Mode & Beauté Polémique : pourquoi la collection Celine d’Hedi Slimane a autant choqué

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8.10.2018 - 13:09

Source: Covermedia

La polémique a commencé à peine le défilé Celine terminé et a enflé depuis : contre et pro Hedi Slimane s’affrontent avec fougue. L’enjeu : la coupure totale d’avec le travail de Phoebe Philo et une soi-disant mise en scène déplacée de femmes en minirobes à l’époque de #MeToo.

Certains ne décoléraient pas après le premier défilé d’Hedi Slimane pour la marque Celine. Slimane avait osé faire du Slimane : références à la nuit, au rock, minirobes et boots, désinvolture et anti glamour… mais élégance et préciosité. Or, ce faisant, Hedi Slimane a refusé de mettre ses pas dans ceux de sa brillante prédécesseuse, Phoebe Philo. Et c’était un crime de lèse-majesté.

Un créateur doit-il se couler dans le moule d’une maison quand il y met le bout du pied ? C’est ce que prétend avoir fait Virgil Abloh, par exemple, chez Hermès Homme. A-t-on besoin d’un passage en douceur, pour ne pas effrayer les acheteurs ou les critiques ? Hedi Slimane avait affirmé avant le défilé : « On n’entre pas dans une maison de couture pour imiter celui qui vous a précédé, encore moins pour s’approprier l’essence de son travail, ses codes et éléments de langage, ni à l’inverse aller contre ce qui a été fait ». On ne peut être plus clair.

C’est, dit-il, son imaginaire et ses souvenirs des nuits parisiennes qu’Hedi Slimane a voulu ressusciter, le Palace, les Bains-Douches : « Je n’ai pas envie de l’enfermer dans quelque chose. Il n’y a pas de carcan, pas de modèle lié à un héritage trop marqué. C’est une idée française plus qu’un vestiaire. À partir de là, on peut inventer un vocabulaire. Ce qui est important, c’est toujours l’instant présent ».

Mais les attaques sont plus violentes encore (on lui reproche d’être démodé, hors course) et confinent à l’absurde quand un journaliste américain va jusqu’à traiter Hedi Slimane de « Trump de la mode » (sic). D’autres lui reprochent d’avoir créée des robes de soirées trop courtes, ce qui serait indélicat à l’époque de #MeToo (resic). Le créateur, qui a fêté ses 50 ans cette année, ne se sent pas terrorisé pour autant. Il a choisi de répondre avec humour en communiquant un message au chroniqueur de mode Loïc Prigent : « J’ai déjà vécu cela chez Saint Laurent. Il y a la politique, les conflits d’intérêts et les coteries, une posture prévisible, mais aussi des exagérations stupéfiantes de conservatisme et de puritanisme. La violence, c’est l’époque. L’esprit démagogique des réseaux sociaux qui sont pourtant un outil communautaire formidable. Il n’y a plus aucune limite, la haine est relayée et prend le dessus ».

Jouant l’esprit français contre le puritanisme anglo-saxon, Hedi Slimane insiste sur la nécessité pour les femmes d’être libres et de s’habiller comme elles le souhaitent. « Ce défilé était particulièrement exposé. Vu des États-Unis ou d’Angleterre, il s’agissait ici d’être scandalisé par mes robes courtes du soir. Les femmes ne seraient donc plus libres de mettre des mini-jupes si elles le souhaitent. Les comparaisons à Trump sont opportunistes, assez audacieuses et plutôt comiques, juste parce que les jeunes femmes de mon défilé sont libres et désinvoltes. Elles sont libres de s’habiller comme elles l’entendent », ajoute-t-il. Voici donc pour le versant féministe de l’histoire.

Hedi Slimane, cependant, va plus loin et pratique la technique de l’arroseur arrosé : « Pour certains en Amérique, j’ai aussi le mauvais goût d’être un homme qui succède à une femme. Il pourrait y avoir là et indirectement un sous-texte d’homophobie latente assez surprenant. Un homme dessinant des collections pour femmes, est-ce un sujet ? » Était-ce utile d’aller sur ce sujet qui, il le dit lui-même, n’en est pas un ? À la guerre comme à la guerre… commerciale : Hedi Slimane souligne qu’une telle levée de boucliers est, en effet, « une publicité inespérée pour cette collection. On n’en espérait pas tant ».

Habile, pour boucler la boucle, le créateur répond aussi à ceux qui critiquent son manque d’esprit maison : « Cela cristallise surtout une forme d’anticonformisme et la liberté de ton si française chez Celine ».

On verra dans quelque temps si Celine et Slimane restent dans le même bateau….

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