Vingt-quatre prétendants, un ballon sphérique et un virus pour l'empêcher de tourner rond: l'Euro, qui s'ouvre vendredi dans un format paneuropéen inédit, promet une belle bagarre pour détrôner le Portugal de Cristiano Ronaldo... A condition de dribbler la pandémie.
Cinq ans après le triomphe portugais à l'Euro 2016 en France, les meilleures nations du continent rêvent de s'inviter à leur tour au panthéon, à commencer par la France et ses champions du monde, la Belgique et sa génération dorée, l'Angleterre et son insolente jeunesse, voire le Portugal lui-même.
«Nous sommes candidats à remporter le titre. Je pars avec la même conviction que le Portugal peut gagner ce championnat», a prévenu le sélectionneur portugais Fernando Santos. Lui et ses 23 homologues rêvent tous d'atteindre la finale, programmée le 11 juillet au mythique stade de Wembley, à Londres, dans le pays qui codifia voilà un siècle et demi le sport le plus populaire du Vieux continent.
Mais avant que le ballon ne commence à rouler lors du match d'ouverture Turquie-Italie, vendredi à 21h à Rome, cette 16e édition aura connu les pires difficultés. Rêvé par Michel Platini lorsqu'il présidait l'UEFA afin d'unir le continent autour du 60e anniversaire de l'épreuve, ce tournoi disséminé dans onze villes de onze pays est d'emblée apparu comme un défi logistique pour promener équipes, médias et spectateurs de Londres à Bakou.
Un Euro «sûr et festif», promet l'UEFA
La pandémie l'a de surcroît transformé en cauchemar sanitaire, entraînant d'abord le report d'un an de la compétition, avant d'entretenir un interminable flou sur son déroulement. Il a ainsi fallu attendre le 23 avril pour connaître les onze villes hôtes définitives: Bilbao et Dublin ont été évincées, Séville invitée à la fête, et Londres et St-Pétersbourg ont récupéré plus de matches.
Compliquant un peu plus la préparation, l'UEFA a exigé que les autorités locales s'engagent à accueillir des spectateurs pour chaque rencontre. Malgré l'incertitude créée par la diffusion de variants plus contagieux du Covid-19, les pays ont joué le jeu, pour cette compétition que l'organisateur veut «sûre et festive».
Mais l'ambiance ne sera pas la même qu'on soit à Budapest (jauge à 100%, soit 68'000 spectateurs) ou Munich (environ 22%, 14'000 spectateurs). La sécurité du tournoi reposera principalement sur des «bulles» pour les équipes ainsi que sur une batterie de mesures pour les spectateurs: arrivées échelonnées au stade, désinfection et distanciation.
Reste encore certains doutes à lever, comme la possibilité concrète pour les supporters de suivre leur équipe d'un pays à l'autre. Le Royaume-Uni ne prévoit, pour le moment, aucune exemption pour les détenteurs de billets, alors que Londres va accueillir les demi-finales et la finale de la compétition. La situation reste fragile, comme l'a rappelée l'annonce dimanche soir du test positif au Covid-19 du capitaine espagnol Sergio Busquets.
France, Belgique ou Angleterre favorites
Pour le football européen, financièrement étranglé par l'arrêt des compétitions au printemps 2020 puis la reprise dans des stades vides, l'Euro est aussi un enjeu financier: l'UEFA prévoit de distribuer 331 millions d'euros aux 24 participants, un montant inférieur aux 371 millions initialement prévus, alors que les recettes de billetterie seront amputées par les jauges limitées.
Une sélection battue à chaque rencontre touchera ainsi 9,25 millions, tandis que le champion empochera jusqu'à 28,25 millions d'euros. Les revenus de l'Euro, notamment ses copieux droits TV, alimenteront aussi les 775 millions d'euros versés aux 55 fédérations européennes sur le cycle 2020-2024 au nom de la «solidarité», et les clubs se partageront 200 millions d'euros pour avoir mis leurs joueurs à disposition.
Côté sportif, le Portugal voit s'achever un règne de cinq ans, entamé par la victoire surprise d'une sélection plus méritante qu'étincelante face aux hôtes français en 2016. Emmenée par un Cristiano Ronaldo désormais âgé de 36 ans, la sélection portugaise apparaît néanmoins en retrait dans les pronostics, derrière la jeune garde anglaise ou la Belgique.
Autre favorite, la France championne du monde, renforcée par le retour de Karim Benzema après une mise à l'écart de plus de cinq ans en sélection. Mais pour réaliser une nouvelle passe Mondial-Euro, comme en 1998-2000, les Bleus devront s'extirper d'un groupe très relevé avec le Portugal et l'Allemagne en rivaux les plus coriaces. Le ballon s'apprête à rouler, et toute l'Europe espère chavirer.