PsychoLe confinement, véritable cataclysme pour les couples?
Relax
26.1.2021 - 14:20
Experts, notaires, et avocats s'accordent à dire que les divorces ont grimpé en flèche à l'issue du confinement au Royaume-Uni, en Chine, ou encore au Brésil. Mais avons-nous le recul nécessaire pour en faire un phénomène mondial ? Aucun chiffre officiel n'est venu étayer cette thèse, et les expériences sur le terrain semblent pour le moment montrer que si cette période s'est révélée néfaste pour certains, elle a contribué à raviver la flamme pour d'autres. Décryptage.
Divorces, séparations, ou, pourquoi pas, mariages, il est encore difficile d'évaluer l'impact du confinement sur les couples. S'il s'agit sans aucun doute de l'une des situations les plus éprouvantes auxquelles deux partenaires peuvent être confrontés, nul ne peut actuellement dire avec certitudes si elle a été réellement nuisible, ou si au contraire elle a contribué à les reconnecter. Il y a forcément un peu des deux si l'on considère que la situation de départ, celle dans laquelle chaque couple se trouvait avant le confinement, parait déterminante pour en comprendre le dénouement.
Cela n'a pas empêché de nombreux cabinets d'avocats et de notaires de tirer la sonnette d'alarme sur la hausse – parfois inédite – de divorces dans certains pays. Le célèbre cabinet d'avocats britannique Stewarts a fait état d'une hausse de 122% des demandes de divorces entre juillet et octobre 2020, par rapport à la même période un an plus tôt, tandis que le Colegio Notarial do Brasil (CNB) a évoqué une hausse de 15% des divorces extrajudiciaires pratiqués chez les notaires au deuxième semestre 2020. Un schéma que l'on retrouverait également aux Etats-Unis et en Chine, d'après plusieurs médias. Reste à savoir si le confinement est réellement responsable de ces hausses, et si elles sont représentatives de la population dans son ensemble.
Les couples à l'épreuve d'une «cohabitation forcée»
Coincés entre quatre murs, jour après jour, les couples ont vécu ensemble 24 heures sur 24 pendant cette période de distanciation sociale, sans possibilité d'interagir avec l'extérieur. Et il ne s'agissait pas de vacances, l'esprit léger, au bord de la mer, mais d'une épreuve durant laquelle ils ont dû composer avec le télétravail, le suivi scolaire des enfants, et le partage – ou la tentative de partage – des tâches ménagères. Une situation qui a pu accroître ou réveiller des tensions qui n'auraient peut-être pas vu le jour en temps normal.
«Il y a des couples qui se sont retrouvés face à face et qui se sont rendu compte qu'ils s'étaient perdus en route. Ils ont réalisé qu'il y avait des problèmes depuis longtemps, mais qu'ils étaient masqués par les activités, le travail, les enfants, ou même d'autres soucis», explique le Dr Robert Neuburger, psychiatre et psychothérapeute de famille, et auteur de l'ouvrage à paraître «J'y vais… ou j'y vais pas ? - Les questions à se poser avant de se mettre en couple*».
Le spécialiste évoque un autre cas de figure, directement lié au confinement : «Il y a également beaucoup de couples qui n'ont pas eu des problèmes de couples, mais des problèmes de parents. Ils se sont retrouvés avec les enfants, ont du faire face à leurs différences en matière d'éducation, et certains ont éclaté. Ce sont des situations très difficiles car ce sont des couples qui n'ont pas de problèmes à l'origine. Et ces cas se sont multipliés pendant cette cohabitation forcée».
Il s'agit là de problèmes qui n'auraient pas pris de réelle ampleur sans cette situation inédite; deux êtres n'étant pas faits pour vivre collés l'un à l'autre en permanence. De fait, l'espace a également été une problématique majeure pendant le confinement. "Un des gros problèmes du confinement a été la gestion de l'espace, et l'absence d'espace personnel, privé, aggravées par la question du travail à domicile. Un espace restreint est vraiment un exercice de frustration pour tout le monde. C'est souvent compliqué car il y a l'espace individuel, l'espace du couple, l'espace du travail, et l'espace des enfants, et tout ça se chevauche», explique Robert Neuburger.
