Une date, le 26 mai, une étoile sur le maillot et une phrase comme une devise, «A jamais les premiers !» : il y a 30 ans, le sacre de Marseille en Ligue des champions a posé trois éléments fondateurs d'une mythologie qui unit toute la ville.
Ce soir-là à Munich, en battant l'AC Milan (1-0), l'OM a donné naissance à une autre trilogie marseillaise après celle de Marcel Pagnol (Marius, Fanny, César). Ses trois composantes – la date, l'étoile et la devise – sont omniprésentes à Marseille, en graffitis sur ses murs, dans les paroles des chansons de supporters et de celles des rappeurs Soprano ou Alonzo et même en santons, avec une création récente, Bernard Tapie qui brandit la Coupe à côté d'un supporter portant une pancarte «A jamais les premiers!»
«Marseille, c'est 2600 ans d'histoire. Il y a donc une identité locale très forte qui a largement précédé le foot. Mais l'histoire de l'OM est incontestablement liée à celle de la ville et c'est une erreur de ne pas reconnaître ce lien étroit», explique Médéric Gasquet-Cyrus, linguiste et maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille.
«Le sacre de 1993 unit beaucoup de monde, ceux qui l'ont vécu et ceux qui n'étaient pas nés, les présents et les absents. Cela appartient à tout le monde, c'est une histoire personnelle et collective», ajoute celui qui était au stade à Munich ce fameux 26 mai.
Supériorité éternelle
Eux aussi présents à Munich, mais sur la pelouse, les anciens joueurs de l'OM Jocelyn Angloma et Jean-Philippe Durand savent exactement le poids de ce trophée dans la vie des supporters marseillais. On le leur rappelle à peu près tous les jours!
«Tout le monde nous en parle sans cesse. Cela a été une émotion très forte pour beaucoup de gens. Certains me disent encore que c'est le plus beau jour de leur vie, plus que la naissance de leurs enfants», raconte ainsi Durand.
«C'est le match no 1 pour les supporters, de génération en génération. Même ceux qui ne l'ont pas vu, c'est dans leur culture, confirme Angloma. Les gens ne pourront jamais oublier. L'OM est différent parce qu'il y a ce truc en plus. C'est dans l'histoire du club et de la ville.»
Le sacre de 1993 a surtout placé l'OM et Marseille dans une position très enviable, celle des premiers: «A jamais les premiers, c'est indiscutable, même si Paris en gagne 10. Ce qui n'arrivera pas», sourit Médéric Gasquet-Cyrus. Cela donne à Marseille une supériorité éternelle. On sera toujours gagnant au jeu du chambrage.»
«C'est l'OM»
Plus sérieusement, le chercheur marseillais voit aussi dans la victoire de Munich la possibilité pour sa ville d'écrire «un récit commun», explique-t-il.
«Cela fait partie d'une culture, c'est un élément identificateur. Cela donne une histoire et un possible destin commun à une période où il est très compliqué de fédérer. L'OM rassemble et permet de faire groupe. Tu fais partie de ce peuple qui a gagné, c'est quelque chose de très puissant.»
Responsable des South Winners, l'un des principaux groupes de supporters de l'OM avec près de 8.000 abonnés, Rachid Zeroual sait aussi à quel point la victoire face à l'AC Milan a fait entrer l'OM dans une autre dimension. «Evidemment que ça nous a fait gagner en popularité. Avant ça, on mettait trois groupes dans le même car. Cette popularité, c'est grâce à l'étoile», assure-t-il.
Alors que les Winners et les autres préparent pour vendredi «une célébration historique», Zeroual rappelle également combien le sacre en C1 définit l'OM, même 30 ans après: «A jamais les premiers, je ne sais pas qui a sorti cette phrase, mais je le remercie vraiment ! Elle veut tout dire. Quand on dit ça, on sait. C'est l'OM.»