Ecrans, plaisir solitaire, rejet des injonctions Les Français font moins l'amour (et l'assument)

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6.2.2024 - 07:01

(ETX Daily Up) – Pour ou contre une vie de couple sans sexe? Si la perspective d'une union platonique pouvait prêter à sourire, ou ne pas être assumée, il y a quarante ans, elle ne poserait aujourd'hui aucun problème à près d'un Français sur deux. C'est ce qui ressort d'un sondage qui s'est penché sur la sexualité de la population française, mettant en lumière un certain désintérêt pour les relations charnelles, au point que les auteurs parlent de «sex recession».

Les Français se désintéressent doucement mais sûrement de la sexualité, d'après un sondage.
Les Français se désintéressent doucement mais sûrement de la sexualité, d'après un sondage.
martin-dm / Getty Images

ETX Studio

S'il parait réducteur d'associer la baisse de la natalité à la fréquence des rapports sexuels d'une population donnée, il n'en demeure pas moins important de se pencher sur l'évolution de son activité sexuelle, un facteur à prendre en compte parmi bien d'autres. C'est tout l'objet d'une étude réalisée par l'Ifop dans le cadre de l’observatoire LELO sur la sexualité des Français, menée auprès de près de 2.000 personnes âgées de 18 ans et plus. Il en ressort un certain désintérêt pour les relations charnelles dans l'Hexagone, une propension à privilégier les écrans au détriment du sexe, mais aussi un rejet de la part des femmes des nombreuses injonctions qui entourent le «devoir conjugal».

Une activité sexuelle en berne

Premier enseignement et non des moindres, la part de Français ayant eu une relation charnelle au cours des douze derniers mois n'a jamais été aussi faible depuis les années 1970. A peine plus des trois quarts des personnes interrogées sont concernées (76%), soit une baisse de 15 points par rapport à 2006 et 1992, et de 7 points par rapport à 1970. Notons que les chiffres ne diffèrent que très peu entre hommes et femmes, ces messieurs étant légèrement plus nombreux à se déclarer actifs sexuellement, à hauteur de 78% (contre 74% pour leurs homologues féminins). Si l'on s'intéresse désormais aux personnes inactives sexuellement au cours des douze derniers mois, on remarque que l'âge – contrairement aux idées reçues – est tout sauf un critère de distinction. Respectivement 35% et 39% des 50-59 ans et 60-69 ans se disent inactifs, soit une hausse significative de 25 et 16 points par rapport à 2006, mais l'inactivité sexuelle concerne également 28% des 18-24 ans, soit +23 points par rapport à 2006.

La fréquence des rapports sexuels a également baissé en France, à en croire les données présentées. En 2024, les Français confient avoir en moyenne 6,6 rapports charnels par mois, contre 8,8 en 1970. Notons que 40% des sondés concernés affirment avoir en moyenne moins de 5 rapports sexuels par mois, contre 28% qui estiment avoir entre 5 et 14 rapports mensuellement. Si l'on détaille encore plus, 43% des Français affirment avoir en moyenne un rapport sexuel par semaine, contre 58% en 2009. Cela concerne essentiellement les 25-34 ans (65%) et les 35-49 ans (59%) tandis qu'un jeune sur deux (52% des 18-24 ans) déclare avoir un rapport charnel par semaine. Notons que, contrairement aux idées reçues, être en couple ne signifie pas forcément être actif sur le plan sexuel. Près d'un Français sur cinq (16%) affirme être en couple et ne pas (ou plus) avoir de rapports sexuels.

La sexualité, pas primordiale

Charge mentale, stress, fatigue, et autres comportements routiniers: l'inactivité sexuelle peut s'expliquer par de nombreux facteurs, mais il semblerait que les Français se désengagent et/ou se désintéressent simplement de la sexualité. A peine plus des deux tiers des répondants (68%) considèrent la sexualité comme une chose importante dans leur vie, dont 49% qui la voient comme «assez importante». Si l'on se penche sur le cas des femmes, seulement 62% d'entre elles estiment qu'il s'agit d'une chose importante, contre 82% en 2006 et en 1996. Et toutes les classes d'âge accordent aujourd'hui moins d'importance à la sexualité qu'il y a 18 ans, à commencer par les 50-64 ans (-25 points), les 35-49 ans (-19 points), ou encore les 18-24 ans (-13 points).

Résultat, l'amour platonique n'est plus considéré comme hors normes. Près d'un Français sur deux (49%) confie même pouvoir poursuivre une relation sans sexe, dont 54% des femmes et 42% des hommes. Encore une fois, les jeunes ne se présentent pas comme une catégorie à part, loin de là: plus de quatre sondés âgés de 18-29 ans sur dix pourraient cultiver une relation sans le moindre rapport charnel. Notons également que 69% des femmes et 48% des hommes n'estiment pas difficile le fait de ne pas avoir de rapports sexuels.

Parmi les raisons qui pourraient expliquer cette hausse de l'inactivité sexuelle, pourrait figurer le rejet massif de la part des femmes de toutes les injonctions qui ont trait au devoir conjugal. Le sondage révèle que plus de la moitié des sondées (52%) font parfois l'amour sans en avoir envie, contre 55% en 2000 et 76% en 1981. «Si le devoir conjugal n’a pas totalement disparu, cette enquête met en exergue la proportion croissante de Français(es) qui parviennent à s’affranchir d’une certaine 'normalité sexuelle' et tout particulièrement des injonctions sociales qui lient forcément le couple à une vie sexuelle intensive», explique François Kraus, de l'Ifop. Notons que les femmes, comme les hommes, le font pour ne pas vexer leur partenaire (87%), mais aussi car ils estiment que le sexe est primordial pour cultiver la flamme (79%).

Netflix fait écran au sexe

Mais les écrans et autres activités numériques (à quelques exceptions près) nuisent aussi à l'activité sexuelle. D'après le sondage, trois Français sur dix ont déjà évité ou reporté un rapport sexuel pour regarder une série ou un film, dont 50% des hommes en couple âgés de moins de 35 ans. Le constat est le même concernant la lecture d'un livre ou d'un article (27% de la population générale, 43% des jeunes hommes en couple), les réseaux sociaux (24% de la population, 48% des jeunes hommes en couple), ou encore les jeux vidéo (23% de la population, 53% des jeunes hommes en couple).

D'autres vont rechercher le plaisir ailleurs, notamment en solitaire. Trois Français sur dix affirment avoir privilégié la masturbation manuelle à un rapport sexuel, 32% la masturbation via des images et vidéos pornographiques, 40% un rapport charnel avec un autre partenaire, et 34% la masturbation avec un sextoy.

*Cette étude a été réalisée par l'Ifop pour LELO par questionnaire auto-administré en ligne du 29 décembre 2023 au 2 janvier 2024 auprès d’un échantillon de 1.911 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.