Vie sexuelle «La ménopause n'est pas une maladie !» (Catherine Grangeard)

Relaxnews

18.10.2020 - 10:18

L'ouvrage «Il n'y a pas d'âge pour jouir» de Catherine Grangeard.
L'ouvrage «Il n'y a pas d'âge pour jouir» de Catherine Grangeard.
Source: Relaxnews

Halte aux idées reçues! Non, la ménopause ne met pas un terme à la vie sexuelle des femmes, contrairement à ce que semble penser l'imaginaire collectif. Et le désir, tout comme le fait d'être ou de se sentir désirée, n'a aucun rapport avec l'âge. A l'occasion de la Journée mondiale de la ménopause qui a eu lieu ce 18 octobre, Catherine Grangeard, psychanalyste et psychosociologue, auteure de l'ouvrage «Il n'y a pas d'âge pour jouir» (Larousse), décrypte ces préjugés et rappelle l'importance de donner de la visibilité à toutes les femmes, quel que ce soit leur âge.

Qu'est-ce qui vous a poussée à écrire ce livre?

Le déclencheur ce sont les propos de Yann Moix sur l'invisibilité sexuelle des femmes après 50 ans et ma crainte que le buzz outré qu'ils ont déclenché ne s'éteigne pas après quelques jours. Et qu'au fond, le silence ne les accrédite. J'ai donc décidé de travailler sur ce qui se cache derrière de tels propos, certes un tantinet provocateurs, mais admis. Les préjugés ont un effet tant qu'ils ne sont pas décryptés. En psychanalyse, nous le savons!

On parle très peu dans les médias de la sexualité des quinquagénaires, comment l'expliquez-vous?

Ce ne serait pas vendeur! Ce qui est mis en avant dans les médias, c'est un seul type de corps: jeune, svelte, tonique. Un conformisme affligeant se répand, sans que l'on y réfléchisse. De fait, les pubs 'anti-âge' des produits de beauté produisent des effets collatéraux: tout ce qui est âgé est non désirable. Vieux ne rime pas avec beau et vieille encore moins… Et on est vite vieille! Les modèles d'identification avec des personnages sexy sont rares, passé un certain âge: moins de 40 ans pour les femmes disent les comédiennes. Par ailleurs, les quinquas sont aussi les parents. Or, c'est toujours gênant de penser à la sexualité de nos parents.

A-t-on la même sexualité, le même plaisir, à 20 ans et à 50 ans?

Bien sûr que non, chaque âge a ses plaisirs et la maturité amène une expérience dans la sexualité, comme dans d'autres domaines. Il est de notoriété publique que la jouissance des femmes est supérieure à la cinquantaine. C'est d'autant plus affligeant de les déclarer alors invisibles… A moins que la sexualité épanouie des femmes ne fasse peur à certains, à beaucoup même. Il y a un paradoxe de dire qu'une vie sexuelle heureuse permet de mieux vivre, que c'est le meilleur des antidépresseurs et dans le même temps considérer que les femmes d'un certain âge ne sont plus très désirables. L'autocensure s'explique du coup face à ces injonctions paradoxales. La performance est souvent plus recherchée en début de vie sexuelle. Ces généralités sont à modérer car les individus sont tous différents. C'est à souligner pour être au plus près de la réalité.

50 ans, n'est-ce pas finalement l'âge de la révolution sexuelle?

Oui, les femmes se sont libérées de tonnes de tabous chemin faisant. Enfin, la plupart d'entre elles. Il faut rappeler que quel que soit l'âge, elles restent différentes les unes des autres. Pour certaines, c'est le moment de l'épanouissement, tandis que d'autres vont considérer que la ménopause est la pause de leur vie de femme, au sens sexuel, et parfois avec soulagement. Tout dépend de la satisfaction qu'elles en ont retirée. Là aussi, des différences considérables sont à relever. Sans les ricanements, tout irait bien mieux. Les railleries ont des conséquences que l'on ne peut ignorer, ce serait les encourager. La fabrication du désir passe aussi par le social.

En tant que psychanalyste, avez-vous eu des confidences de femmes qui découvraient le plaisir à 50 ans?

