Responsable du football féminin à l'ASF, Tatjana Hänni se réjouit évidemment de la parité hommes-femmes décidée par l'organisation faîtière du football suisse en matière de primes pour les équipes nationales. Elle parle d'un «premier pas important», sachant que les primes de l'ASF ne sont pas le seul élément dans la lutte pour l'égalité. Interview.
Tatjana Hänni, les joueuses suisses qui disputeront l'Euro le mois prochain en Angleterre recevront les mêmes primes que celles de leurs collègues masculins lors de l'Euro 2021. Votre réaction?
«C'est une journée heureuse et historique (la décision a été annoncée mardi, ndlr). Ce sujet est sur la table depuis des années. Il y a un an, je n'aurais pas pensé que nous parviendrions aussi vite à l'égalité. Je me réjouis pour les joueuses actuelles et celles des générations à venir. Je suis contente qu'elles n'aient plus à mener ce combat. Le premier pas est souvent le plus difficile.»
A quoi ressemblera le modèle des primes?
«Il y aura les indemnités journalières. Les joueuses recevront un certain montant, entre 100 et 450 francs par jour environ, qui dépendra aussi du nombre de matches disputés sous le maillot national. Ensuite, il y a les bonus à la performance: pour la qualification à une grande compétition, l'accès aux quarts de finale, aux demi-finales, à la finale, le titre... Ces primes ont été multipliées par 4,5 pour arriver au niveau de celles des hommes.»
Comment a été vous associée au processus de décision de l'ASF?
«Plutôt marginalement pour ce qui touche spécifiquement aux contrats. Mais pour les grandes lignes et pour faire avancer le projet, j'étais à la pointe. En tant que directrice du football féminin, mon rôle est de développer ce dernier de façon globale dans le pays. Cela concerne la professionnalisation, la ligue ou les indemnités de joueuses. Il reste de nombreux domaines dans lesquels nous devons nous engager. L'ajustement des primes ne règle pas tout.»
Par exemple?
«Sur la relève. Aujourd'hui, une joueuse de 14 ans n'a pas toujours les mêmes possibilités de développement qu'un garçon du même âge. J'aimerais améliorer les choses. Si nous voulons que les Suissesses continuent à participer à des compétitions majeures, il nous faut une bonne relève. Or, il existe de grandes lacunes.»
L'égalité des primes et celle des revenus versés par l'ASF au titre des droits de l'image ne signifie pas que la parité est totale, loin de là. Les recettes de l'UEFA et de la FIFA reversées à l'ASF pour les équipes nationales sont beaucoup plus élevées chez les hommes. Ceux-ci reçoivent 14 fois plus que les femmes. Qu'en dites-vous?
«Une telle différence n'est pas juste à mes yeux et pas dans l'air du temps. Nous devons oeuvrer à un meilleur équilibre. Mais il ne s'agit pas de reverser simplement aux joueuses l'argent que nous recevons des fédérations internationales. Il faut voir le football féminin en Suisse comme un investissement, avec le plus grand potentiel. Cette année, le nombre de licenciées a augmenté de 16% par rapport à 2021. Nous n'avions jamais connu un tel bond auparavant. Les spectateurs aussi sont toujours plus nombreux, l'intérêt des sponsors augmente. Cela montre le développement de notre sport.»
Que devraient faire encore l'UEFA et la FIFA?
L'UEFA a déjà doublé les primes de l'Euro 2022 par rapport à celui de 2017 (de 8 à 16 millions d'euros). Et pour la Coupe du monde 2023 en Australie et en Nouvelle-Zélande, il faut s'attendre aussi à un doublement par rapport à l'édition 2019 en France. C'est louable. Ce qui ne va pas en revanche, c'est que l'écart avec les hommes se creuse malgré tout. Car les primes reversées par l'UEFA et la FIFA aux sélections masculines connaissent une évolution plus forte encore.»
Quelles chances voyez-vous pour la Suisse à l'Euro en Angleterre, dans un groupe C difficile avec la Suède, 3e du dernier Mondial, et les Pays-Bas, tenants du titre?
«Nous sommes certainement moins fortes que ces équipes et sommes déjà ravies d'être de la partie. Nous voulons absolument gagner le premier match contre le Portugal. Nous qualifier pour les quarts de finale serait un beau résultat, mais on ne peut pas tabler là-dessus.»