Entre complotisme et Fake Med Les dangereuses informations du documentaire «Hold-Up»

AFP

17.11.2020 - 09:03

Des comprimés de Plaquenil contenant de l'hydroxychloroquine en février 2020 à l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille
Des comprimés de Plaquenil contenant de l'hydroxychloroquine en février 2020 à l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille
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Vu des centaines de milliers de fois et relayé massivement sur les réseaux sociaux depuis mercredi, un documentaire baptisé «Hold-Up» déroule un argumentaire complotiste truffé d’au moins une trentaine de fausses affirmations, selon le travail de vérification de l'équipe AFP Factuel.

Voici les principales véhiculées dans la production audiovisuelle: 

Des masques «nids à microbes» inutiles

Des intervenants s’appuient notamment sur des propos du gouvernement qui, dans un premier temps, avait estimé qu’il n’était pas nécessaire pour le grand public d’en porter, avant de changer de doctrine.

Selon Astrid Stuckelberger, présentée comme une docteure en médecine, «l’OMS ne dit pas que tout le monde doit mettre un masque». C'est faux. L'Organisation mondiale de la Santé préconise bien le port du masque pour le grand public dans une note diffusée en juin. 

La dermatologue Claude Veres affirme que les masques chirurgicaux ne «sont pas très protecteurs» et que les masques en coton deviennent des «nids à microbes en quelques heures», deux théories déjà contredites par des experts à l’AFP. 

Les masques chirurgicaux permettent de limiter la diffusion du virus, surtout en protégeant les autres de nos propres postillons, selon plusieurs experts interrogés depuis mars. De nombreux autres spécialistes ont assuré que les masques dits «grand public» n’étaient pas dangereux pour la santé, quand ils étaient portés correctement. 

La Suède épargnée sans confinement

Les auteurs de cette production audiovisuelle comparent les pics de décès journaliers entre la France et la Suède, qui a mené une stratégie moins stricte que la plupart des pays européens face au coronavirus. Preuve selon les auteurs de l'inefficacité du confinement, la Suède comptait 115 morts par jour au plus fort de la crise mi-avril contre 1.483 en France.

Mais lorsque l'on rapporte ces chiffres à la population des deux pays, on s'aperçoit que les taux de mortalité sont assez proches et ce malgré une densité de population moindre en Suède, selon les données récoltées par l'AFP. 

Le Portugal, qui possède une population comparable à celle de la Suède et qui a mis en place un confinement strict au printemps, a un taux de mortalité deux fois inférieur à celui de la Suède. 

Hydroxychloroquine, Lancet et Rivotril

De nombreux intervenants affirment que l'hydroxychloroquine est un traitement contre le Covid, affirmant que ce médicament promus par Didier Raoult a prouvé son efficacité.

C’est faux. Depuis le début de l’épidémie, le professeur Raoult a bien rendu publiques plusieurs études mais elles ont été largement critiquées en raison de leurs problèmes méthodologiques importants. 

Depuis, d’autres études – comme le vaste essai britannique Recovery, la française Hycovid, ou Solidarity, menée dans le monde par l’OMS – sont parvenues à la conclusion que l'hydroxychloroquine n'est pas efficace contre le Covid-19. 

En diffusant un graphique des résultats préliminaires de l’essai français Discovery, le narrateur de «Hold-up» affirme que ce test a été annulé «pour faire barrage à l'hydroxychloroquine, qui affichait les meilleurs résultats intermédiaires».

Cette intox avait déjà été vérifiée par l’AFP. Les premiers résultats ne montraient en réalité «aucun effet» du traitement à l'hydroxychloroquine sur la maladie, selon l'épidémiologiste Dominique Costagliola, membre du comité de décision de Discovery.

Fin mai, la revue médicale The Lancet a publié une étude concluant à l'inefficacité et même à la dangerosité du traitement à l'hydroxychloroquine. Fait rarissime, cette étude a été retirée par certains de ses auteurs la semaine suivante en raison de doutes sur la fiabilité et l'origine des données médicales des patients utilisées dans l'étude.

Dans «Hold-up», le professeur Christian Perronne affirme qu’en «Suisse, en Asie et en Amérique», «un pic de mortalité» est survenu «pendant 2-3 semaines» sous «l’effet Lancet, quand les gens ont arrêté de prescrire».

Ces propos sont infondés. Les chiffres officiels de la mortalité des pays et régions concernées, compilés chaque jour par l’AFP, ne montrent pas de pic tendanciel de mortalité sur cette période.

Un peu plus tard, le pharmacien Serge Rader affirme que les patients âgés atteints du Covid-19 reçoivent une «seringue de Rivotril pour les achever complètement alors qu’ils étaient en détresse respiratoire».

Cette interprétation est fausse. Le Rivotril n’est pas utilisé pour «achever» les malades ou les «euthanasier», comme l’évoquaient déjà des intox démenties par l’AFP en avril.

Une conspiration mondiale

Ancien pharmacien, Jean-Bernard Fourtillan assure dans «Hold-Up» qu'un brevet avait déjà été déposé sur «les tests pour détecter la maladie Covid-19, le 13 octobre 2015», une affirmation déjà infirmée par l'AFP. 

Comme indiqué sur le site de l'Office européen des brevets, ce brevet a été actualisé en 2020 par son inventeur pour adapter la technologie initialement brevetée (des techniques d'analyse de données biométriques) à la détection du nouveau coronavirus.

M. Fourtillan affirme ensuite que le virus «a été fabriqué par l'Institut Pasteur», une fausse information vérifiée par l'AFP à plusieurs reprises et démentie par l'Institut. 

Cette infox repose sur un brevet déposé par l'Institut en 2004, or celui-ci porte sur le code génétique d'un virus cousin mais différent du SARS-CoV-2. Début novembre, la justice a condamné un internaute ayant diffusé une fausse information similaire pour «diffamation».

Retrouvez la liste complète des articles de vérification de l'AFP sur le Covid-19 sur le blog AFP FACTUEL: https://factuel.afp.com/le-coronavirus-les-verifications-faites-par-lafp

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