Conseils d'expertes«La ménopause est une phase de la vie, pas la fin de la vie»
Relax
19.10.2023 - 15:59
Comment passer l'étape de la ménopause sans trop souffrir des symptômes qui l'accompagnent? C'est la question à laquelle s'attèlent à répondre Isabelle Huot, docteure en nutrition, et Lyne Desautels, spécialiste en hormonothérapie bio-identique, dans l'ouvrage «Mieux vivre la ménopause». A l'occasion de la Journée mondiale dédiée à cette période de la vie d'une femme, les deux expertes délivrent leurs conseils et tentent de faire voler en éclats certaines idées reçues. Interview.
ETX Studio
19.10.2023, 15:59
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Contrairement aux idées reçues, la ménopause, tout du moins la première phase, n'intervient pas autour de 50 ans mais en moyenne 7 à 10 ans avant, et même jusqu'à 20 ans avant. Comment expliquer cette mésinformation?
Tout simplement parce qu'on se focalise strictement sur l’arrêt des règles alors que les hormones affectent tout notre être! La préménopause, ou périménopause (la première phase de la ménopause, ndlr), est la période qui entoure les déséquilibres hormonaux préalablement à la ménopause, et qui causent de nombreux symptômes dérangeants. Les hormones ne sont pas qu'une question de règles et de fertilité! On ne reconnait malheureusement pas assez bien leur implication et leur rôle multifonctionnel, ainsi que le fait que tout notre être peut être 'hormono-influencé'. L’importance est dans la balance, car elles s'attèlent entre elles à maintenir cet équilibre ou cette symphonie hormonale. J’aime bien l’expression de vivre sa vie en 'hormonie'. Les hormones sont de grandes régulatrices de la santé!
Vous expliquez qu'il s'agit de la phase la plus difficile de la ménopause. Quels sont les symptômes auxquels les femmes peuvent être confrontées dès la quarantaine?
C'est une période de confusion hormonale, des montagnes russes qui perturbent surtout la santé mentale et cognitive. La société étant très exigeante niveau performance et efficience, bien des femmes doivent être fonctionnelles et performantes alors que leurs hormones manquent progressivement à l’appel. Ce qui occasionne souvent de l’anxiété, de l’irritabilité, et même de l’émotivité incontrôlée affectant relations et organisation professionnelle et/ou personnelle. Les troubles du sommeil, les douleurs ou raideurs articulaires, la prise de poids et la perte d’estime de soi peuvent aussi être au rendez-vous cycliquement.
La ménopause peut entraîner un déséquilibre hormonal à l'origine de nombreux symptômes physiologiques, psychologiques et cognitifs, voire des troubles et des maladies. Comment y remédier?
Tout simplement en rééquilibrant les hormones. La préménopause est une phase de transition hormonale qui est sensible à notre mode de vie. Avoir une bonne hygiène de vie peut aider. Mais on peut aussi ramener l’équilibre grâce à certaines hormones, comme la progestérone (celle qui manque à l’appel en premier), et qui supplémentée de façon adéquate atténue beaucoup les montagnes russes hormonales. Cette hormone joue plusieurs rôles en dehors de l’utérus: elle calme, et permet de mieux dormir tout en passant cette phase de transition sans que ce ne soit la tempête.
Que peut apporter l'hormonothérapie dans le cadre de la ménopause?
Le concept d'hormonothérapie bio-identique favorise une approche personnalisée et considère chaque personne individuellement. Les attentes et les objectifs de la thérapie hormonale peuvent être différents pour chacune mais aident beaucoup de femmes à retrouver leur énergie, leur cerveau, leur libido et leur santé en général.
Avant même d'en arriver à ce type de traitements, certaines habitudes ou comportements permettent-ils de limiter le déséquilibre hormonal lié à la ménopause?
