Gaël Clichy a 35 ans, mais il ne les fait pas. Le latéral gauche de Servette, arrivé en décembre, a une expérience folle (Arsenal, Manchester City, Istanbul Basaksehir) et cherche à la partager avec les Grenat, comme il l'a expliqué dans un entretien avec Keystone-ATS. Quitte à bousculer les habitudes. Pour l'instant, cela porte ses fruits, Servette étant en haut de tableau, avant de recevoir Vaduz dimanche.
Servette est actuellement 2e de Super League. Que faut-il interpréter de ce classement ?
«Je suis arrivé à un moment où l'équipe tournait moyennement et vivait un moment compliqué (réd: Servette était 7e). Mais moi, dans ma carrière, j'ai toujours joué le haut du tableau et je m'efforce de travailler pour ça. Je me suis rendu compte des qualités qu'il y avait dans l'académie mais aussi dans le groupe. Il y a donc beaucoup plus à faire que le bas du classement. Ce n'est pas moi qui fixe les objectifs, mais Servette peut faire mieux que l'année passée. Et je cherche toujours à regarder vers le haut, plutôt que vers le bas, même si le classement peut vite changer. Mais je vois que l'équipe progresse.»
Vous restez sur quatre victoires consécutives. Quelque chose a-t-il changé ces derniers temps ?
«Il n'y a pas de fumée sans feu. Ce que je sais, c'est que les équipes qui vont très haut sont celles qui ont un projet clair. Les équipes où j'ai pu évoluer faisaient l'effort de jouer au ballon, sans dénigrer les tâches défensives. Moins on a peur de jouer, plus on peut avoir de contrôle sur le jeu. Ca passe par là. Certains clubs sont certainement mieux structurés que Servette. Mais si nous arrivons à proposer quelque chose de clair, il est possible de les titiller. A Saint-Gall (réd: victoire 1-0 des Grenats, avec une approche attentiste), nous avions, certes, fait preuve d'une détermination collective, mais je ne crois pas qu'il soit possible d'aller très haut avec ce type de football.»
Sentez-vous que vous avez une responsabilité sur les performances actuelles ?
«Je m'efforce d'être le plus performant possible, en essayant de pouvoir apporter quelque chose. J'amène en tout cas une expérience, de par le fait que j'ai connu un certain niveau. Ma vision est qu'il faut regarder plus haut. Une équipe comme Young Boys ne regarde pas derrière. Mais moi, je suis juste là pour être sur le terrain et je veux m'inscrire dans ce projet.»
Mais vous avez une influence sur le groupe. Sur le terrain, on vous entend beaucoup par exemple.
«Nous avons tous une présence. Pour les jeunes, il est peut-être plus facile de m'écouter. Je leur dis qu'ils ont beaucoup de qualités. Je suis dans un processus pour essayer de leur faire prendre conscience de ça. Et puis, j'apporte de la sérénité pour grandir en tant que club.»
Et avec le staff, avez-vous aussi des échanges ?
«Oui. Ce que je leur dis, c'est ce que j'ai entendu de la part des Wenger, Mancini, Blanc, Deschamps, Guardiola. J'ai gagné avec une certaine philosophie, j'ai eu cette chance-là. Alors si je peux amener ma pierre à l'édifice...»
Par exemple, on constate que Servette repart beaucoup plus de l'arrière depuis que vous êtes là.
«Si on peut prouver qu'en jouant des longs ballons on peut arriver à de meilleurs résultats, d'accord. Mais tant par expérience que par l'analyse, j'ai pu observer que les équipes qui partent de derrière sont celles qui ont le plus de contrôle, le plus d'occasions et celles qui courent le moins derrière le ballon. Nous avons des joueurs qui aiment jouer avec la balle et aujourd'hui, nous avons des résultats qui le démontrent.»
On sait aussi que vous n'hésitez pas à travailler après l'entraînement avec certains joueurs.
«A Arsenal et à Manchester City, j'ai eu la chance de jouer avec des joueurs cinq à dix fois meilleurs que moi. A Istanbul, je me suis rendu compte que j'avais un message à faire passer. Et ça m'a plu de partager ça. D'autant que ça a évolué vers le positif, avec à la fin un titre de champion. Il faut toujours faire preuve de plus de rigueur pour accomplir quelque chose. Quand je travaille avec les jeunes, je veux leur faire prendre conscience qu'il y a un sacrifice, un travail à fournir en plus. Ces extras permettent d'affûter les bases.»
Vous dégagez beaucoup d'assurance et de confiance en vous. A Servette, vous vous sentez supérieur aux autres ?
«Ce n'est pas de la confiance, mais des faits. J'ai 35 ans et j'ai eu la chance de connaître plein de grands entraîneurs. Je suis chanceux d'avoir connu tout cela et je veux en faire profiter. Mon vécu me pousse à vouloir partager avec les jeunes, le coach, etc. Je veux proposer quelque chose de beau, mais sans faire preuve d'arrogance.»
Quel regard portez-vous sur le football suisse ?
«Je ne vais pas mentir en disant que c'est aussi alléchant que la Premier League ou même ce que j'ai connu à Istanbul. Mais c'est sympa de remarquer qu'il y a plusieurs influences différentes selon les clubs, qu'ils soient alémaniques, romands ou tessinois. Je trouve qu'ici, c'est intéressant pour apprendre le football. En Suisse, les joueurs bénéficient d'une formation complète. Après, quand je vois les infrastructures, ça me choque un peu. Le football est le sport numéro un en Europe et je ne comprends pas qu'on ne mette pas plus de moyens dans son développement ici. Les infrastructures ne sont pas dignes des clubs professionnels. Ca ne m'étonne pas que des équipes comme YB, Bâle ou Zurich ont pu dominer le championnat ces dernières années: elles ont des structures claires. Mais c'est peut-être une question de mentalités.»