Oui, bien sûr! Le cabinet de psychanalyse est un endroit où s'exprime l'intimité. Encore de nos jours, en France, des femmes vivent une sexualité sans plaisir. De moins en moins, heureusement. Certaines, après avoir élevé leurs enfants, commencent à penser à elles. L'environnement culturel mettant en avant la réalisation de soi est une aide pour ces femmes. S'affranchir des normes leur permet de découvrir une vie plus épanouissante et des rencontres se font alors, quand une certaine disponibilité les rend possibles. On le constate ces dernières années. L'habitude rime avec la lassitude. Le devoir conjugal ne donne pas très envie non plus. Certaines femmes mariées parce que c'était comme ça dans leur milieu, pas franchement par choix bien pesé, ont évolué. Les divorces sont plus demandés par les femmes de cette catégorie d'âge. C'est un signe!

Dans l'inconscient collectif, la ménopause signe la fin de la sexualité des femmes. Comment expliquer cette idée reçue?

Tout un passé explique ce préjugé. Que ce soit pour des raisons ayant leurs racines dans une adéquation procréation-sexualité qui a dominé des millénaires, dans les religions, dans une société patriarcale qui a peur de la sexualité des femmes ou encore pour des raisons tristement véhiculées par un excès de médicalisation autour de la prétendue sécheresse vaginale, le préjugé a besoin d'être décortiqué point par point pour le déloger. Encore une fois, des femmes peuvent avoir la cinquantaine et n'avoir pas envie de sexualité, elles n'ont pas à subir de nouvelles injonctions. Mais elles peuvent en avoir le désir et ce n'est pas hors d'âge, indécent, anormal, etc. Briser le tabou est le meilleur moyen de restituer une visibilité confisquée. Or la visibilité est narcissiquement indispensable. A tout âge. Personne n'a à être défini par l'extérieur ni par une seule de ses caractéristiques. 

Laquelle a le plus d'impact sur le désir et la confiance des femmes, la ménopause ou la société?

Bien évidemment, la ménopause est construite socialement. Dans certains pays, le mot n'existe même pas! A la campagne, certains symptômes sont vécus sans en faire un drame. On se dit 'ça va passer'... Et bien sûr, ça passe mieux! Plus on s'y attarde, plus ça prend de l'ampleur. La ménopause peut être accompagnée de bouffées de chaleur... ou pas. C'est une étape dans une vie de femme. Ni plus, ni moins. Pour certaines, une vraie libération, pour d'autres un regret. Le rapport aux règles n'est pas identique d'une femme à l'autre. Le fait de ne plus pouvoir avoir d'enfants, est-ce un drame en soi? N'y aurait-il de rapports sexuels qu'en vue de procréer? Médicaliser la ménopause c'est un nouvel enfermement. La ménopause n'est pas une maladie!

Est-ce que les hommes et les femmes sont égaux en matière de sexualité passé la cinquantaine?

Les hommes ont plus de pannes sexuelles. Les difficultés d'érection sont telles que les petites pilules bleues leur coûtent une fortune. Les femmes quant à elles ont tellement 'introjecté' le fait que leur corps est moins désirable qu'à vingt-cinq ans que beaucoup ont du mal avec leur propre vieillissement et complexent. C'est là où ce livre intervient pour faire se poser quelques questions. Celle du désir est particulièrement complexe et à tout âge. Il s'agit toujours d'être à la fois objet et sujet de désir. Cet enjeu dépasse une catégorie d'âge.

Que faut-il changer pour que les quinquagénaires arrivent à s'épanouir librement, voire à (re)prendre le pouvoir?

Ce n'est pas si compliqué, une fois que l'on s'accorde ce droit de vivre pleinement, sur tous les plans. Il s'agit donc de voir là où ça coince et ce n'est pas forcément identique pour tout le monde. Les histoires singulières font la différence. Il y a donc d'une part le plan collectif et de l'autre la singularité. Les exemples donnés dans le livre permettent de s'y repérer, de s'identifier et redonnent le moral. La sexualité des femmes pose toujours problème, semblerait-il. Plus elles sont libres, en particulier après la ménopause, et plus cette liberté serait à contrôler, à restreindre, y compris par des représentations stigmatisantes. Ces représentations sont culpabilisantes et sexistes.

Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui paniquent à l'idée de souffler leur cinquantième bougie?

C'est selon la femme… L'une est plutôt bien accompagnée, l'autre pas. Vous comprenez que la problématique sera bien différente! Un bon diagnostic de chaque situation permet de démarrer. Ensuite, oser le fameux 'parce que je le vaux bien'... Les freins peuvent être de divers ordres, ils sont à desserrer les uns après les autres. Briser le tabou de la ménopause en est un. Plus de 14 millions de femmes sont concernées! 40% des femmes! Pourquoi en avoir honte? S'affranchir des diktats sociaux libère. L'amour ne dépend pas seulement des apparences. Le regard fait le beau.

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