Des facteurs qui n'ont pas aidé les couples en cette période extraordinaire, et qui les ont durement mis à l'épreuve. Pas étonnant d'apprendre donc que certaines relations aient périclité, engendrant séparations et divorces, mais également que certains, une fois la situation revenue à la normale, en sont sortis plus forts.
Le confinement, source de reconnexion
Le fameux rythme effréné métro-boulot-dodo peut être néfaste pour les couples, qui sont alors amenés à moins se voir, moins se parler, voire moins se retrouver physiquement. Le confinement a ainsi pu se révéler positif pour certains, leur permettant de se retrouver. «Il ne faut pas oublier que des couples ont été renforcés par le fait de se retrouver pendant cette période de confinement, parce qu'on parle de partenaires qui étaient tellement pris par leur activité professionnelle qu'ils ne se voyaient finalement que très peu. Et là, tout à coup, ils se sont redécouverts. J'ai eu des couples en thérapie avant et pendant le confinement, et le fait qu'ils aient pu se connecter de cette façon a généralement été positif», analyse Robert Neuburger.
Spécialisé dans le couple et la famille, le psychiatre et thérapeute voit même cette période de cohabitation forcée comme une «épreuve initiatique» pour chaque partenaire, qui, si elle est relevée haut la main, peut renforcer les couples, notamment les plus jeunes. En partant du principe que les contraintes seront moindres à l'issue de la pandémie, la vie des couples ne pourrait que s'améliorer.
Enfermement oblige, les infidélités se sont également faites plus rares; ce qui peut être vu comme un point positif. «En termes d'infidélité, le confinement a été presque plus efficace que les maladies vénériennes de ces dernières années», déclare le spécialiste. Il évoque d'ailleurs une situation que l'on peut trouver cocasse ou dramatique, c'est selon, dans laquelle une patiente s'inquiétait de l'état de déprime de son mari; lequel était effectivement troublé par le fait de ne plus pouvoir voir sa maîtresse…
Des divorces moins conflictuels
Si l'on ne connait pas encore le véritable impact du confinement sur les divorces, il apparait que la période ait été propice à la réflexion pour celles et ceux qui avaient déjà entamé une procédure. «Je ne peux pas dire qu'il y a eu plus de demandes de divorces, en tous cas ni dans mon cabinet ni dans les cabinets de confrères spécialisés en droit de la famille. Il y a eu en revanche un phénomène intéressant. Des personnes qui étaient déjà séparées, et où ça ne se passait pas très bien avec les enfants, ont décidé de se confiner ensemble dans une maison de campagne. Ce sont des gens qui ont réussi à se poser, à discuter tranquillement de leur séparation, et à parvenir à un accord à l'issue du confinement», explique Alice Neuburger, avocate au Barreau de Paris spécialisée en droit de la famille.
Les tribunaux étant à l'arrêt pendant le premier confinement, d'autres couples ont également pu prendre le temps de la réflexion, leur permettant de se diriger vers des situations moins éprouvantes qu'elles n'auraient pu l'être sans cette période exceptionnelle. «Certains divorces auraient pu déraper rapidement vers quelque chose de conflictuel, mais dans la mesure où aucun des époux n'avait de recours pour aller devant le magistrat parce qu'il n'y avait plus d'audience, sauf en cas de violence ou d'enlèvement d'enfant, cela les a forcés d'une certaine manière à partir sur des résolutions amiables», poursuit l'avocate basée dans la capitale.
Ce constat positif n'est bien évidemment pas le fait de tous les couples qui ont pris la décision de divorcer. Pour certains, un éventuel reconfinement – qui pourrait être annoncé dans les jours à venir dans l'Hexagone – apparait même comme une épreuve qui se rajoute à une épreuve déjà pesante : «J'ai des clients qui sont terrorisés à l'idée que l'on soit reconfinés car ils sont déjà en procédure de divorce et il est devenu impensable pour eux de se retrouver à nouveau confinés ensemble», conclut Alice Neuburger.
* «J'y vais… ou j'y vais pas ? - Les questions à se poser avant de se mettre en couple», Editions Payot. A paraître le 7 avril en France.