«Je ne perds jamais: soit je gagne, soit j'apprends»: c'est en suivant ce mantra que Leila Pereira a placé le club de Palmeiras au sommet du football brésilien, surmontant les obstacles d'un univers «machiste».
À 59 ans, cette avocate et journaliste de formation est une des femmes les plus riches du Brésil, et l'une des deux seules à tête d'un grand club sud-américain, avec la colombienne Marcela Gomez, présidente de l'América de Cali.
Pereira, qui dirige également la société de crédits Crefisa, n'a pas hésité à sortir le chéquier pour permettre au «Verdao» de vivre une nouvelle ère dorée, remportant notamment les deux derniers titres de champion du Brésil.
«J'utilise mes défaites comme apprentissage. Il n'y a rien de tel, car quand on gagne sans arrêt, on baisse la garde, et c'est là que le danger nous guette», confie-t-elle lors d'un entretien à l'AFP au centre d'entraînement du club, à Sao Paulo.
Pour accéder à la présidence de Palmeiras fin 2021, elle a surmonté «de nombreux obstacles», en particulier «le plus grand de tous, être une femme».
Mais en deux ans, elle est devenue la présidente du Palmeiras la plus titrée du XXIe siècle, soulevant six trophées avec l'équipe masculine principale. Et la section féminine a remporté la Copa Libertadores en 2022.
«Comme une entreprise»
Née à Cambuci, petite bourgade à environ 300 km au nord de Rio de Janeiro, Leila Pereira est entrée dans le monde du football par le biais de son mari, José Roberto Lamacchia, fervent supporter de Palmeiras et fondateur de Crefisa.
En 2008, il a laissé le direction de l'entreprise à son épouse, qui a commencé à injecter des fonds dans le club sept ans plus tard, à travers des prêts et de juteux contrats de sponsoring.
Des contrats encore en vigueur actuellement, ce qui lui vaut des accusations de conflits d'intérêts de la part de ses opposants depuis qu'elle a accédé à la présidence.
Mais cette manne financière était bienvenue pour ce club fondé il y a 110 ans par des immigrés italiens, qui avait joué une saison en deuxième division en 2012 et s'était retrouvée sans sponsor par la suite.
À des années lumières des glorieuses années 1990, quand Parmalat faisait couler l'argent à flots.
Révélant des cracks comme Rivaldo ou Roberto Carlos, le «Verdao» avait alors été sacré champion national deux années de suite (1993-1994) sous la houlette de Vanderlei Luxemburgo, avant de remporter la Copa Libertadores en 1999 avec Luiz Felipe Scolari.
Mais l'ère Crefisa soutient largement la comparaison, avec deux fabuleux doublés, en Libertadores (2020 et 2021), puis dans le Brasileirao (2022 et 2023).
Et la valeur marchande de effectif actuel est la plus élevée d'Amérique du Sud, estimée à 210 millions d'euros selon le site Transfermarkt.
«Le football se fait avec des investissements, pas seulement de la bonne volonté», assure Leila Pereira. Sa recette: «traiter le club comme une entreprise, tout en prenant en compte la passion des supporters», poursuit-elle. De quoi s'attirer les foudres de certains puristes.
Mais le fait est que la plupart des clubs brésiliens sont surendettés, comme c'était le cas de Palmeiras par le passé.
Pour éviter de retomber dans ces travers, Leila Pereira s'efforce de «recruter de façon responsable» et de maintenir une base de joueurs qui ont tout gagné avec l'entraîneur portugais Abel Ferreira, au club depuis 2020.
Elle donne également une grande importance au centre de formation, d'où est sorti le joyau Endrick, 17 ans, qui rejoindra le Real Madrid en juillet, pour au moins 65 millions d'euros, selon les médias brésiliens.
«Machisme struturel»
Mais ni les coffres pleins, ni les armoires garnies de trophées ne suffisent à faire taire les critiques.
Sa fidélité au Palmeiras a été mise en doute, sa famille supportant un club de Rio, Vasco da Gama, ses relations avec les groupes de supporters sont houleuses, et certains lui reprochent de ne pas être suffisamment engagée dans la cause féministe.
«On me fait toutes sortes de reproches quand nous perdons, et quand nous gagnons, c'est malgré moi», ironise la dirigeante, qui se félicite toutefois de «rompre beaucoup de barrières».
Il y a deux semaines, Leila Pereira a donné une conférence de presse exclusivement destinée à des journalistes femmes, avec des annonces importantes, comme la prolongation du contrat d'Abel Ferreira jusqu'en 2025. Et elle n'a pas manqué d'épingler les hommes «hystériques» de s'en voir exclus.
«Je ne peux pas éradiquer le machisme, c'est un problème structurel, mais je fais ce que je peux», conclut-elle.