Oui, bien sûr. Avoir une bonne hygiène de vie et une alimentation saine, et faire de l’exercice régulièrement – ce qui limite les impacts du stress chronique sur ce déséquilibre hormonal – peuvent grandement atténuer l’intensité des symptômes de la préménopause. Il appartient à chacune de s’y préparer. Notre signature génétique peut très bien être influencée par notre style de vie, minimisant les risques de développer des maladies. Plus on s’y prépare jeune, moindres seront les conséquences d’un déséquilibre hormonal sur notre santé à long terme.
Vous l'avez dit, l'alimentation joue également un rôle important. Quels sont les meilleurs alliés de la ménopause?
Avoir une alimentation équilibrée est gage de santé à long terme, tant en matière de prévention des maladies chroniques que de santé métabolique. De toutes les approches, c'est la diète méditerranéenne qui l'emporte du côté de l'évidence scientifique. Dès la préménopause, certains aliments deviennent des alliés. C'est notamment le cas du soja, lequel contient des phytoestrogènes, des composantes retrouvées dans les végétaux qui ont une faible action oestrogénique et pallient, en partie, la chute hormonale. L'intégration quotidienne du soja peut réduire la fréquence et l'intensité des bouffées de chaleur, par exemple.
Au contraire, quels sont ceux qu'il est préférable de bannir, sinon de limiter?
Certains aliments et boissons précipitent les bouffées de chaleur comme le café, l'alcool et les mets épicés. En cette période de transition hormonale, mieux manger est plus important que jamais. On veut freiner le gain de poids associé à la ménopause et contrer la fatigue qui s'installe. En parallèle, on adapte l'alimentation pour diminuer les ballonnements et favoriser le sommeil. Bref, l'alimentation a un rôle très important sur la qualité de vie des femmes dès que les premiers symptômes se manifestent.
Tous ces conseils sont bien évidemment faits pour la plupart des femmes, mais il est aussi important de rappeler que certaines ne sont pas touchées par tous ces symptômes. Pourquoi la ménopause est-elle encore un sujet tabou?
J’oserais dire que c'est parce que ça touche les femmes. On a trop longtemps normalisé ou banalisé l’état des femmes. Elles souffraient en silence et enduraient le tout. Nous pouvons désormais exprimer ce que l’on vit et la réalité des femmes a évolué, tout comme leurs besoins. On remet les pendules à l’heure, et on se doit d’entendre et d'écouter ce qu’elles vivent en essayant de comprendre et de les aider sans juger. C'est une question de société en évolution.
Une fois la dernière phase de la ménopause atteinte, les symptômes disparaissent-ils, notamment la perte de la libido qui constitue justement le tabou ultime?
La libido est souvent touchée par la ménopause. Les hormones jouent un rôle important dans le désir sexuel. La stimulation des tissus ainsi que le sensoriel sont aussi hormonosensibles. Au-delà de tout ça, le désir sexuel vient aussi de notre cerveau qui a besoin des neurohormones pour bien fonctionner dont les hormones sexuelles qui ne sont plus produites à la ménopause. N’en demeure pas moins que la relation de couple est aussi un élément qui influence le désir sexuel et d’intimité. Alors une sexualité peut survivre et s’épanouir même à la ménopause, et ce de différentes façons. Il est notamment possible d'avoir recours à une hormonothérapie bien dosée et personnalisée. Faire le deuil de sa libido, ou de sa vie sexuelle, au nom de la normalité d’avancer en âge est un tabou désolant et trop faussement véhiculé.
Beaucoup croient justement que la ménopause est associée à une perte de la féminité et de la sexualité. Que répondez-vous à cette idée reçue?
La ménopause est une phase de la vie, pas la fin de la vie. Il s'agit au contraire de célébrer une nouvelle étape. On peut s’épanouir autrement et en toute liberté. Une femme qui avance en âge, et qui est bien dans sa peau, peut être synonyme de beauté et de féminité assumée.
«Mieux vivre la ménopause – Grâce à l'alimentation et aux hormones» par Isabelle Huot et Lyne Desautels, aux Editions de l'Homme.