à-dire à lui donner un coup de pouce pour qu'il choisisse de lui-même le meilleur comportement possible avec le minimum d'effort intellectuel.
«Cette méthode appelée 'nudge marketing' permet de travailler sur les comportements de manière plus efficace et durable et ce quel que soit l'objet envisagé car elle ne contraint pas l'individu». Elle se déploie par ailleurs dans un registre relevant du ludique et de l'émotionnel.
Mais il faut s'y atteler rapidement, relève Julien Intartaglia. Sur les 4,45 milliards de francs dédiés à la publicité en 2019 en Suisse, environ 40% des investissements sont allés au digital. D'ici 2023, entre 60-65% des 790 milliards dépensés en la matière dans le monde financeront des pubs sur le net.