A quatre jours de la reprise de la Bundesliga, Roman Bürki s'est livré sans détour à Keystone-ATS. Le portier bernois du Borussia Dortmund évoque ses espoirs et ses attentes sans se départir d'un regard critique sur sa profession.
Comment avez-vous accueilli le feu vert donné par Angela Merkel pour la reprise de la Bundesliga?
«Avant que la décision ne tombe, nous avions déjà retrouvé le stade depuis quelques semaines. Mais nous entraînions par petits groupes, sans avoir une date précise quant à la reprise. Nous étions dans le flou total. C'était une situation étrange. Mais depuis l'annonce de Madame Merkel, tout a changé. L'intensité est à nouveau bien là lors de chaque séance.»
Cette reprise se fera à huis clos et elle recèle bien des inconnues. Comment l'appréhendez-vous?
«Une part d’inconnu sera bien là, c’est vrai. On ne sait pas si on est vraiment en forme, ou si l'adversaire le sera. Cette reprise sonne comme un nouveau départ. Sur le plan de la jouerie, il ne faudra pas s'attendre à des miracles. Il convient de rappeler que nous n'avons pas livré un seul match officiel depuis huit semaines. Quant au huis clos, nous l'avons expérimenté à Paris lors de notre huitième de finale retour de la Ligue des Champions. Ce ne fut franchement pas une réussite. Mais depuis lors, nous avons discuté dans le vestiaire. Pour se rappeler que nous avons tous commencé par jouer au foot devant peut-être 5 à 10 spectateurs. La passion du foot qui pouvait nous animer alors était déjà bien là. On doit garder ce souvenir en nous. Nous rappeler en quelque sorte nos origines.»
Malgré l'engouement immense suscité par la Bundesliga, bien des critiques s'élèvent à l'encontre de cette reprise alors que la pandémie du COVID-19 n'est pas encore enrayée. Les comprenez-vous?
«L'image des footballeurs est toujours aussi écornée. Même en Allemagne. On ne comprend pas pourquoi des joueurs qui sont aussi bien payés peuvent reprendre aussi vite leur travail. Et les excès de certains qui n'hésitent pas à étaler leur richesse a un effet boomerang. Mais d'un autre côté, des études affirment qu'une majorité d'Allemands s'est prononcée pour une reprise de la saison. Au final toutefois, je suis bien conscient que nous pouvons susciter de la défiance auprès de l'opinion publique. Pour ma part, je m'efforce de témoigner d'une certaine discrétion. De ne pas me pavaner sur les réseaux sociaux. Je n'oublie pas qu'il y a des gens qui partent à 08h00 sur des chantiers pour pouvoir nourrir leur famille. Il faut toujours avoir le sens des réalités. Er retrouver une certaine humilité que nous avons peut-être perdue en raison de notre statut.»
La Bundesliga est le premier grand championnat à reprendre. Ce rôle de pionnier ne vous impose-t-il pas un devoir d'exemplarité?
«Oui. A nous de nous montrer à la hauteur de l'événement. Pour l'instant, nous le sommes dans la mesure où nous avons suivi à la lettre toutes les règles qui ont été édictées: ne pas se doucher en commun, ne pas manger en commun, ne pas se serrer la main, toujours porter le masque lors des séances de musculation. Rejouer est une chance qui nous a été accordée. Il faut la saisir. Mais cela demande une discipline individuelle et collective de tous les instants.»
Vous avez 29 ans. Vous évoluez à Dortmund depuis 2015 où votre place de titulaire a été remise en question dans un premier temps avant que vous vous imposiez sans aucune discussion. Votre avenir s’écrira-t-il toujours à Dortmund?
«Je crois avoir apporté la preuve que j'étais bien la bonne personne à la bonne place à Dortmund. J'ai peut-être eu le tort de trop vouloir en faire lors de mes premiers mois, d'être trop perfectionniste aussi. Mais j'ai su trouver le relâchement nécessaire pour exprimer mes qualités. Oui, je veux poursuivre ma carrière ici à Dortmund. Le club entend, de son côté, également prolonger cette collaboration. Mais en raison de la pandémie, nous avons décidé de retarder les discussions pour un nouveau contrat.»
Vous êtes sous les ordres de Lucien Favre depuis 2018. Quel entraîneur est-il?
«On a tout écrit sur lui. Bien des consultants n’ont pas peur d’affirmer qu'ils feraient bien mieux que lui. Mais les résultats parlent en sa faveur. L'an dernier, nous avons été dans la course au titre jusqu'à l'ultime journée. Cette saison, nous sommes toujours dans le coup. Lucien Favre impose sa griffe. Elle est unique. Il est le patron. Et l'équipe est derrière lui. Il n'y a rien d'autre à ajouter.»
Comment voyez-vous cette fin de saison?
«Déjà, le fait qu'elle puisse se terminer sera un très grand succès. Elle permettra à bien des clubs de survivre sur le plan économique. Quant à nous, nous sommes à 4 points du Bayern qui doit encore venir à Dortmund. Nous pouvons donc légitimement affirmer que la conquête du titre demeure possible.»