Mode & Beauté Polémique : la mode, un milieu pas si reluisant que ça

CoverMedia

13.3.2018 - 12:13

Source: Covermedia

La jolie façade se fissure et les langues se délient. L'anthropologue Giulia Mensitieri s'est penchée sur le milieu de la mode dans son ouvrage Le plus beau métier du monde.

Il fallait s’y attendre. Avec les scandales qui ont récemment bouleversé le monde de l’industrie cinématographique, celui de la mode ne pouvait pas rester à l’abri bien longtemps. Déjà fragilisé par les accidents monstrueux qui avaient tués des milliers de femmes et hommes travaillant dans des conditions proches de l’esclavage dans les pays d’Asie comme sous-traitants des marques bon marché et luxueuses, le secteur, qui avait réussi à faire oublier ses malversations, revient sur le devant de la scène par là où il ne s’y attendait certainement pas l’an dernier : les mannequins eux-mêmes, porte-manteaux et porte-paroles de l’élégance, célébrées, voire starifiées depuis deux décennies, ne s’en laissent plus conter.

Elles ont récemment dénoncé la brutalité (quand ce n’est pas l’abus sexuel) exercée sur elles par des photographes tout-puissants. La profession s’en est émue et a concocté des garde-fous dont il faudra vérifier l’utilité au long court. Les derniers défilés se sont déroulés dans ce climat de suspicion, pendant que des photographes étaient bannis de certains grands magazines.

Et, dans le même temps, un ouvrage, Le plus beau métier du monde, rédigé par l’anthropologue Giulia Mensitieri, dévoile les dessous peu reluisants d’un milieu où la séduction opère pour mieux cacher l’exploitation. Selon son enquête, le travail gratuit serait une des bases du système. Les mannequins débutants d’abord, pour faire leur book et se faire remarquer, jamais payés ou d’une paire de chaussures. Et aussi, prêts à tout pour baigner dans le glamour, être auréolés par l’univers du luxe qu’ils côtoient en tâcherons, une armada de stagiaires travailleraient gratuitement nuit et jour. Les stylistes eux-mêmes, hébergés dans de magnifiques palaces le temps d’un shooting ou d’un défilé, auraient à peine les moyens de se louer un studio où vivre.

C’est ce décalage entre le statut social procuré par le fait de travailler dans le milieu prestigieux et envié de la mode, et les conditions matérielles réelles d’une partie de ceux qui gravitent dans cette industrie que l’anthropologue a voulu mettre au jour. Elle pointe aussi, pour les plus chanceux, ceux qui sont stylistes réputés, l’écrasante charge de travail quand il faut fournir de plus en plus de collections par an, et que seule compte l’image dans les médias.

Certains répondront qu’il est d’autres domaines (presse, édition, notamment) qui jouent sur cette même puissance attractive, que les victimes sont consentantes et qu’ils sont nombreux à faire la queue, qui pour obtenir un stage, qui pour défiler « bénévolement ». Et que la précarité est partout.

Certes, mais aucun de ces domaines n’est richissime comme l’est l’industrie de la mode, qui représente 6% de la consommation mondiale. Un secteur où on peut louer pour une soirée un décor à 600.000 euros, et ne même pas offrir un café à ses stagiaires.

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