Marcus Thuram, Kylian Mbappé, etc.Qu'est-ce que le snus, ce tabac dont raffolent les footballeurs ?
Relax
30.11.2022 - 14:03
Le snus est un tabac qui ne se fume pas. Présenté sous forme de poudre tassée dans un sachet blanc, il se place entre la gencive et la lèvre supérieure. Il peut être gardé ainsi pendant quelques minutes ou plusieurs heures. Question de goût. Venu tout droit de Suède, le snus rencontrerait de plus en plus de succès auprès des jeunes générations, et pas qu’auprès des fumeurs, influencées (en partie) par les réseaux sociaux qui en font la promotion et par quelques stars du football.
30.11.2022, 14:03
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Il suffit de traîner sur TikTok pour découvrir la multitude de vidéos évoquant le snus. Ce tabac en poudre est souvent présenté dans des sachets (un peu comme le thé) rangés dans des boîtes rondes colorées. Récemment, il a fait parler de lui via l’équipe de France de football.
A bord de l’avion l’emmenant au Qatar avec ses coéquipiers, Karim Benzema (qui a été contraint depuis d’abandonner la compétition pour blessure) s’est pris en photo aux côtés de Marcus Thuram et a posté le cliché sur Instagram. On peut apercevoir que ce dernier a avec lui une boîte de snus. Et lorsqu’il a repris la photo de Benzema sur ses propres réseaux sociaux, il l’a cachée avec un emoji avion. Il faut dire que le snus est interdit au sein de l’Union européenne depuis 1992, à l’exception de la Suède qui a le droit d’en vendre sur son territoire, mais pas d’en exporter.
Marcus Thuram n’est pourtant pas le seul joueur de football à se montrer avec une boite de snus ou en train d’en prendre. Sur TikTok, plusieurs vidéos compilent des internationaux du ballon rond qui s’adonneraient à cette pratique (images plus ou moins à l’appui). Zlatan, Mark Gillespie, Tammy Abraham, Victor Lindelof, Kenneth Hoie ou les Français Samuel Umtiti et Kylian Mbappé.
Des footballeurs dopés à la nicotine
Comment expliquer cet engouement des footballeurs pour le snus? Surtout lorsque l’on pense que ce produit est illégal dans les grandes nations européennes du ballon rond. Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport et spécialiste du dopage, apporte un élément de réponse dans un article du Monde. «La nicotine est un stimulant et un relaxant. Elle coupe l’appétit, améliore la concentration et augmente la sécrétion de stéroïdes de la surrénale (…) Elle peut apporter un bénéfice certain dans différents sports d’adresse et de précision».
La nicotine contenue dans le snus servirait donc de «dopant» aux footballeurs, tout en passant sous les radars des instances officielles sportives. Selon Jean-Pierre de Mondenard, les stars du ballon rond sont loin d’être les seules à se doper à la nicotine. Skieurs, basketteurs, volleyeurs, patineurs, rugbymen, joueurs de football américain, gymnastes, lutteurs… Une quarantaine de sports seraient concernés, selon une étude menée par des chercheurs suisses en 2011.
Pour quelques minutes de détente
Les sportifs ne sont pas les seuls à succomber au snus. Les jeunes aussi semblent trouver un certain attrait à cette alternative au tabac classique, et même les non fumeurs. Mais chez eux, l’effet escompté semble totalement différent. Ils ne consomment pas de snus pour augmenter leur concentration et leurs performances. Ils semblent y voir un moyen de se détendre et de se créer des moments de bien-être.
Placer un sachet de snus directement sur la gencive (dont la peau est extrêmement fine) permettrait de décupler l’effet de la nicotine, et donc de libérer des endorphines de manière plus rapide et intense qu’avec une cigarette. Le snus servirait de complément lors d’une soirée, un peu comme de l’alcool ou de la drogue douce. Mais ses effets seraient moins longs, de l’ordre de quelques minutes.
Il n’existe pas de chiffres sur la consommation de snus en France ou ailleurs dans l’Union européenne, le produit étant interdit à la vente. En Suède, d’où il est originaire, le snus serait extrêmement populaire. Un million de Suédois en consommeraient quotidiennement (sur une population de dix millions).
Un milliard de vues sur TikTok
Pour quantifier l’ampleur du snus, il faut se rendre sur les réseaux sociaux, et particulièrement sur TikTok. Le #snus y est évoqué un milliard de fois, dans des vidéos en plusieurs langues européennes… dont en français. On peut y voir des jeunes (très souvent) essayer pour la première fois ce tabac oral. Un peu comme s’ils essayaient une nouvelle drogue. Beaucoup ont l’air de ne pas se sentir bien. Vomissements, chaleur, tête qui tourne sont les effets (indésirables) les plus ressentis si l’on se fie aux nombreux commentaires des tiktokeurs. Certains affirment même avoir fait des malaises, voire avoir dû se rendre aux urgences.
Il faut dire qu’un sachet de snus contient de la nicotine à une dose élevée, l’équivalent de deux à dix cigarettes selon le produit acheté. D’où cette impression de tête qui tourne (comme les premières cigarettes). «Dans ces sachets, on a différents dosages et donc on peut aller de trois milligrammes jusqu'à des dosages de vingt milligrammes de nicotine par sachet. À titre de comparaison, lorsqu'on consomme une cigarette, on a entre un et deux milligrammes de nicotine par cigarette fumée», explique Adrien Meunier, infirmier tabacologue au CHR de la Citadelle à Liège au site belge RTL Info.
Porte d’entrée vers la cigarette ?
Les professionnels de santé sont de plus en plus nombreux à alerter sur les dangers pour la santé du snus ou de son cousin américain, le snuff (ou dipping). Si cette forme de tabac n’entrainerait pas de cancer du poumon comme les cigarettes, elle pourrait créer des cancers de la bouche, du pharynx et du pancréas, ainsi que des problèmes intestinaux et dentaires, sans compter les risques de lésions au niveau de la gencive à cause du tabac irritant.
Et même la version du snus sans tabac reste un problème. Si ce substitut ferait moins de dégâts sur la santé que la cigarette, il soulève la question de la dépendance à la nicotine, cette substance chimique qui rend le tabac addictif. Depuis plusieurs décennies, des politiques sanitaires sont menées dans plusieurs pays pour éloigner les jeunes de la cigarette. Avec un certain succès. Au cours des trente dernières années, la prévalence du tabagisme aurait diminué de 26% chez les Français âgés de 15 à 24 ans, selon une étude de The Lancet. L’image de la cigarette s’est également ringardisée.
Mais à mesure que la cigarette classique a mauvaise presse, sont apparues sur le marché des alternatives à l’apparence plus «fun», comme les puff (ces cigarettes électroniques jetables aux goûts attrayants pour les jeunes). Le snus repose sur un marketing assez similaire. Il est disponible dans une grande variété de parfums et packagé dans des boîtes colorées.
Reste le problème de la dépendance à la nicotine qui fait craindre aux médecins que ces jeunes devenus accrocs à cette substance en viennent plus facilement à la cigarette. Sans parler des risques cardiovasculaires accrus et des additifs présents dans les différents parfums dont les conséquences sur la santé ne sont pas tout à fait connues.