La Formule 1 effectuera quatre visites au Moyen-Orient cette saison. Les apparitions dans la région sont financièrement lucratives, mais elles alimentent également le débat sur les droits de l'homme.
L'installation est impressionnante. Le nouveau circuit de la corniche de Jeddah, construit le long de la mer Rouge, est étonnant. Il est censé être un site comme le monde de la F1 n'en a jamais vu. L'extravagance est intentionnelle. Le parcours urbain de six kilomètres de long, avec sa magnifique toile de fond, n'est pas seulement destiné à établir de nouvelles normes en Formule 1.
Sa signification doit dépasser le cadre du sport. Le circuit, qui accueillera le premier Grand Prix d'Arabie saoudite au début du mois de décembre, se veut un autre symbole du réveil de la plus grande puissance économique du Golfe, un signe des réformes introduites par les dirigeants, de la politique de l'avenir.
Des efforts opaques
Jusqu'ici, tout va bien. Cependant, l'hypothèse est que les réformes n'apporteront pas les libertés espérées à la population, que les structures ne changeront pas de manière significative et que le pouvoir restera dans les mêmes mains. Il est à craindre que la différence entre la libéralisation sociale et politique perdure.
Les efforts des dirigeants, avec Mohammed bin Salman à la barre, restent opaques. Le concept de modernisation «Vision 2030» et le projet de ville futuriste Neom, d'une valeur de 500 milliards de dollars et avec lequel le prince héritier veut jeter les bases économiques de l'après-pétrole, n'y changent rien.
En Arabie Saoudite, on espère que la Formule 1 contribuera à corriger l'image écornée du pays. L'entreprise s'annonce forcément difficile dans un pays où les droits de l'homme sont encore trop souvent bafoués, où la torture est encore pratiquée et où les mouvements démocratiques sont réprimés avec violence.
Contrats à long terme
Le Qatar a également été mis au pilori pour avoir ignoré les droits de l'homme. Depuis l'attribution de la Coupe du monde de football 2022 il y a onze ans, les rapports d'abus dans l'Emirat ont attiré l'attention du monde entier, traitant des décès sur les chantiers de construction et des conditions de vie et de travail misérables.
Les organisateurs du Grand Priux d'Australie ayant à nouveau renoncé en raison de la pandémie, le Qatar a été désigné contre toute attente pour remplacer cette épreuve au calendrier. Et comme en Arabie Saoudite, le projet à court terme est devenu un projet à long terme, basé sur un contrat de dix ans.
Pour les dirigeants de la F1, l'inquiétude suscitée par l'arrivée de deux organisateurs supplémentaires au Moyen-Orient, après ceux de Bahreïn et des Amirats arabes unis, ne semble pas fondée. Le GP de Bahreïn a pourtant dû être annulé il y a dix ans en raison des troubles politiques et des manifestations pro-démocratie.
Au sein du groupe américain Liberty Media, propriétaire de la F1 depuis cinq ans, et dans les hautes sphères de la Fédération internationale (FIA), on ne veut pas réduire l'ajout de courses dans le Golfe persique aux aspects financiers lucratifs. On tente de justifier une décision pourtant motivée par le mercantilisme.
Les dirigeants de la F1 présentent ainsi cette expansion sous un jour différent. Ils y voient une vraie pertinence technique, le Moyen-Orient étant selon eux une puissance décisive pour le développement des futures technologies de propulsion telles que le carburant alternatif.
«Nous avons une responsabilité envers l'avenir avec notre projet, en matière de durabilité», déclare Stefano Domenicali, directeur général de la Formule 1. «Dans cette région, nous avons trouvé la bonne voie pour la bonne croissance.»
Argument classique
Les têtes pensantes de la F1 ne se pressent en revanche pas pour débattre sur les droits de l'homme au Moyen-Orient. Ils utilisent l'argument classique de ne pas vouloir mélanger sport et politique – une pratique pourtant très courante dans les pays concernés.
Tous ne bottent cependant pas en touche. Le président de la FIA, Jean Todt, est prêt à en discuter. «Nous devons entrer en contact avec les organisations de défense des droits de l'homme. Nous voulons apporter notre contribution. Nous y travaillons», assure le Français.
Cependant, l'équilibre entre les contrats lucratifs et la pensée humaniste que Jean Todt et ses collaborateurs sera particulièrement difficile à trouver. La Formule 1 pourrait bien ne rester qu'une vitrine pour les puissances économiques du Moyen-Orient, et les apparences continueront d'être trompeuses.