Repas de famille Cinq astuces pour éviter que la fête vire au pugilat

Gil Bieler

23.12.2022

La nuit pourrait ne pas être aussi douce que dans la chanson: Dans de nombreuses familles, le ton monte dès que tout le monde est réuni dans la même pièce. Des experts révèlent comment préserver la paix à table, au moins pendant les fêtes.

Image de la série Cristela- ABC (Photo by Adam Taylor/Walt Disney Television via Getty Images via Getty Images)
Image de la série Cristela- ABC (Photo by Adam Taylor/Walt Disney Television via Getty Images via Getty Images)
Getty Images

Gil Bieler

Noël chez les Meier. La table est joliment préparée, le repas de fête est déjà prêt, fumant. Dehors, la neige tombe - et à l'intérieur, les querelles volent.

Dans de nombreuses familles, les disputes font partie du décor lorsque parents, enfants, grands-parents, oncles et tantes se retrouvent autour d'une table. Cela peut vite gâcher la soirée. Mais les disputes ne sont pas une loi de la nature : le pire peut être évité -ou du moins endigué - si l'on sait comment s'y prendre. 

Conseil n°1: Communiquer en disant «je»

Markus Pfäffli est un spécialiste du domaine. En tant que coach, il conseille les couples, les familles et les cadres en matière de gestion des conflits. La plus grande erreur dans les situations de dispute? L'expert n'hésite pas longtemps: Lorsque quelqu'un utilise des messages en «tu» au lieu de messages en «je». «Je parle alors de l'autre au lieu de parler de moi».

Par exemple, des actions de protestation pour le climat. L'oncle Meier les voit avec plus de scepticisme que sa nièce et lui dit : «Tu es une rêveuse, tu finiras bien par retomber sur terre».

Selon Markus Pfäffli, il vaudrait mieux que l'oncle dise : «Je ne comprends pas à quoi servent ces protestations pour le climat». 

Une astuce apparemment simple, mais qui fait une grande différence : «Chacun a sa propre réalité. Il n'est donc pas utile de réfléchir à haute voix à ce qui se passe chez l'autre et à ce qu'il pourrait représenter», explique-t-il. Autre problème des messages en «tu» : «L'autre personne se sent stigmatisée et doit se justifier». Avec les messages en «je», en revanche, on offre d'abord à l'interlocuteur la possibilité de réagir à ce qui a été dit - ou de ne pas le faire.

Conseil n°2: Savoir tirer le frein d'urgence 

À la table des Meier, la maîtrise de soi fait défaut. L'oncle et la nièce se prennent de bec mutuellement en un temps record. Ils sont de plus en plus bruyants, le ton de plus en plus agressif. Que faire?

«Arrêter la conversation», conseille le spécialiste. Toutes les personnes présentes peuvent le faire, ajoute-t-il. «On peut en convenir à l'avance : Si une dispute s'envenime, on l'interrompt». Ainsi, un cadre est fixé à l'avance et, dans l'idéal, personne n'est lésé lorsque la discussion est vraiment stoppée.

Mais il est important de convenir d'un moment où la discussion se poursuivra. «C'est aussi une marque de respect. De cette manière, mon interlocuteur se sent pris au sérieux et il est clair que seul le moment n'est pas approprié».

Conseil n°3: Fixer des tabous légitimes

S'il y a des sujets de friction connus autour de la table - par exemple une vieille querelle d'héritage - on peut les déclarer tabous. Il vaut mieux régler ce genre de questions à l'avance plutôt que dans le feu de la joute verbale. «Il faut battre le fer tant qu'il est encore froid», dit Markus Pfäffli.

Guy Bodenmann, professeur à l'Institut de psychologie de l'Université de Zurich et spécialisé dans la thérapie de couple et de famille, est du même avis: «Oui, il y a des moments où il faut mettre de côté les sujets de conflit et les reprendre à une occasion ultérieure». Les fêtes de fin d'année constituent des rituels familiaux importants que le couple et la famille doivent pouvoir vivre en toute sérénité.

Conseil n°4: Préférer la fuite à l'explosion

Chez les Meier, toutes les bonnes résolutions ne servent à rien. Entre l'oncle et la nièce, le torchon brûle. Pour de bon. L'ambiance à table devient désagréable.

Dans cette situation, on peut tout à fait inviter les belligérants à poursuivre leur querelle dans une autre pièce. «Je peux faire remarquer que je ne suis pas venu pour ça et que les autres invités aimeraient se consacrer à d'autres sujets», explique Markus Pfäffli.

Et que faire si l'on est soi-même attaqué sans cesse par son vis-à-vis ? Dans ce cas, l'expert conseille la distance: «Rien ne s'oppose à ce que je quitte brièvement la pièce jusqu'à ce que l'autre se soit calmé et soit à nouveau réceptif à mes propos». Un geste de la main du type: «temps mort» peut également contribuer à une désescalade.

Conseil n°5: Accepter que l'harmonie ne règne pas toujours

La guerre ouverte chez les Meier a fini par se calmer. L'oncle et la nièce partagent même le dessert. Un miracle de Noël. «Nous sommes déjà une tribu querelleuse», dit la tante en secouant la tête. Et elle se demande : est-ce que les autres familles se comportent comme dans un film Disney ?

Bien sûr que non. Les divergences d'opinion ont le droit d'exister, affirme Markus Pfäffli. «On peut aussi se mettre en colère, tant que cela reste respectueux». Mais si quelqu'un se montre méprisant, abusif ou blessant, alors la discussion bascule dans une dispute empoisonnée.

Pour la paix de la table, on peut balayer les différences sous le tapis le temps d'une soirée. Mais à plus long terme - par exemple dans un couple - il est préférable d'aborder activement les conflits, explique le professeur Guy Bodenmann: «Si on le fait tôt, on augmente les chances que l'énergie négative accumulée ne soit pas déjà considérable, ce qui permet de rendre la discussion plus constructive».

Plus on attend pour le faire, plus la frustration, la déception et la souffrance augmentent et plus il devient difficile de réguler ses émotions négatives. Avec des conséquences fâcheuses : «La tendance à la généralisation augmente, on commence à douter du caractère de l'autre et à se considérer comme une victime. Dans cette attitude, il est difficile de vouloir entendre les deux points de vue et de se rencontrer de manière équitable et constructive», décortique le professeur zurichois.

Dans le cadre d'une étude à long terme, le chercheur a examiné avec des collègues de l'université de Zurich comment les couples gèrent le stress et a analysé leur culture de la dispute. Une conclusion: même les couples heureux se disputent, mais ils gèrent cela différemment des couples malheureux.

Il n'existe d'ailleurs pas de manière typiquement suisse de se disputer, comme le fameux «poing dans la poche». Cela varie d'un couple à l'autre. Et d'ajouter: «Avec sa forte proportion de partenariats binationaux, la Suisse n'a plus de contexte culturel uniforme qui se refléterait dans des modèles de dispute collectifs».

Ah oui, se souvient maintenant la nièce Meier: en fait, elle voulait encore parler de son nouveau béguin, qu'elle a rencontré lors de sa dernière manif pour le climat. Peut-être après la glace...