Tendance Quand les champignons hallucinogènes améliorent les performances au travail

Relax

1.4.2021 - 08:41

D'abord utilisé dans la Silicon Valley, le microdosing séduit aujourd'hui des profils créatifs en France en mal d'inspiration et de productivité. Qu'est-ce que le microdosing et est-ce que ça marche? Nous avons demandé à l'artiste tech Aurélien Fache de nous expliquer les effets de sa consommation de psilocybine, la substance active des champignons hallucinogènes.

Pour devenir plus performants au travail, certains testent le microdosing de champignons hallucinogènes
Pour devenir plus performants au travail, certains testent le microdosing de champignons hallucinogènes
Serrgey75 / Shutterstock

«J'en ai même conseillé à ma mère!» Aurélien Fache est un papa parisien de 42 ans. Il est à la fois artiste et développeur. Il s'est notamment illustré par sa performance «in bed with Thomas Pesquet» en 2017. L'artiste avait réussi à synchroniser des sextoys aux passages de l'ISS au-dessus de la terre, les faisant vibrer en rythme. Ce qu'a recommandé cet artiste à sa mère n'a rien à voir avec un parfum de glace ou une marque de confiture, mais avec la consommation de drogue en petite quantité, le microdosage de substances psychoactives.

Celui qui se décrit comme un «créatif de la tech» s'intéresse depuis plus d'un an au microdosing. Cette méthode consiste à prendre des substances psychédéliques – de la psilocybine via des champignons hallucinogènes ou du LSD – en mini doses pour activer certaines parties du cerveau normalement au repos. Le but? Agir sur notre état de conscience et le modifier. En bref, être plus performant et plus créatif, sans planer complètement.

Champis et protocole

«Je me suis beaucoup documenté avant de commencer le microdosing», explique Aurélien Fache. Pas question pour lui de prendre l'expérience à la légère. Pour que les effets soient à la fois optimums et maîtrisés, l'artiste respecte scrupuleusement le protocole de James Fadiman. Ce psychologue a publié en 2012 «Le guide de l'explorateur psychédélique : un voyage sans risque, thérapeutique et sacré» ( «The Psychedelic Explorer's Guide : Safe, Therapeutic, and Sacred Journey« ). L'auteur y affirme que l'utilisation de doses faibles de LSD «améliore le fonctionnement cognitif, l'équilibre émotionnel et l'endurance physique». Il recommande une dose dix fois inférieure à une prise normale, et sur une durée ne dépassant pas le mois et demi.

Des règles suivies à la lettre par Aurélien. «Je prends un gramme à chaque dose. Attention, il s'agit bien du grammage de la plante, pas de la substance contenue dans le champignon. C'est la dose qui me convient, mais c'est différent pour chacun». Cette petite quantité de psychotrope suffit à Aurélien pour altérer sa conscience, tout en continuant ses activités quotidiennes, et notamment le travail.

Pendant un mois, Aurélien a pris une micro dose tous les trois jours. «Tu as l'effet le lundi et le mardi. Le mercredi tu n'en prends pas, sinon ton corps est saturé et ça ne fait plus effet», détaille-t-il. Et cette cure un peu spéciale ne dépasse pas non plus la durée recommandée par Fadiman : six semaines.

L'artiste se fait livrer à domicile via un site qui a «pignon sur rue». «Certains décident de cultiver eux-mêmes leurs champignons, ce n'est pas mon cas.» Pour 14 euros, Aurélien reçoit 6 doses d'un gramme. Une pratique complètement illégale en France, mais qui n'empêche pas Aurélien de recevoir son colis empaqueté en une semaine.

Boost psychologique et physique

Les raisons qui ont poussé l'artiste à tester le microdosing concernaient d'abord le travail. «Je suis passionné par la réalité augmentée et les nouvelles réalités. J'ai vu dans le microdosing un pont entre tech immersive et drogues psychédéliques. Pour moi, c'est une réalité parmi d'autres». Le papa d'un garçon de trois ans ne voulait pas tenter d'expériences trop «dures» comme une dose normale de LSD, d'ayahuasca ou de mescaline qui auraient demander plus de préparation, et de s'isoler pendant plusieurs jours.

Des effets positifs se sont vite fait sentir. «Au départ, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Et très vite, j'ai vu que ça me calmait. Moi qui fumais pratiquement tous les jours le pétard, j'ai arrêté au bout d'une semaine, en même temps que l'alcool que j'avais mondain.»

Le Parisien a senti un «boost psychologique et physique» et une concentration nettement améliorée. «J'avais tendance à avoir des nuages noirs et beaucoup d'anxiété. En quelques jours, mon esprit s'est éclairci et les nuages se sont dissipés. J'étais beaucoup mieux dans ma peau. Mes idées étaient beaucoup plus fluides. Je parle plus, et plus rapidement. Je suis plus présent».

C'est, selon lui, la dissipation de l'anxiété qui a amélioré la qualité de son travail. En revanche, Aurélien s'inscrit en faut sur la croyance que la psilocybine rend plus créatif. «Ca ne m'a pas rendu plus créatif, mais plus concentré. Et j'ai trouvé la motivation pour aboutir à mes idées.»

Une micro consommation à prendre avec des pincettes

Si certains voient déjà l'avènement des «corporate chamans», sorte de guides spirituels en entreprise, qui améliorent le bien-être des employés, le microdosing reste risqué. D'une part, l'étude et le suivi scientifiques du phénomène restent pour le moment timides. Et les résultats mitigés. Par exemple, une étude de 2019 (»Psychedelic microdosing benefits and challenges: an empirical codebook«) révèle que 26,6% des interrogés ont vu leur humeur s'améliorer avec le microdosing et 14% ont amélioré leur concentration. Toutefois, ces résultats sont à prendre avec des pincettes. En effet, 18% ont aussi senti de l'inconfort physiologique et 6,7% ont vu leur anxiété partir en flèche. D'autre part, la consommation de drogue, quel que soit le degré de la dose, est une pratique interdite en France.

En bref, le distributeur de microdose à côté de la machine à café, ce n'est pas pour tout de suite.