La crise est en crise La crise est en crise: quels enseignements la philosophie peut-elle nous apporter sur ce terme?

23.11.2020

Edgar Morin, invité de l'UNESCO pour les deux jours de webinaire consacrés à la Journée mondiale de la philosophie.
Edgar Morin, invité de l'UNESCO pour les deux jours de webinaire consacrés à la Journée mondiale de la philosophie.
Source: Relaxnews

La pandémie du Covid-19 est vécue comme une véritable crise de notre société. Et ce terme de «crise» est, selon certains philosophes, devenu un fourre-tout gigantesque dont on ne sait plus se tirer. 

Vendredi 20 novembre a clôturé l'édition 2020 de la Journée mondiale de la philosophie organisée par l'UNESCO en webinaire. Au programme, «mettre l'accent sur l'importance de la réflexion philosophique» en temps de crise autour de tables rondes et de masterclass, avec en conclusion, un entretien avec le sociologue Edgar Morin. Et bien que cette crise nous pousse à réfléchir sur nos modes de vie et nos modes de consommation, les philosophes n'ont pas attendu cette rupture pour analyser et remettre en question le sens du mot crise.

Partout il y a l'Homme, il y a crise

Les crises touchent l'ensemble des domaines et des activités humaines. Le même Edgar Morin faisait état d'un mot transverse aux disciplines et aux domaines dans «Pour une crisologie», texte publié dans la revue Communications en 1976. «Il n'est pas de domaine ou de problème qui ne soit hanté par l'idée de crise: le capitalisme, la société, le couple, la famille, les valeurs, la science, le droit...»

Quelques années avant lui, la philosophe Hannah Arendt en faisait également le constat dans «La Crise de la Culture» dont la première publication remonte à l'année 1961. «L'homme se tient sur une brèche, dans l'intervalle entre le passé révolu et l'avenir infigurable. Il ne peut s'y tenir que dans la mesure où il pense, brisant ainsi, par sa résistance aux forces du passé infini et du futur infini, le flux du temps indifférent», est-il écrit pour présenter l'ouvrage aux éditions Gallimard de 1989.

Penser et réfléchir la crise donc, comme elle se pense aujourd'hui lors des tables rondes organisées par l'UNESCO et depuis le début de la pandémie pour les secteurs les plus touchés comme ceux de la restauration ou de la culture.

La crise n'a plus de sens, vive la crise?

«Est-ce qu'en se généralisant, l'idée de crise ne s'est pas vidée de son sens originel?», demande la philosophe Myriam Revault d'Allonnes dans un article paru en mars/avril 2012 dans la revue Esprit. C'est en effet ce que constate Edgar Morin qui explique que «cette notion s'est vidée de l'intérieur».

Du grec krisis, la crise s'entend au sens «décision». Or, dans la réflexion des deux auteurs, le sens de crise où on l'entend aujourd'hui n'est plus à la décision mais à l'indécision. «Il sert à nommer l'innommable», précise Edgar Morin. Le sociologue dans son texte «Pour une crisologie» invite même à mettre la crise en crise pour en redessiner ses frontières... 

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